Dernière mise à jour : mars 30th, 2020 at 10:11 am
Une langue ciselée et mangée toute crue
Si l’on prend le temps de lire le programme de salle qui nous est distribué à l’entrée, on peut lire un entretien de Chloé Dabert dans lequel elle revient abondamment sur l’alexandrin, leur perfection, leur rythme, l’importance de « les faire entendre au mot, à la virgule près ». C’est normalement tout l’enjeu d’un texte de Jean Racine. Faire entendre une langue travaillée à la perfection.
Or ce qui choque l’oreille dès le début de la pièce et jusqu’à la fin du spectacle, c’est bien le nombre d’alexandrins crochés, heurtés, manqués. Dans la bouche de Yann Boudaud particulièrement. Et ce qui fait si bien entendre ces erreurs de texte, c’est justement que les liaisons sont forcées à l’extrême.
Les puristes défendent, il est vrai, ces liaisons. Mais il semble qu’il aurait été préférable que les alexandrins puissent gagner en fluidité, trouver un rythme qui puisse être celui de la parole. Cela d’autant plus que la mise en scène de Chloé Dabert prend le parti de la modernité.
On peut aussi se demander si les alexandrins de Racine sont véritablement compatibles avec du plein air et sans sonorisation des comédiens. Il ne paraît pas impossible que la tournée du spectacle dans des salles traditionnelles permette une meilleure écoute de ce texte difficile. Il ne faut pas oublier que Racine n’écrit pas d’épopée ; il compose des tragédies faites pour un cadre de représentation restreint et atténue leur portée par les trames sentimentales qu’il ajoute. Ce sont les sentiments plus que la grandeur épique qui l’intéressent.