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Festival Film Angoulême 2023 / Vincent Perez : “Une affaire d’honneur”, un duel entre honneur et modernité

Dans le cadre du 16ème Festival du Film Francophone d’Angoulême, Vincent Perez présente en avant première son nouveau film en tant que réalisateur :  Une affaire d’honneur. Le long métrage se déroule dans un Paris du 19ème siècle où la pratique du duel à l’épée, pourtant interdite par la loi, est monnaie courante pour régler les conflits. Le cinéaste fait appel à deux grandes têtes d’affiche pour les rôles principaux avec Roschdy Zem en maitre d’armes, et Dora Tillier, féministe avant-gardiste. Vincent Perez apparait également devant la caméra en grand rival des personnages principaux. Le film est à découvrir dans les salles le 27 décembre 2023.

Vincent Perez reprend l’épée pour Une affaire d’honneur

Quand Vincent Perez s’avance sur la scène du CGR à l’occasion de la présentation en avant première du film au public angoulémois, l’acteur de Fanfan La Tulipe confie aboutir d’un projet de longue haleine avec un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Après la séance, nous avons recueilli les confidences du réalisateur qui revient pour nous sur l’expérience Une affaire d’honneur.

J’ai ressenti des sensations fascinantes grâce aux combats

Bulles de Culture : D’où vient votre passion pour l’art de l’escrime ? 

Vincent Perez : Elle me vient de ma participation à Hamlet, mis en scène pour le théâtre par Patrice Chéreau en 1988. À la fin du spectacle, j’avais une scène de combat à l’épée avec Gérard Desarthe, qui jouait Hamlet. C’était un duel qu’on a travaillé quotidiennement pendant quatre mois. Denis Podalydès m’avait alors confié que c’était pour lui le plus beau combat qu’il avait vu au théâtre. C’était une expérience incroyable. Le maitre d’armes, Raoul Billerey, nous avait emmenés vers un combat bestial. On a notamment cassé sept lames durant la tournée de la pièce. J’ai ressenti des sensations fascinantes grâce au combat d’Hamlet. La suite de ma carrière m’a permis de côtoyer d’autres grands maitres d’armes. Sur Cyrano, même si je n’ai pas de scène avec épée, j’étais heureux de rencontrer William Hobbs, en charge des chorégraphies pour les duels. J’ai rencontré ensuite Michel Carrièze qui est un peu la mémoire de cette discipline dans le cinéma. Une amitié est née entre nous. Fort de cette science, j’ai toujours eu en moi le rêve de faire un film où il était possible de ressentir davantage ce que je vivais en tant que duelliste. De mes expériences passées, j’ai toujours trouvé que la caméra n’était pas assez dans le combat, toujours en marge du récit. Je voulais faire un film où ce combat était la colonne vertébrale de l’histoire.

Bulles de Culture : Vous évoquiez, lors de la présentation du film au Festival d’Angoulême, une gestation longue pour produire le film. Pourquoi Une affaire d’honneur a mis autant de temps à aboutir ? 

Vincent Perez : C’est lié à plusieurs facteurs. J’ai mis des années à trouver un angle. Au début, je n’arrivais pas. J’avais même abandonné l’idée de le faire. C’est Jean Dujardin, en discutant avec lui au moment de J’accuse, qui a ouvert à nouveau la boîte de Pandore. En rentrant chez moi, j’ai commencé à faire des recherches. Je suis tombé sur un document manuscrit, répertoriant l’annuaire des duels au XIXe siècle. J’avais devant moi un listing de plus de 300 duels par an, répertoriés par noms et par lieux. Puis, seconde révélation qui m’a donnée un nouvel élan, je tombe sur un livre d’Eugène Tarvernier qui a écrit en 1886 L’art du duel, livre de référence pour tous les duellistes. La publication de cet ouvrage a été rendu possible grâce à la liberté de la presse, proclamée en 1881. Dès lors, les journalistes pouvaient faire des enquêtes sur cette pratique illicite et sortir celles-ci dans les journaux sans craindre la censure. C’était la naissance du fait divers. J’en parle d’ailleurs dans le film en évoquant l’assassinat de la rue Montaigne, premier fait divers qui a fait vendre du papier. C’est pour cette raison-là que le duel est revenu en force. Cette discipline existait depuis plusieurs centaines d’années mais Louis XIV l’avait prohibée car il y perdait ses meilleurs combattants. Le duel était donc toléré mais interdit. La période du XIXe siècle est aussi une période passionnante à aborder car c’est un monde qui change avec l’arrivée de l’électricité, du gramophone, des voitures motorisées…

Bulles de Culture : C’est effectivement un monde qui change avec également l’apparition du féministe, thématique abordée dans votre film avec le personnage de Marie-Rose Astié jouée par Dora Tilliers. Pourquoi avoir souhaité associer duel et féminisme dans Une affaire d’honneur

Vincent Perez : Au début, je voulais vraiment faire un film sur les hommes qui vivent dans l’humiliation de la défaite de la guerre de 1870 et qui essayent de restaurer leur dignité à travers les duels. Dans mes recherches, je me suis rendu compte qu’il y avait eu un vrai affrontement d’idées entre un rédacteur en chef du Petit Journal, un certain Ferdinand Massin, et cette femme, Marie-Rose Astié, considérée comme la première femme libre. Elle revendiquait des choses aberrantes à l’époque comme l’égalité des sexes, le droit de vote des femmes et puis ce droit du port du pantalon pour les femmes. En effet, celles-ci avaient des grosses amendes si elles ne s’affichaient pas en jupe. Le port du pantalon était considéré comme un travestissement. Marie-Rose Astié est apparue petit à petit dans le scénario. Puis, elle a pris de plus en plus de place dans le film car cela faisait d’autant plus exister ce monde des hommes. Cette féministe avant gardiste a d’ailleurs vraiment voulu se battre en duel contre Ferdinand Massin. Elle l’a provoqué mainte fois et même giflé lors d’une réunion politique. Dans le film, elle se bat en duel contre lui. Ce qui n’a pas été le cas dans la réalité même si le personnage incarné par Dora Tilliers s’est livrée en duel contre d’autres femmes. Elle aurait voulu se battre contre Ferdinand. Le film lui offre ce combat.

Les acteurs ont eu une grosse préparation

Bulles de Culture : Une affaire d’honneur est extrêmement chorégraphié au niveau des combats. Pouvez-vous revenir sur la préparation du cast pour arriver à tourner ces scènes ? 

Vincent Perez : Les acteurs ont eu une grosse préparation. Le casting ne s’était jamais vraiment battu au cinéma.  Roschdy Zem avait eu une expérience malheureuse il y a très longtemps, où il s’était blessé. Roschdy Zem, Dora Tilliers, Noham Edje et Damien Bonnard ont joué le jeu à fond. Ils étaient énormément impliqués, mais je crois qu’ils ont pris aussi énormément de plaisir. Ce facteur plaisir est important. La difficulté est qu’il y a une technique précise à adopter pour le maniement de l’épée. Dès qu’on prend de la vitesse, il est difficile de tenir cette technique. Il faut alors qu’il se crée chez le porteur de l’arme une sorte de reflexe. J’ai vu Doria souffrir, me disant qu’elle n’allait jamais y arriver. Et finalement, elle a brillamment relevé le défi.

Bulles de Culture : Vous avez souhaité jouer dans votre film en interprétant l’adversaire des personnages de Roschdy Zem et Dora Tillier. Pourquoi vous êtes-vous attribué ce rôle ?

Vincent Perez : Au départ, je ne souhaitais pas jouer dans Une affaire d’honneur. C’est ma femme qui m’a convaincu d’apparaitre dedans. Elle me disait : “tu fais un film sur un sujet que tu connais très bien. Cela serait bizarre de ne pas y apparaitre”. Ce personnage d’antagoniste est inspiré d’une personne réelle qui était accro aux duels. A lui seul, il en a comptabilisé plus d’une trentaine. Mon personnage me permettait de ne pas être trop devant la caméra, mais en même temps me rapprocher des acteurs en jouant avec eux.

Entretien réalisé à Angoulême le 24 août 2023. 

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 27/12/2023
  • Distribution France : Gaumont Distribution
Antoine Corte

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