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Marta et Arthur avis critique livre

Critique / “Marta et Arthur” (2021) de Katja Schönherr

Entre passé et présent, la vie de couple du livre Marta et Arthur se déploie dans toute sa toxicité et ses bizarreries. Katja Schönherr, auteure allemande installée en Suisse, dans ce premier roman paru chez Zoé en février 2021, offre une histoire d’amour peu ordinaire, où le mot amour n’est pas adéquat. La critique et l’avis sur le livre

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Chris L..

Dans Marta et Arthur, tout est surprenant…

Ce sont les circonstances, les habitudes, qui ont conduit Marta et Arthur à vivre ensemble durant plus de quarante ans, sans jamais être mariés. Ils se détestent, s’ignorent, mais restent côte à côte. La couverture du livre résume leur relation ; deux bocaux séparés où vivent de petits poissons, des guppys, d’un côté les gris, de l’autre les orange. Ce sont ainsi que cohabitent Marta et Arthur, dans des espaces privatifs limités, avec une économie de mots, et toute absence de tendresse. 

Une femme, Marta, un matin, sur une plage fortement ventée, ramasse avec difficulté du sable. Elle ramène deux sacs bien remplis à son domicile. Son usage, très particulier, est destiné à Arthur, l’homme avec qui elle vit, mort durant la nuit.  Elle le badigeonne de ce sable qu’il a tant détesté et qui lui faisait perdre toute retenue. Il  s’agit de la première étape d’une longue mise en scène, véritable réalisation d’une vitrine de magasin.

Et ainsi durant tout le livre, les éléments les plus saugrenus trouvent toujours une justification, quelques pages plus tard. La construction du roman Marta et Arthur est en tout point remarquable comme l’écriture au scalpel, incisive, décapante.  Le comportement des deux principaux protagonistes est insaisissable. Les coups tordus, les petites vengeances animent le quotidien. La tension est permanente, et  M.Baldauf, Arthur, est certes mort, allongé dans sa chambre mais rien ne dit si le décès est accidentel, naturel ou d’origine criminelle. Tout est surprenant. Marta est née un 29 février, mais fête son anniversaire le 28, pour ne pas attendre tous les quatre ans. Et c’est dans la nuit d’un 28 au 29 février, pour ses cinquante neuf ans, qu’Arthur est enfin décédé. 

Une connaissance sur les bancs de classe

Marta et Arthur ont fait connaissance sur les bancs de classe, lorsqu’elle avait dix-sept ans et lui déjà plus de trente ans. Foudroyée par « le flash de ses yeux bleus comme des bonbons au menthol » du futur enseignant en allemand et en géographie, Marta tombe sous le charme de cet homme physiquement quelconque, aux dents jaunies, au nez déformé, à l’odeur âpre. De fil en aiguille, une relation s’établit entre les deux personnes, d’abord sentimentale puis des relations intimes le jour des dix-huit ans de Marta. Lorsqu’elle est mise à la porte par sa mère, femme à la vie  dissolue et submergée par l’alcool, elle se réfugie chez M.Baldauf où elle s’incruste définitivement malgré les réticences de celui ci.

Pour se donner l’impression de constituer une famille, Marta a un fils, Michael, qu’elle élève seule, le couvant et l’étouffant totalement. Son père, Arthur, se désintéresse de cette descendance non voulue. Il prend plus de plaisir avec ses mots croisés et l’observation de ses poissons durant de longues heures. Il s’échappe régulièrement de son domicile, sans que Marta sache ce qu’il fait. Elle pense qu’il entretient des relations avec des jeunes filles, persuadée qu’avec le temps elle est devenue trop âgée pour lui.  Un décès qui met un point final à une vie cahotante, faite de soumissions et de compromis. Un décès libérateur pour Marta qui reconstruit la folle histoire qui les a réunis. Une vie à deux, minimaliste, où rancœurs et non dits se sont accumulées.

Un livre tout en finesse

Marta exprime la destruction de deux vies, Arthur ne pouvant plus la contredire. Michael, victime des relations pernicieuses entre ses parents, est là pour éclaircir avec force ce désastre. Ce livre tout en finesse est rempli d’une violence quotidienne infinie. L’indifférence réciproque est si cruelle que la respiration de l’un indispose systématiquement l’autre. Un livre très réussi et prenant.

En savoir plus :

  • Marta et Arthur, Katja Schönherr, Editions Zoé, février 2021, 256 pages, 12.99 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

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