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Les fils de la terre - affiche

Critique / “Les Fils de la Terre” : un monde paysan usé jusqu’à la corde

Dernière mise à jour : avril 13th, 2020 at 02:29 pm

Adapté de l’excellent film documentaire éponyme d’Édouard Bergeron sorti en 2012, Les Fils de la Terre d’Élise Noiraud dépeint une réalité sociale poignante trop peu décriée. Ce spectacle a obtenu le Prix du Jury et du Public au concours Jeunes Metteurs en Scène 2015 organisé par le Théâtre 13. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture.

Synopsis :

Sébastien (Vincent Remoissenet), vient de reprendre la ferme familiale. Son père (François Brunet), pourtant retraité, continue de travailler à ses côtés, tant la charge de travail est imposante. Très vite, Sébastien se retrouve criblé de dettes en raison de la chute des prix du lait. Son exploitation est assignée en justice, on lui accorde 6 mois pour redresser la barre sous la tutelle d’un juriste (Sylvain Porcher). Son père l’assomme de reproches : pour lui ce n’est pas la crise qui est en cause, mais l’incapacité de Sébastien à gérer l’exploitation. Sa mère (Julie Deyre) tente désespérément de faire le tampon entre les deux. Sa femme (Sandrine Deschamps), qui est enceinte, aimerait le voir lever un peu le pied. Et son ami (Benjamin Brenière) illustre la possibilité d’une vie libérée des contraintes de la ferme à laquelle il n’ose rêver. Au fur et à mesure que le tic tac avance, les relations déjà tendues s’enveniment et Sébastien se voit aspiré dans une spirale infernale.

Les Fils de la Terre : tu feras jamais aussi bien que moi !

Les fils de la terre - image1
© Benoit Bouthors

Dans Les Fils de la Terre, il y a d’abord le drame familial pétri du poids des traditions et des non-dits. D’un côté le père fondateur a du mal à lâcher les rênes de son royaume. Pour lui, rien de ce que fait son fils n’est à la hauteur de ses espérances. De l’autre côté, le fils cherche la reconnaissance paternelle tout en voulant faire les choses à sa manière. La mère n’ose rien dire et la belle-fille nourrit d’autres espoirs pour son couple noyé par le travail de la ferme.

Ce conflit larvé qui fermente depuis longtemps va éclater avec le compte à rebours déclenché par la justice.

La corde : au cou ou aux poignets ?

Vient ensuite se superposer la tragédie sociale. La pièce Les Fils de la Terre pointe ainsi les aberrations d’une société malade. L’agriculteur ou l’éleveur broyé par les rouages du système n’a d’autre alternative que de courber l’échine sous un fardeau toujours plus lourd. Malgré les progrès techniques, il est esclave des aléas du marché. Écrasé par la grande distribution, il continue à travailler comme un forçat, vendant à perte et y laissant souvent sa santé physique et psychique.

Paradoxalement c’est celui qui crée de la valeur qui se trouve le premier à sauter en cas de crise.

Le bord du gouffre

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© Benoit Bouthors

Et tout ceci vient naturellement se répercuter dans la sphère la plus intime. L’individu se retrouve alors pris au piège. Sébastien est ici confronté à un dilemme inextricable : sauver la ferme familiale pour laquelle son père et ses grands-parents ont donné leur vie ou sauver sa propre vie. Sa famille assiste impuissante à ses vains débattements, son naufrage et au délitement fatal de sa personnalité.

L’adaptation/mise en scène d’Élise Noiraud pour Les Fils de la Terre est astucieuse. De courtes séquences irriguées d’une voix off prégnante et des comédiens jonglant habilement entre différents personnages font monter la tension et confèrent un rythme soutenu à l’ensemble..

Cependant, on aurait aimé profiter davantage du jeu des comédiens parfois occulté par la narration très présente qui met les émotions à distance.

En savoir plus :

  • Les Fils de la Terre au festival Avignon Le Off 2018, du 6 au 29 juillet à 18h30 à Présence Pasteur. Relâche les 9, 16, 23 juillet
  • Les Fils de la Terre adapté et mis en scène par Elise Noiraud au Théâtre 13 (Paris, France) du jeudi 8 au dimanche 18 octobre 2015
  • si vous souhaitez approfondir le sujet, procurez-vous l’édifiant documentaire Les fils de la Terre d’Édouard Bergeron (2012) avant ou après avoir vu le spectacle

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