Branle bas de combat parmi les jurés des prix Goncourt et Fémina ! La critique littéraire d’une jurée du Goncourt dans Le Monde, a mis le feu aux poudres, en décriant vertement une consœur, Anne Berest, pour La carte postale chez Grasset, candidate du prestigieux Prix et concurrente de François Noudelmann, compagnon de la rédactrice de l’article délétère, pour Les enfants de Cadillac chez Gallimard. Ces deux livres initialement retenus par le Fémina ont été éliminés lors de la deuxième sélection, pour des motifs sans rapport avec la polémique du Goncourt qui lui a exclu François Noudelmann, suite à de nouvelles règles, interdisant à tout proche du jury de concourir. La critique et l’avis sur le livre Les enfants de Cadillac.
Les enfants de Cadillac : un livre subtil, clair et introspectif
Les enfants de Cadillac est un livre subtil, clair, introspectif. Récit, souvenirs réels ou fictifs, s’égrènent à la recherche de racines, d’identité, de liens à la francité. Chaïm, le grand- père, a fui la Lituanie en 1909, en roulotte, à dix-huit ans, pour échapper à la pauvreté et aux progroms, son voyage se terminant en France. Son fils, Albert, véritable titi parisien à la vie rocambolesque, eut pour descendant François, aujourd’hui français de l’étranger, enseignant et directeur de la Maison française à New-York. Marquée par sa judéité, non pratiquante, la lignée Noudelmann, a traversé les soubresauts du XXe siècle, laissant beaucoup d’interrogations au dernier héritier.
N’ayant jamais connu son grand-père, l’auteur n’a pas pu recueillir beaucoup d’informations auprès de son propre père, Albert, tant celui ci s’abstint de fréquenter Chaïm. Engagé volontaire en 1911, classé « israélite russe », il revint de la grande guerre victime du gaz moutarde, « mutilé du cerveau », « fou de la guerre », perdant peu à peu la raison. De l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne à Paris, à celui de Cadillac en Gironde, en passant par Ville-Evrard, Chaïm ne connût qu’une seule joie, tardive, celle d’être naturalisé français en 1927. Après plus de vingt ans d’internement, il meurt de faim en 1941, comme beaucoup de malades en hôpitaux psychiatriques à cette époque. Oublié des siens durant son vivant, il fut effacé des mémoires après sa mort.
Trois hommes témoins de leur époque
Seule trace laissée sur terre par cet homme, Albert, son fils, un homme qui cherche à se fondre dans la masse. Avare en confidences, il parlera à son fils, le narrateur, une seule fois sur ce qu’il a vécu. Cette seconde partie très directe, très vive, très enlevée, est le strict report des déclarations recueillies, traitées avec le « tu », donnant toute sa force au texte, toute sa crédibilité aux évènements. Jamais il n’explique les motifs de l’abandon de son père à son triste sort, sans avoir cherché à connaître son histoire, rendant impossible toute transmission. Dans les camps de prisonniers, pour ne pas être déporté, il devait cacher qu’il était juif. Il troqua son prénom pour celui de Philippe, et Garnier remplaça Noudelmann. Ses aventures amoureuses et ses échecs multiples de fuite sont dignes de scènes de cinéma. De retour à Paris, la liberté retrouvée s’avère décevante. Muet sur son passé, reclus dans une prison intérieure, atteint de surdité partielle, souvenir de la guerre, il se libère, par un coup de pistolet, de la mélancolie qui l‘envahissait comme elle le fit pour Chaïm. Et pourtant, Albert-Philippe apporta des moments de bonheur intenses à son fils, durant les années où il l’éleva seul.
Ni véritable récit, ni roman, avec une écriture posée, travaillée, Les enfants de Cadillac, est une œuvre profonde d’où émergent trois hommes témoins de leur époque. Un livre qui accroche son lecteur.
En savoir plus :
- Les enfants de Cadillac, François Noudelmann, Gallimard, août 2021, 224 pages, 19 € (13.99 numérique)
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