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Feu critique livre avis

Critique / “Feu” (2021) de Maria Pouchet

Parmi, les livres proposés par les éditeurs en cette rentrée littéraire de septembre 2021, Feu de Maria Pourchet émerge déjà au milieu de ses centaines de concurrents. Les lecteurs de magazines découvrent souvent, avec l’article sur ce livre, la photo de l’auteur, une mince jeune femme d’une quarantaine d’années souriante et tranquille. Attention de ne pas se fier à cette apparence : la jeune femme préfère  plus le vitriol que les bons sentiments. L’avis et la critique sur le livre. 

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Gilles M.

Synopsis :

Laure, professeur d’Université à Cergy, brillante mais désabusée, mariée, mère de deux filles Vera et Anna, la quarantaine (comme l’auteur)  déjeune pour préparer un colloque d’histoire contemporaine sur « La peur en Europe » avec Clément,  un financier, employé au siège d’une banque d’affaires (« La Banquise ») dans une tour de La Défense,   légèrement dépressif. Entre Laure et Clément, se développe une liaison  charnelle  aussi passionnée que dévastatrice. 

Le lecteur dans l’intimité des protagonistes

Feu fait alterner le point de vue des deux personnages. Laure s’adresse à elle-même à la seconde personne (« Tu commandes un café, lui aussi »),Clément parle à la première. Les chapitres relatifs à Clément ont pour titre la date l’heure, la température extérieure, sa tension artérielle, sa fréquence cardiaque données par l’application Care de son téléphone comme si il voulait développer un point de vue plus objectif.

Laure est plus dans le sentiment. Régulièrement son récit est interrompu par des avis de sa mère décédée (« Mais fous-moi le camp, s’époumone maman sous la dalle»).

Laure décrit beaucoup sa vie domestique, sa perpétuelle course pour gérer la maison, son inquiétude pour ses filles. Clément parle de son travail et de ses réunions professionnelles comme des scènes de théâtre et de son chien nommé Papa.

Ce procédé met le lecteur au cœur des états d’âmes des deux  protagonistes. Nous partageons leurs pensées les plus profondes, leurs actions, leurs réflexions sur ces actions, voir leur mal de vivre, au plus près.

Feu : Incendie à tous les chapitres

Apres le déjeuner et quelques SMS, l’incendie se déclare. Rencontres torrides, SMS, rencontres pendant les vacances en Toscane, SMS de nouveau, il ne semble pas pouvoir s’éteindre rapidement. Aucun des deux n’est très disponible mais tous les lecteurs de romans savent que les grandes passions se nourrissent des obstacles ! Vient le moment, où l’un des deux veut ralentir, retrouver un peu de tranquillité mais s’il reste des tisons, l’incendie ne s’arrête pas facilement ! Entre temps, tout aura été dévasté du précèdent quotidien des amants !

Les « auto-récits » des rencontres de Laure et Clément nourrissent la progression du livre. Chacune, plus ou moins réussie, fait évoluer leur histoire.

L’auteure excelle à décrire  leurs psychologies. Autant qu’un désir du corps de l’autre, leur moteur est aussi de sortir du vide et de la monotonie de leurs vies.

Maria Pourchet : un humour féroce

Rassembler un homme et une femme aussi différents est déjà un indice de la férocité de l’auteure.

A travers leurs pensées ou le partage de la vie quotidienne de ses personnages, l’auteure se livre à une savoureuse déconstruction des mythes de l’époque, comme celui du banquier  dynamique par exemple. Le travail obscur de Clément, ponctué de réunions formelles inutiles, semble lié au suivi et à la promotion du cours de bourse de sa banque mais en fait ce cours lui échappe totalement. Il rencontre des journalistes financiers. Plus il est déprimé, plus il leur donne sur un ton sentencieux des nouvelles fantaisistes aussitôt reprises. Maria Pourchet s’amuse aussi de ses relations avec sa hiérarchie montrant les limites de la bienveillance promue par les DRH des groupes du CAC 40.

Le monde des Universités de Laure n’échappent pas à sa plume acerbe et on retiendra le récit d’une réunion de sélection pour une promotion fondée sur la possibilité de sa passer du promu.

Vera, la fille («coquille fermée, vide de sens et pleine de poudre » se répand moins en confidences que sa mère mais son regard sur sa famille est aussi lucide et ses reparties à la fois drôles et cinglantes.

L’humour trouve son sommet dans la surprenante fin du livre à la fois tragique et grand guignol.

En conclusion, Feu, roman sur un amour aujourd’hui mais aussi description critique de notre époque, est une lecture saisissante !

En savoir plus :

  • Feu  de Maria Pouchet, Fayard, Paru le 18 Aout 2021, 360 pages, 20 € (14,99 euros en numérique).
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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