Dernière mise à jour : avril 14th, 2020 at 10:45 am
Avec Les Fils de la Terre, Élise Noiraud nous plonge dans la tragédie ordinaire de ces jeunes agriculteurs surendettés et pris dans les nœuds acérés d’un drame familial. Une histoire bouleversante que Bulles de Culture a revue au festival Avignon Le Off 2017 et recommande vivement. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture sur ce spectacle coup de cœur.
Synopsis :
Sébastien (Vincent Remoissonet), un jeune agriculteur surendetté, doit se battre pour garder et sauver son exploitation agricole. À travers son parcours judiciaire, son parcours familial, son parcours personnel, Les Fils de la Terre nous livre une histoire magnifique de simplicité et d’émotion, celle d’un homme, celle d’une génération aussi, déchirée entre la crise de la profession et la volonté de continuer malgré tout.
Les Fils de la Terre, une mise en scène brillante
Ce que Les Fils de la Terre met en scène, c’est le destin ordinaire d’un jeune agriculteur luttant pour éviter la mise en liquidation de l’exploitation familiale, œuvre de la vie de son père et de ses aïeux. Si l’histoire que la pièce nous raconte est criante de réalisme, c’est qu’elle a pris ses racines dans un documentaire éponyme d’Édouard Bergeon et qu’elle déploie magnifiquement les branches d’une vie singulière, presque brisée par les pressions judiciaires et les tensions familiales.
La mise en scène d’Élise Noiraud est d’une finesse remarquable et d’un talent incroyable. Les Fils de la Terre a d’ailleurs remporté les Prix du Jury et du Public au Prix Théâtre 13 / Jeunes metteurs en scène en 2015. Alternant les moments de légèreté et ceux d’une émotion sincère et grave, Les Fils de la Terre trouve une vivacité efficace dans l’enchainement parfaitement orchestré de tableaux aussi divers que pertinemment liés à la trame narrative.
Des nœuds d’une belle complexité
Dans Les Fils de la Terre, la succession de tableaux donne à voir chacun des personnages dans sa singularité et son importance. Les destinées individuelles s’enchevêtrent autour de Sébastien au point de nouer autour de son cou des nœuds inextricables. Chacun tire le protagoniste dans une direction censée le mener vers le mieux mais fragilise en fait le fil fragile de l’existence d’un homme aux abois.
Élise Noiraud parvient ainsi à mettre en scène des personnages aussi réalistes que bouleversants, aussi vrais qu’attachants. Pas de clichés ni de surenchère, pas de jugement ou de pathos inutile. Les comédiens incarnent à merveille ces êtres tout plein d’une poignante humanité. Pas de fausse note dans cette équipe qui fonctionne avec une grande unité et une belle énergie.
La narration est splendide et entraîne le spectateur dans les méandres d’une dérive personnelle, d’une crise familiale secouée d’accès de violences, d’un héritage lourd à porter et chargé de sacrifices, d’un virage aux allures d’impasses. L’incompréhension grandissante entre ce fils qui veut vivre normalement et son père qui a donné sa vie à la ferme est pleine de haine et de tendresse à la fois ; elle évolue de façon complexe. Le fossé qui se creuse entre Sébastien qui s’abîme et son épouse qui se sent impuissante est l’autre triste facette de cette trajectoire difficile.
Les Fils de la Terre ou les naufragés des campagnes
Les Fils de la Terre donne à entendre les fêlures qu’on ne dit pas, celles de ces hommes qui luttent et que le combat peut briser. La pièce donne une voix à cette génération d’agriculteurs qui vivaient pour leur ferme mais parvenaient à s’en sortir, et à celles de leurs fils qui se retrouvent face à un défi abyssal, celui de continuer l’œuvre familiale dans une agriculture à la dérive.
Les Fils de la Terre dit encore le mal-être qu’engendre cet héritage empoisonné, le prix humain des sacrifices. La pièce traite avec courage de la question du suicide de ces hommes poussés à bout, de l’épreuve que peuvent représenter des choix qui engagent toute une famille, tout un savoir-faire transmis au cours des générations.
Ce sont aussi les amis, les proches que nous voyons, témoins souvent silencieux de cette lutte acharnée, de ce combat contre les démons qui fait rage dans les moments de crise, du découragement abasourdi et de la chute inéluctable.
Tragédie rurale, tragédie familiale, drame humain, Les Fils de la Terre nous rappelle en tout cas que les héros se trouvent là, dans notre monde, dans nos territoires, et que l’on perd trop souvent l’habitude de les voir.
Mais loin de réincarner un modèle de fatalité, Les Fils de la Terre nous rappelle aussi que l’espoir naît des plus grands désespoirs et que l’aube sait être engendrée par les plus sombres nuits. C’est un coup de cœur de Bulles de Culture.
En savoir plus :
- Les Fils de la Terre au festival Avignon Le Off 2018, du 6 au 29 juillet à 18h30 à Présence Pasteur. Relâche les 9, 16, 23 juillet
- Les Fils de la Terre se joue au festival Avignon Le Off 2017, au Théâtre des Lucioles, du 7 au 30 juillet à 18h50 (relâches les 12, 19 et 26 juillet à 18h50)
- Durée du spectacle : 1h15
- La pièce Les Fils de la Terre a remporté les Prix du Jury et du Public au Prix Théâtre 13 / Jeunes metteurs en scène 2015 du Théâtre 13