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Critique / “Sur l’autre rive” (2021) d’Emmanuel Grand

Emmanuel Grand, après trois livres très réussis (Terminus Beltz, Les salauds devront payer, Kisanga) chez Liana Levi, est de retour chez Albin Michel avec Sur l’autre rive, du côté de Saint-Nazaire où règnent les Chantiers de l’Atlantique, et les demeures bourgeoises en pays de Retz, avec Saint-Brevin-les-Pins, Pornic, au delà de l’estuaire de la Loire. La critique et l’avis sur le livre. 

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L..

Sur l’autre rive : autour du pont de Saint-Nazaire

Deux mondes, deux atmosphères, que tout oppose. D’un côté, celui des travailleurs frappés par les crises économiques, de l’autre celui de familles aisées, des notables qui viennent profiter de leurs résidences secondaires, ou qui y vivent de manière permanente. Pour relier les deux rives rien de plus facile, il suffit d’utiliser le pont le plus long de France, celui de Saint-Nazaire, nom d’usage, car il n’a jamais reçu de nom officiel. Supportant la route bleue, route touristique de Guérande à Pornic, cet ouvrage jouit d’une triste réputation, celle d’être un haut lieu pour les suicides. Une fois encore, une personne s’est jetée dans le vide, de plus de 68 mètres. Il s’agit d’un jeune homme de vingt et un ans, Franck, âge exceptionnellement bas pour ce type de geste. Cela éveille les doutes chez le capitaine Marc Ferré quant à la réalité de l’acte.

Les personnages fouillés, concernant plusieurs générations, sonnent justes et reflètent parfaitement un coin de France confronté aux maux de la société actuelle. Franck, veut fuir coûte que coûte Trignac, commune adjacente de Saint-Nazaire, ses parents, et surtout son père, aigri par son accident sur les Chantiers navals, sans travail, qui se noie dans l’alcool. Cette situation dure depuis très longtemps, au moins treize ans depuis que Julia, sa sœur aînée, a claqué définitivement la porte de la maison de famille, très modeste, et filé sur Paris où elle est devenue une brillante avocate. Revenir sur les terres de son enfance pour les obsèques de son frère est une épreuve, qui rouvre des plaies et des souvenirs.

Franck, pas mauvais au foot, poussé par son oncle Régis, a intégré l’équipe de Saint-Nazaire. Il se voit déjà un destin de joueur professionnel. En ménage avec Sandra, une gentille fille travailleuse, Franck rêve de plus grand, de pouvoir dépenser sans compter, d’acheter quand il veut et faire la fête en continu. En rencontrant, Clément et Yann, fils gâtés de la bourgeoisie locale, de l’autre côté du pont, il voit une partie de ses vœux satisfaite. Alcool, restaurants plus chics les uns que les autres, produits illicites, soirées dans de belles demeures, rencontres féminines, lui font la vie différente, plus belle, plus artificielle. Ayant abandonné son emploi de jardinier pour celui plus lucratif de transporteur, un peu particulier et à risques, tout semble aller pour le mieux.

Marc Ferré aidé d’une jeune collaboratrice, vive et pleine de répartie, Laure, en retrouvant Julia, une amourette de lycée, va patiemment décortiquer toutes les pistes qui s’offrent à lui. Il entre dans les secrets de familles, ceux des parents de Franck, ceux de Régis et Mélanie, ceux des frères Morandeau, ainsi que ceux du concessionnaire automobile Mercédès, père de Clément, et ceux de la famille de Yann. Les malheurs de certaines personnes apparaissent. Jalousies, rancœurs, haines sont tenaces. Les rêves font place parfois, aux doutes, aux regrets, à la peur et se transforment en cauchemars.

Notre avis ?

Le pont, moyen de liaison par excellence entre deux rives, marque ici une rupture sociale très profonde. Le pays de Retz, est mis en valeur par de belles descriptions, ainsi que celles des belles demeures qui y sont disséminées. Emmanuel Grand confirme qu’il est un maître du roman noir. Parfaitement mené, porté par une écriture fluide, Sur l’autre rive, se révèle un excellent polar social, au découpage original dont les cinq cent pages se dévorent avec gloutonnerie.

En savoir plus :

  • Sur l’autre rive, Emmanuel Grand, Albin Michel, mars 2021, 528 pages, 21.90 euros
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