Il y a quelques semaines est sortie au cinéma l’adaptation du livre précédent de Hannelore Cayre, La Daronne, de Jean-Paul Salomé avec Isabelle Huppert dans le rôle-titre. En même temps, Hannelore Cayre publie un nouveau roman Richesse Oblige, une histoire folle et plutôt immorale comme elle les aime. La critique et l’avis sur le livre
Synopsis :
Blanche de Rigny, jeune femme handicapée suite à un accident de voiture pendant sa jeunesse, originaire d’une ile bretonne perdue qui pourrait être Ouessant, est intriguée par son nom. Celui-ci De Rigny ne ressemble en rien aux autres noms bien bretons des habitants de l’ile. Un enterrement va la mettre sur la piste de ses ancêtres et de leur richesse ! Parmi ces candidats ascendants, un jeune homme, Auguste de Rigny apparait jouer un rôle primordial dans les années 1870.
Le roman va donc s’intéresser à Auguste, qui comme par hasard, est déjà en révolte contre sa famille au point de s’enrôler avec les communards en 1871 à Paris.
Un double récit : 1871 et 2020 à Paris
Richesse Oblige avance donc selon ce double chemin : l’enquête de Blanche sur sa famille fortunée et les aventures d’Auguste à Paris.
Nous apprenons en détail comment Auguste échappe à 9 ans de service militaire en faisant acheter un jeune homme moins fortuné vigoureux pour le remplacer. Blanche se sent très proche de ce remplaçant rapidement mort à la guerre et le lecteur comprendra plus tard pourquoi. Elle entreprend, un peu comme le comte de Monte Cristo, de le venger.
Dans la partie années 1870 du récit, la famine s’installe dans la capitale assiégée par les prussiens. L’auteure nous rappelle comment elle est vécue différemment par les plus pauvres et les plus riches. Le jeune Auguste ne tarde pas à se rapprocher des insurgés de la commune. On revit avec l’auteure le démarrage de la révolte autour des canons de Montmartre. Le lecteur croise les grandes figures de l’époque comme Louise Michel, Jules Vallès ou du côté opposé, Adolphe Tiers.
Richesse oblige et Richesse en question !
L’auteure ne cache pas sa sympathie pour le combat d’Auguste comme pour les luttes sociales en général. Blanche, à Paris, démarre aussi la lutte à sa manière.
Il faut dire que les pratiques de la famille de Rigny pour continuer à s’enrichir sont peu sympathiques : spéculation sur des résidus pétroliers polluants, corruption dans le contexte de France Afrique, mépris des pays en développement, bénéfices réalisés sur des activités polluantes…
Dans ses notes de fin d’ouvrage, l’auteure cite comme source d’inspiration Thomas Piketty mais elle a la main encore plus lourde que lui sur le développement des inégalités liées au capital, associant les riches aux magouilles, trafic et exploitation des plus faibles.
Le titre Richesse Oblige s’avère donc particulièrement pertinent renvoyant avec ironie à une devise désuète mais sonnant aussi comme une injonction moderne de l’auteure au capitalisme de devenir plus moral.
Robin des Bois, Daronne et compagnie.
Face à ce constat, Blanche passe à l’action avec finesse et détermination.
Elle agit comme Lisbeth Salander, l’héroïne geek de la série de romans policiers Millénium de l’écrivain suédois Stieg Larsson mais en mode plus rustique, avec Google à la place du dark net et la copie de CD ROM plutôt que l’accès à distance aux PC de ses adversaires et de leurs comptes en banque.
Blanche fait sa « Daronne » avec des méthodes renouvelées pour de nouvelles réussites. Elle s’inscrit dans la filiation de Robin des Bois cherchant à corriger déjà à son époque les inégalités sociales de façon souvent expéditive.
Mais il serait injuste de réduire Richesse Oblige à cette seule dimension. Le double récit, la mise en abime générationnelle donnent de la densité au roman et le lecteur suit la quête alerte de Blanche en partageant sa jubilation. Comme Robin des Bois retournant dans la forêt de Sherwood après avoir humilié le shérif de Nottingham, il a envie de conclure les aventures de Blanche par un grand éclat de rire.
En savoir plus :
- Richesse Oblige, Hannelore Cayre, Editions Métailié, mars 2020, 224 pages, à partir de 9,99 euros
- Prix du Noir Historique – 2020