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Critique / “Zone d’éducation privilégiée” (2020) de Christophe Desmurger

Dernière mise à jour : avril 24th, 2021 at 02:18 pm

Christophe Desmurger sort son quatrième livre Zone d’éducation privilégiée. L’auteur, également professeur des écoles, raconte son parcours l’ayant conduit d’une zone d’enseignement prioritaire à une zone privilégiée. L’avis et la critique sur cet ouvrage inspiré de son expérience. 

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L..

Zone d’éducation privilégiée, pas zone d’éducation prioritaire

Dans Zone d’éducation privilégiée, Louis Dumont a tout pour être heureux ; une famille unie avec deux beaux enfants, Gabrielle et Elie, et sa femme Linda, professeur des  écoles comme lui. Mais à quarante ans passés, une certaine lassitude s’est installée. Il ne supporte plus que les enseignants soient mis en permanence au pilori par les médias journalistiques ou télévisuels, comme responsables de la baisse du niveau scolaire.

Il a de plus en plus de mal à accepter des choses inutiles comme les journées de pré-rentrée, sauf à découvrir la tête de nouveaux enseignants, stagiaires, ou celle de la nouvelle directrice, Mme Richoux. Mélanger les niveaux des élèves de deux niveaux en une seule classe, tel est le sort de Louis qui dirige un groupe CP/CE1. Une salle de classe sans élèves, c’est triste et déprimant. Grâce à la liste des noms et prénoms de ceux qui demain seront sur les bancs ; Charles, Alexis, Justine, Samir…, il peut imaginer ce qu’il l’attend. Et c’est déjà la septième rentrée scolaire dans cette ZEP, zone d’éducation privilégiée et non zone d’éducation prioritaire où Louis a œuvré à ses débuts. Il reçoit les dernières consignes des parents pour gérer leur progéniture.

Dans les cours de la « meilleure circonscription de France », dans le VIe arrondissement, à proximité du Luxembourg il faut veiller au grain, que chacun respecte l’autre, qu’il n’y ait pas de mots ou de gestes déplacés. Et quand il y en a, il faut arbitrer, trancher, réconcilier et sermonner. Heureusement, les écouteurs sur les oreilles et la play liste prête à être sélectionnée, il est possible de décompresser et d’oublier les jérémiades, les récriminations de certains parents comme Monsieur J’ailebraslong. Sami, au langage fleuri et direct, et Pedro sont des enfants du rez-de-chaussée qui n’ont pas la chance d’être invités lors de fêtes d’anniversaire de leurs petits collègues. Chacun doit rester à sa place.

Pas question que les classes sociales se mélangent

Il n’est pas question que les classes sociales se mélangent, chacune ne devant frayer qu’au sein de la sienne. Chaque enfant renferme ses propres blessures. Alexis, le surdoué, s’intéresse à tout ce qu’il découvre comme l’architecture gothique, De Gaulle et autres sujets ignorés des autres élèves, mais il demeure solitaire et sans amis. Et que dire de Charles, ce fils unique, seul avec sa nourrice, alors que ses parents, antiquaires reconnus, sillonnent le monde. 

Par ailleurs il faut supporter Merlin, l’Inspecteur, avec les directives ministérielles à mettre en œuvre aussi stupides et inefficaces soient elles. Et il y a la nouvelle directrice, inapte à la moindre relation sociale que ce soit avec les parents, les élèves ou les enseignants. Elle demeure confinée dans son bureau, attelée a décrypter notes et fichiers surabondants. Il y a aussi des collègues à la dérive, comme Muriel, devenue inapte à enseigner et qui noie ses désillusions d’ordre privé dans l’alcool. Et l’imprévu surgit, avec l’intégration de la petite Olivia, en cours d’année dans la classe. Ingérable, refusant toute communication, elle risque de mettre en péril le fragile équilibre des lieux. Un seul jour d’absence de Louis, pour garder sa fille malade, suffit pour déclencher un cataclysme dans l’école, aux conséquences dantesques.

Le roman-vrai de Christophe Desmurger, où franchise, humeurs et humour cohabitent, est rythmé par des interrogations, des critiques. Louis continue à s’investir au delà des normes pour aider ces enfants, quelque soit leurs origines et difficultés. Ici, dans cette Zone d’éducation privilégiée, où il se sent parfois illégitime, il casse les codes traditionnels, arborant ses chemises bariolées et sa boucle d’oreille. Le blues de l’enseignant est prégnant en cette année de désamour professionnel. La vocation s’étiole. Un témoignage, porté par un langage moderne et réel, que le lecteur aura plaisir à partager.    

En savoir plus :

  • Zone d’éducation privilégiée, Christophe Desmurger, Editions Anne Carrière, octobre 2020, 192 pages, 18 €
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