Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
l-air-de-la-mer-rend-libre-photo-film
© Pyramide FIlms

Festival Film Angoulême 2023 / “L’air de la mer rend libre” : Nadir Moknèche explore les tensions entre tradition et modernité

En compétition au Festival du Film d’Angoulême 2023, Nadir Moknèche présente son nouveau long métrage, “L’air de la mer rend libre“, après “Lola Pater” (2017). Ce film, mettant en vedette Youssouf Abi-Ayad et Kenza Fortas, relate l’histoire de deux individus d’origine maghrébine vivant à Rennes. Ils acceptent un mariage arrangé sous la pression familiale pour dissimuler leurs secrets les plus profonds : des démêlés avec la justice pour l’une et une homosexualité cachée pour l’autre. Prévu dans les salles le 4 octobre 2023, le film explore la complexité de la culture maghrébine, où tradition et modernité s’affrontent. Nous avons rencontré Nadir Moknèche.

Nadir Moknèche : “Je voulais briser les stéréotypes sur les minorités

Bulles de Culture : Existe-t-il un lien entre “L’air de la mer rend libre” et votre précédent film, “Lola Pater” (2017), qui traitait aussi de sexualité ?

Nadir Moknèche : Oui, peut-être sur les thèmes de la sexualité. Cependant, la véritable connexion entre ces deux films réside dans leur exploration des minorités en France, qu’elles soient d’ordre ethnique ou religieux. Je m’implique particulièrement dans ce sujet car je suis d’origine algérienne. Je suis conscient que parler des minorités en France peut être délicat. Néanmoins, pour évaluer la démocratie d’un pays, il est essentiel d’observer comment ce dernier traite ses minorités.

l-air-de-la-mer-rend-libre-photo-film
© Pyramide FIlms

Bulles de Culture : Vous avez souvent abordé le Maghreb dans votre filmographie, par exemple, “Goodbye Morocco” (2013) se déroulait à Tanger. Pourquoi avez-vous choisi de suivre le parcours d’un personnage homosexuel en France dans “L’air de la mer rend libre” ?

Nadir Moknèche : Je suis né en France, mais ma mère m’a emmené en Algérie après le décès de mon père suite à un accident du travail en France. J’ai ensuite regagné la France à l’âge de 16 ans. Cela fait donc plus de 40 ans que je vis dans ce pays. Mon film vise à mettre en lumière une forme d’émigration que l’on ne remarque pas toujours, mais qui perdure. En France, l’attention se porte souvent sur les nouveaux arrivants, mais des migrants comme mon père, arrivés après la Seconde Guerre mondiale, sont toujours présents. Les parents de Saïd dans mon film représentent ma génération. Ainsi, je désirais évoquer cette catégorie de migrants, des bourgeois vivant confortablement. Cela permet de dévoiler un autre aspect de la politique migratoire.

Bulles de Culture : Êtes-vous optimiste quant à l’acceptation de l’homosexualité dans la culture maghrébine ?

Nadir Moknèche : Il est essentiel de l’être toujours… Pensez à la France il y a 40 ans. J’ai vécu cette époque. Lorsque je suis arrivé en 1981, qui aurait pu imaginer que la France autoriserait le mariage homosexuel dans les années 2000 ? C’est là que réside la magie des évolutions sociétales. En 2023, nous avons la chance de pouvoir discuter ouvertement d’homosexualité en France sans honte. En ce qui concerne votre question, les tabous existent dans toutes les sociétés, mais ils peuvent être brisés. Les sociétés peuvent évoluer. Actuellement, les sociétés arabes font face à des blocages. Certains films sont censurés car ils abordent l’homosexualité. Mon objectif est de briser ces tabous.

Lubna Azabal : “Un rôle à la Kardashian

Bulles de Culture : L’actrice Lubna Azabal incarne une mère excentrique. Comment avez-vous créé ce personnage haut en couleur ?

Nadir Moknèche : Lorsque Kenza Fortas, mon actrice principale, m’a rencontré à Paris, elle était accompagnée d’un de ses proches, peut-être sa tante. J’ai eu l’idée de créer un personnage qui lui ressemblerait. J’ai imaginé une mère audacieuse, qui ne suit pas nécessairement les conventions, mais qui encourage sa fille à se marier. J’ai apprécié l’idée de voir Lubna Azabal, avec qui j’avais déjà travaillé, dans un rôle à la Kardashian.

l-air-de-la-mer-rend-libre-photo-film
© Pyramide FIlms

Bulles de Culture : L’air de la mer rend libre” présente plusieurs registres, avec des touches d’humour, surtout au début, avant de basculer davantage vers le drame. Pourquoi avez-vous opté pour cette diversité ?

Nadir Moknèche : Je crois que c’est essentiel. Parfois, nous vivons des moments tragiques, mais il y a aussi des éléments comiques qui surgissent. Je m’inspire des comédies italiennes qui abordent des sujets graves tout en conservant un ton léger. Cela reflète également ma propre personnalité.

“Le domicile conjugal, une métaphore de l’enfermement”

Bulles de Culture : Le décor de votre film se situe fréquemment au sein du domicile conjugal, un petit appartement exigu. Est-ce une métaphore de l’enfermement intérieur vécu par les personnages principaux qui luttent pour trouver le bonheur ?

Nadir Moknèche : En effet, il y a une notion d’enfermement, ainsi que d’ennui. La grande baie vitrée, comme une cage en verre, symbolise cette idée d’enfermement. Les poissons dans l’aquarium, que je filme à plusieurs reprises, tournent en rond. Ils croient être libres alors qu’ils ne le sont pas. Cela reflète la condition de mes personnages. Ils pensent que tout va bien, mais ce n’est pas le cas.

En savoir plus :

Antoine Corte

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.