Dernière mise à jour : juillet 7th, 2016 at 09:55 am
Festival de Cannes, 22/05/14 |
Paris, 22/05/14 |
A particular emotion on Thursday at the festival when the young director Xavier Dolan moved Cannes with his film Mommy. Meanwhile, after an Irish comedy (The Angel’s Share), director Ken Loach keeps his light tone for Jimmy’s Hall and one of the favorite filmmakers of “faquin” (aka “scoundrel”) Quentin Tarantino, Jean-Luc Godard, uses with a real pleasure the new stereoscopic 3D technologies in Goodbye to Language Farewell. There’s joy!
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>> MOMMY (en compétition)
Dans un futur très proche, le gouvernement canadien a décidé de réformer la politique de santé. Pour ce faire, il fait passer une loi qui permet aux parents d’enfants déments d’interner librement leurs progénitures dans un hôpital. Diane (Anne Dorval) est une mère pleine d’espoir qui refuse de laisser dans un de ses centres son fils Steve (Antoine-Olivier Pilon), atteint de troubles de la personnalité. Pour ce faire, elle doit sacrifier une partie de sa vie, autant professionnelle qu’intime, en le gardant chez elle. Sa voisine, Kyla (Suzanne Clément), jeune femme fragile et bègue, va venir aider Diane dans l’éducation de Steve. Tous les trois vont former un duo soudé.
Rarement un film n’aura autant ému depuis ces dernières années cannoises. Xavier Dolan est devenu un maestro qui sait aussi bien élaborer un scénario parfait que l’adapter à l’écran et le monter. Beaucoup de scènes sont spectaculaires tant elles réussissent à faire passer une empathie sidérante. On retient notamment le flash sideway dans lequel Steve grandit comme une personne saine, sans aucune pathologie psychiatrique. On le voit diplômé, marié, avec des enfants… Cette scène démente de pur bonheur ressemble à un contrepied marqué au final tragique de Requiem for a dream de Darren Aronofsky (2000).
De plus, l’œuvre de Dolan est truffée de référence musicale, parfois kitch, dont il se sert pour construire son récit. Céline Dion deviendra sans aucun doute l’hymne du festival grâce à cette puissante scène montrant une soirée d’euphorie du trio, témoin des liens solides entre eux. A l’opposé, les silences sont sources de stress et d’inquiétudes. Ils sont autant de remise en cause de ces périodes de joies.
S’affranchissant des contraintes, l’image à l’écran est réduite de moitié pendant la majeure partie du visionnage. Le réalisateur utilise cette astuce pour amener une surprise bien préparée. Les dialogues sont percutants. Anne Dorval ne cesse de jouer cumulativement avec nos zygomatiques et nos larmes. Elle est à la fois touchante et désopolitante. Antoine-Olivier Pilon est également une très belle découverte. Garçon au visage sobre et tranquille, il sait sortir de ses gonds pour rappeler ses souffrances intérieures.
J’avais prévu de faire court mais l’emballement de l’écriture a été trop fort sur ce film. Néanmoins, il faut faire attention à ces œuvres où l’émotion provoque trop facilement l’adhésion. Le recul est nécessaire avant de lui attribuer une quelconque palme.
>> JIMMY’S HALL (hors compétition)
On change de registre avec le dernier film de Ken Loach.
En 1932, Jimmy Gralton (Barry Ward) revient en Irlande après un long exil. La guerre civile a pris fin et un nouveau gouvernement est en place. Aussi, le Comté de Leitrim cherche a ouvrir un « Hall », lieu de danses et d’échanges. Cependant, cette initiative n’est pas au goût d’une église conservatrice, qui y voit un lieu de débauche. Jimmy va donc avoir des pressions pour fermer cet endroit.
Si le film se tient dans son ensemble, il n’est pas une perle absolue de réalisation. Ken Loach avait su dépeindre son Irlande bien mieux dans Un vent se lève (2006), Palme d’or à Cannes. Pour autant, on passe un bon moment avec certaines scènes très cocasses. On pense notamment au moment de la célébration de la messe, entrecoupée par des scènes se situant dans le « Hall », où le prêtre (Jim Norton) fait son sermon aux habitants du Comté.
C’est une joie de s’apercevoir que le réalisateur joue avec la tyrannie pour rythmer sa dramaturgie. C’est en somme assez manichéen. Peu importe, on sait que Ken Loach est un militant de gauche et il l’assume complétement.
Le casting vient aider à donner un enthousiasme au film. Jim Norton est l’atout charme pour convaincre les membres du jury. Cependant, en sortie du Dolan, ce film paraît un peu fade. La Croisette est décidément monomaniaque aujourd’hui.
Antoine Corte
>> ADIEU AU LANGAGE (en compétition)
Il faut le dire tout de suite : les films estampillés 3D ne m’attirent pas vraiment. Être obligé de porter des lunettes pour voir un film qui n’utilise pas toutes les potentialités de ce medium, c’est insupportable. Les expériences comme Avatar et Gravity ne sont pas légion. Alors quand un cinéaste aussi reconnu que Jean-Luc Godard s’empare de la 3D relief pour un long métrage, forcément, on se précipite. Parce que “God-Art”, comme dirait le “faquin”.
Disons le tout de suite, pour ceux qui recherchent un divertissement avec une histoire bien balisée, passez votre chemin. Cela fait déjà un bon moment que le Godard de A bout de souffle, Une femme est une femme et Le Mépris n’est plus. Comme tout grand artiste, le cinéaste traverse différentes périodes dans son travail et actuellement, il ne fait plus vraiment des films mais plutôt des essais filmés.
L’histoire est d’une apparente simplicité : un couple, un chien et… il ne faut pas se tromper, un film de Jean-Luc Godard n’est jamais accessible dès le premier abord. Il s’adresse à l’intellect et non à l’émotionnel : les citations, les auto-citations, les ruptures de tons, les surimpressions déroutent, surprennent et empêchent toute envie de narration.
L’intérêt est ailleurs, dans l’utilisation de la fameuse 3D relief, déjà pratiqué dans la série de court-métrages 3x3D. Touche-à-tout, Godard, utilise pas moins de cinq ou six appareils récents dans son film : appareil photo Canon 5D, caméra flip-flop, smartphone, caméra Go-Pro… Et de ce mélange surgissent à certains moments des images 3D d’une beauté à couper le souffle. D’où le réel plaisir de découvrir ce que cette technologie en relief pourrait nous offrir s’il était utilisé à bon escient : plan rapproché en contre-plongée avec amorce au premier plan, mouvement de caméra avec un cadre débullé (cadre où l’on perd l’horizontalité de l’image), plan d’ensemble à l’effet tilt shift qui donne l’agréable sensation de voir de petits être se mouvoir dans le petit théâtre de la vie et plan en plongée totale sur un plan d’eau. Et puis il y a aussi cette redondance chez Godard de filmer des gens qui lisent. Pour faire un jeu de mots facile, l’usage de la 3D ici met encore plus en relief ces livres à l’écran.
Bref, si l’Adieu au langage annonce une envie de nouvelles images de cinéma, la route tracée par le cinéaste (et son chien) annonce des lendemains prometteurs. Une mention spéciale du Jury pour le travail du cinéaste donnerait peut-être le coup de pied au derrière nécessaire pour une véritable réflexion de l’utilisation de la 3D dans le cinéma mainstream.
jici