Dernière mise à jour : avril 28th, 2017 at 12:56 am
Le Théâtre Dijon Bourgogne nous a invité à une séance de théâtre politique glaçante en proposant La Résistible Ascension d’Arturo Ui, une pièce de l’exil de Bertolt Brecht mise en scène par Dominique Pitoiset avec Philippe Torreton dans le rôle-titre.
Synopsis :
La Résistible Ascension d’Arturo Ui est le récit de la première compromission, celle d’un président (Hervé Briaux), qui en entraîne d’autres par réactions en chaîne. Or la corruption favorise les crapules ; Arturo Ui (Philippe Torreton) est de ces crapules opportunistes et inquiétantes qui savent faire leur chemin dans les failles. Et c’est ainsi que l’impossible devient possible et qu’Arturo Ui accède aux plus hautes sphères du pouvoir.
La Résistible Ascension d’Arturo Ui :
une relecture de l’histoire
C’est en exil et en 1941 que Bertolt Brecht compose La Résistible Ascension d’Arturo Ui. Il n’échappe à personne que l’auteur cherche à comprendre ou expliquer comment Adolf Hitler est arrivé au pouvoir. L’Allemagne est en crise, le cartel financier cherche à garder l’appui du président pour obtenir des aides de l’État qui les maintiennent bien à flot ; Arturo Ui, reconnu par tous pour être un homme violent et dangereux, sait tirer parti des compromissions de chacun pour s’imposer à tous comme le sauveur.
L’ombre du nazisme plane sur la scène, et la mise en scène de Dominique Pitoiset le suggère bien : chant patriotique italien à l’opéra, salut hitlérien, musique allemande pour les transitions. Nul ne peut s’y tromper.
Toutefois, c’est aussi notre actualité que Dominique Pitoiset nous invite à interroger à travers sa mise en scène de La Résistible Ascension d’Arturo Ui : tables de réunion comme lieu de négociations, actions qui s’achètent, écrans financiers, images d’émeutes. Ne nous y trompons pas, c’est aussi chez nous !
En cela, le jeu d’orateur de Philippe Torreton est sans appel : mimiques, ton, démarche ; il est clair que Nicolas Sarkozy est une source d’inspiration bien aussi nourrissante que l’image d’Hitler. Le comédien excelle en tout cas à donner corps à ce truand partisan de la force et à lui rendre une actualité criante de vérité.
La Résistible Ascension d’Arturo Ui :
la fable des voyous
La fresque politique que brosse Bertolt Brecht dans La Résistible Ascension d’Arturo Ui, autant que celle que Dominique Pistoiset nous donne à voir, est pessimiste et sombre : la compromission de la vertu et de la justice au plus haut degré de l’État ; la corruption des lobbies financiers et leur rôle dans les sphères politiques. Tout cela sur fond de crise, à l’heure où l’on parle des efforts de chacun. Tout cela sur notre actualité et ses scandales que le spectateur a aujourd’hui en tête. Impossible de sonner plus vrai.
Pour Bertolt Brecht, gangsters et hommes de pouvoir utilisent la même méthode : le crime. La violence est froide, et la mise en scène exploite cet aspect : corps dans des compartiments de morgue côtoient l’alcool et la figure malmenée de notre Marianne. Les coups de feu et les lames sidèrent le spectateur, le dérangent.
La distanciation par la farce fait rire, mais d’un rire grinçant, d’un rire grave et perturbant. C’est l’effet voulu par l’auteur. C’est l’effet obtenu par Dominique Pistoiset. Quelle meilleure participation aux débats qui accompagnent la campagne des présidentielles que cette pièce ? Quelle meilleure façon de se souvenir des ressorts exploités par les extrêmes ? Quel avertissement plus efficace que cette fable de voyous ?
En savoir plus :
- La Résistible Ascension d’Arturo Ui a été jouée au Théâtre Dijon Bourgogne du 31 janvier au 4 février 2017
- La Résistible Ascension d’Arturo Ui sera jouée du 15 au 17 février 2017 à la Comédie de Saint-Étienne, du 24 au 26 février 2017 au Théâtre de Sénart Scène nationale, les 2 et 3 mars 2017 au Théâtre de l’Archipel Scène nationale de Perpignan, du 7 au 11 mars 2017 au MC2 de Grenoble, du 14 au 16 mars 2017 à l’Espace Malraux Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, du 24 au 27 mars 2017 à la Coursive Scène nationale de La Rochelle, du 29 au 31 mars 2017 au Quartz Scène nationale de Brest, et les 26 et 27 avril 2017 à La Passerelle Scène nationale de Saint-Brieuc
- Durée de la pièce : 2 heures