Le réalisateur français Xavier Gens a participé à la réalisation de la première saison de la série britannique Gangs of London, créée par Gareth Evans (The Raid, The Raid 2) et Matt Flannery et diffusée sur la plateforme de SVOD STARZPLAY depuis le mois de novembre 2020. Interview de Bulles de Culture.
Synopsis :
Pendant 20 ans, Finn Wallace (Colm Meaney) fut le criminel le plus puissant de Londres. Chaque année, des milliards de livres transitent par son organisation. Mais il a été assassiné – et personne ne sait qui a commandité le meurtre.
Avec des rivaux à chaque coin de rue, c’est à l’impulsif Sean Wallace (Joe Cole), entouré de la famille Dumani dirigée par Ed Dumani (Lucian Msamati), de prendre la place de son père. Alors que la situation est particulièrement dangereuse, l’arrivée au pouvoir de Sean provoque des répercussions inattendues à l’échelle internationale.
Le seul homme qui semble pouvoir l’aider et devenir un précieux allié est Elliot Finch (Sope Dìrísù), qui voue un intérêt tout particulier à la famille Wallace. Portée par sa destinée, Elliot va rapidement découvrir les rouages de la plus grande organisation criminelle de Londres.
Interview du réalisateur Xavier Gens pour Gangs of London saison 1
Bulles de Culture : Comment êtes-vous arrivé sur la série Gangs of London et qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire partie ?
Xavier Gens : Je suis très copain avec Gareth Evans et comme il aimait beaucoup mon travail sur Frontière(s), The Divide et Cold Skin, il m’a demandé si je voulais venir faire un bloc de trois épisodes sur la série. On en a beaucoup et quand j’ai vu qu’il me proposait des épisodes qui correspondaient à mes thématiques, je me suis embarqué dans cette aventure qui a duré à peu près un an et demi. C’est un gros projet.
Bulles de Culture : Que comprend ce “un an et demi” ?
Xavier Gens : La préparation, le tournage, le montage, le mixage, le bruitage, la musique… Il y entre 160 et 200 jours de tournage sur toute la série, soit entre 15 et 25 jours de tournage par épisode à peu près. Ce qui est énorme pour une série. C’était un travail très intense, très long. C’est l’équivalent du temps de travail sur un long métrage.
Je n’avais que trois épisodes à réaliser mais je les ai traités comme un seul et unique film. J’ai dit à Gareth Evans que nous devions travailler sur un arc de personnage, soit l’emancipation de Sean Wallace [NLDR : interprété par Joe Cole] par rapport à sa mère [NLDR : Michelle Fairley] pour ces trois épisodes. Gareth a très bien compris, il a trouvé que c’était cohérent et on est parti là-dessus ainsi que sur les arcs des personnages secondaires. A chaque fois, j’ai essayé de trouver une conclusion pour chacun des épisodes afin de verrouiller les choses et faire une sorte de “step up” par rapport à l’épisode 9, qui est le final de la saison.
Bulles de Culture : Vous êtes donc intervenu dès l’écriture sur la série…
Xavier Gens : Oui, j’ai beaucoup travaillé sur l’écriture avec toute l’équipe qu’on avait en writer’s room. Cette dernière était composée d’une équipe de quatre personnes. Dès que je voyais que quelque chose pouvait fluidifier la narration, je le leur proposais, ils l’incluaient au scénario et ça nous permettait de faire évoluer l’histoire et faire en sorte que la série s’envole.
Bulles de Culture : La fin de vos trois épisodes [NDLR : l’épisode 8 de la saison 1 donc] avec les immeubles qui explosent m’a fait un peu penser à la scène finale de Fight Club…
Dans Fight Club, les immeubles sont beaucoup plus proches et il y a une thématique sous-jacente sur la gentrification de Londres dans Gangs of London alors que Fight Club est un film beaucoup plus punk dans le message. C’est un film sur l’anarchie alors qu’avec la série, on est sur quelqu’un qui détruit l’oeuvre de son père. Ce sont deux messages différents et il fallait qu’il y ait une cohérence par rapport à ce que raconte le personnage.
Bulles de Culture : Cela fait également monté encore plus les enjeux de la série Gangs of London…
Xavier Gens : On a essayé de mettre les curseurs les plus loins possibles sur chaque épisode. Ce n’était pas simple mais on avait une production qui nous suivait sur tout et cela nous a donné une grande liberté.
“L’épisode 5, c’est Les Chiens de paille alors que l’épisode 6, c’est Funny Games“
Bulles de Culture : Vous aviez un autre défi à rélever sur la série Gangs of London puisque les trois épisodes que vous avez pris en main viennent juste après un épisode 5 très, très fort — c’est même un pivot de la série — et que le showrunner Gareth Evans a lui-même réalisé. Aviez-vous cela en tête lors du tournage ?
Xavier Gens : Justement, c’est pour ça qu’on en a beaucoup discuté avec Gareth. Je lui ai dit que je ne pouvais pas partir sur un épisode avec de l’action. Après ce qu’il vient de faire dans l’épisode 5, cela va être ridicule. Il y a eu 45 jours de tournage pour la scène d’action de cet épisode. C’est énorme.
Je lui proposé donc d’aller chercher quelque chose de plus psychologique, d’être à l’opposé de cet épisode 5. Ce dernier est un huis clos en extérieur qui explose de partout. Alors moi, je vais faire un huis clos en intérieur, confiné avec trois personnages et recentré sur les enjeux dramatiques. Comme ça, on ne perd pas de vue le spectateur, on est toujours là où il faut et on ressent vraiment les enjeux sur les personnages, sur l’humain.
Et je pense que c’était la bonne chose à faire parce que ça permet d’être dans un épisode très viscéral après l’explosion, le feu d’artifice de l’épisode 5. On revient à quelque chose de très glacial, chirurgical et c’était vraiment l’effet recherché : créer un contraste avec l’épisode 5 qui est très pop avec flingues et flammes de partout. Autant Gareth Evans évoque Sam Peckinpah pour l’épisode 5, autant moi, je voulais aller plutôt du côté de Michael Haneke.
L’épisode 5, c’est Les Chiens de paille [NDLR : un long métrage de 1971 de Sam Peckinpah avec Dustin Hoffman] sur 45 minutes alors que l’épisode 6, on est plutôt dans Funny Games [NDLR : un long métrage de Michael Haneke datant de 1997 et dont il a fait un remake en 2007].
“L’idée, c’était de passer de quelque chose qui nous faire sourire à quelque chose qui devient insupportable et viscéral”
Bulles de Culture : Pourriez-vous nous dire un mot sur l’utilisation répétitive et en contrepoint de la chanson Only You des Platters chez les Wallace…
Xavier Gens : L’idée de la musique est arrivée au moment de l’écriture du scénario et j’ai dit à l’auteure Lauren Sequeira, avec qui je travaillais, d’utiliser Only You, qui est une chanson d’amour, en écho à Finn Wallace, à sa relation entre Marianne et lui, à la relation entre Marianne et ses enfants — Only You, ce n’est que pour eux. Marianne fait tout pour ses enfants et son mari.
Il y a aussi une ironie dramatique par rapport au personnage de la captive [NDLR : interprété par Laura Sofia Bach] dans le sous-sol qui est le centre d’intérêt de Marianne à ce moment-là.
On s’est également dit que cela amenait une sorte d’humour, de décalage. L’idée, c’était de faire monter crescendo et passer de quelque chose qui nous faire sourire à quelque chose qui devient insupportable et viscéral alors qu’on n’a pas changé une note de la musique.
Bulles de Culture : Vous avez également vos moments de bravoure en terme d’action sur Gangs of London. Je pense notamment à la scène dans l’entrepôt et à la séquence dans l’hôtel entre Luan Dushaj (Orli Shuka) et la bande de Mosi (Richard Pepple). Comment s’est déroulé le travail avec le coordinateur des cascades Jude Poyer ?
Jude Poyer a fait toutes chorégraphies de bagarres sur toute la série. Pour moi, c’est un génie absolu. Il est capable de nous dire le temps de tournage par rapport à ce qu’on a chorégraphié en gymnase et donc de pouvoir pousser les choses au maximum.
C’était vraiment super de travailler avec lui parce qu’il a une vraie culture cinéma, il n’est pas que cascadeur. Il comprend l’importance de l’enjeu dramatique. Il chorégraphie donc une scène d’action par rapport à ce que ressent le personnage au moment où il se bat. Il ne chorégraphie jamais une scène d’action pour de l’épate.
Que ce soit la scène de la banque ou la scène avec Luan et ses machettes, on s’est dit qu’il fallait faire ça en une journée. On devait être sur la rage et l’instinct de survie de ce personnage donc dans quelque chose de très immédiat, de très rapide. Il doit absolument se débarasser des ses agresseurs en 30 secondes et la séquence dure 45 secondes max. Et c’est en ça que Jude Poyer est très fort parce qu’il a chorégraphié par rapport à l’émotion qu’on devait ressentir dans chaque séquence.
“Le plus gros challenge a été la séquence finale de l’épisode 7”
Bulles de Culture : J’ai noté la présence d’un directeur de la photographie français au casting de Gangs of London, Laurent Barès. C’était votre choix ?
Xavier Gens : Oui, c’est le chef opérateur avec lequel j’ai travaillé sur mes films (Frontière(s), Hitman, The Divide), donc c’est normal pour moi qu’il m’ait accompagné sur cette aventure. En plus, comme on avait fait aussi Crossing Lines ensemble, il avait l’expérience de la série.
Bulles de Culture : Quelle liberté aviez-vous au niveau de l’image car il y avait des épisodes avant et après ceux que vous avez réalisés ?
Xavier Gens : En fait, on regardait les rushes. Laurent Barès et les deux autres chefs opérateurs [NDLR : Martijn van Broekhuizen et Matt Flannery] ont beaucoup et régulièrement discuté ensemble. Après on avait une palette d’étalonnage qui était plus ou moins cohérente par rapport à chaque épisode. On n’a pas changé drastiqueemnt la nature de l’image. On a essayé de respecter les codes tout les en adaptant à une mise en scène qui soit cohérente.
Bulles de Culture : Un mot sur le casting de Gangs of London. Comment s’est passé le travail avec les comédiens ?
Xavier Gens : On a fait beaucoup de répétitions ensemble, surtout pour l’épisode 7 où il y a de gros enjeux narratifs. J’ai beaucoup travaillé avec Michelle Fairley, qui joue Marian Wallace, sur son personnage et sur ce qu’elle fait dans l’épisode 6 parce que c’est vraiment elle le pivot central de cet épisode-là. Sur l’épisode 7, elle avait une énorme scène familiale avec les Wallace et les Dumani ensemble. Il y a eu 4 jours de répétitions plus 3-4 heures la veille du tournage, la mise en place a été énorme pour cette séquence-là.
J’ai aussi beaucoup travaillé avec Sope Dirisu, qui joue Elliot Finch. Il parle français et j’aimerais vraiment l’amener sur un film français un jour parce qu’il est vraiment incroyable. On se dit tous que c’est le futur James Bond.
Bulles de Culture : Avez-vous des scènes favorites parmi celles que vous avez tournées ?
Xavier Gens : Visuellement, j’ai adoré tourner le final de l’épisode 8 : toute la discussion entre Alex Dumani [NDLR : interprété par Paapa Essiedu] et Sean Wallace et l’explosion du building, qui se fait en parallèle. Il y avait une sorte de “build-up” émotionnel sur la fin de cet épisode avec toutes les pièces du puzzles à assembler. J’ai adoré tourner ce moment-là qui est pour moi un travail de mathématicien.
Mais le plus gros challenge a été la séquence finale de l’épisode 7 avec toute la discusion familiale autour de la table qui a été quelque chose de très compliqué à mettre en scène. J’ai trouvé un plaisir immense à travailler avec ces acteurs-là. J’aurais adoré aussi avoir plus de scènes avec le personnage de Brian Vernel, qui est le frère de Sean Wallace, et que je trouve génial comme acteur. J’espère qu’il grossira beaucoup plus dans la saison 2 parce qu’il est incroyable. C’est un acteur dément.
La scène de fin de l’épisode 7 et le final de l’épisode 8 sont vraiment deux moments que j’ai pris un grand plaisir à tourner. Après, j’aime beaucoup l’épisode 6. Il est plus réussi que les deux autres parce qu’il a une narration très particulière. C’est très contenu, très cohérent. J’ai vraiment pris un plaisir intense à tourner cete série.
Bulles de Culture : Gangs of London saison 2 a été confirmé. Savez-vous où cela en est et en serez-vous ?
On est en écriture, j’ai lu les arches. C’est plus sombre que la première et surprenant.
Après, cela dépendra de mon planning parce que j’ai beaucoup de choses à faire prochainement. Je produis le prochain Mounia Meddour, dont j’avais produit Papicha. J’ai aussi deux films persos, An Unfinished Country et Le Fantôme de l’Opéra, que je suis en train de développer. Plus une autre série sur La Pérouse, qui s’appelle Vanikoro et qui est entre Master and Commander et Apocalypto.
Donc, ce sera vraiment une question de temps et de planning. J’adore l’univers et j’aimerais bien y retourner et retrouver Sope Dirisu et toute la bande, mais ça dépendra vraiment du planning. On verra, on croise les doigts.
Bulles de Culture : Surtout si c’est un travail sur un an et demi…
Oui, si cela me prenait trois mois, je dirais oui direct mais là, c’est minimum huit mois. Donc c’est beaucoup.
Propos recueillis par visioconférence le mercredi 4 novembre 2020.
En savoir plus :
- Gangs of London saison 1 est disponible en streaming sur STARZPLAY depuis le dimanche 15 novembre 2020, à raison d’un nouvel épisode chaque semaine
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