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Matt Ross
© Emiien Moreau

♥ Interview / Matt Ross, réalisateur de “Captain Fantastic” : “Faire un portrait humaniste, nuancé et intelligent des Amériques au sein des États-Unis”

Dernière mise à jour : juin 19th, 2021 at 10:09 pm

“Je pense qu’on lutte tous pour trouver un équilibre”

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© Mars Films

Bulles de Culture : Comme dernière question on voudrait parler de votre vision de la société aujourd’hui. On sait que vous avez grandi dans une communauté particulière, sans téléphone, sans télévision, etc.

Matt Ross : Oui.

Bulles de Culture : Mais maintenant vous faites parti du système, vous passez à la TV [NDLR : en tant qu’acteur dans Silicon Valley, American Horror Story], au cinéma…

Matt Ross : C’est vrai…

Bulles de Culture : Est-ce difficile pour vous de faire partie et de vivre dans le système ?

Matt Ross : Personnellement, je pense que j’ai beaucoup de mal.

Par exemple je suis accro comme n’importe qui à mon smartphone. Alors comment puis-je apprendre à mes enfants à ne pas être accro à ça ? Je pense qu’on lutte tous pour trouver un équilibre.

Au bout du compte, je crois à la modération. J’ai donc choisi de ne pas faire parti des réseaux sociaux parce que je suis déjà trop dépendant à l’Internet. Je passe trop de temps à surfer sur le web et une chose en amenant une autre, je commence sur la page du New York Times et huit heures plus tard, je me retrouve sur le site de Premiere. Comment je suis arrivé d’ici à là ? Je suis accro à tout ça aussi donc je ne veux pas en plus me retrouver sur les réseaux sociaux.

Mais d’un autre côté, il y a des choses incroyables à propos des réseaux sociaux. Parfois des évènements arrivent dans le monde et les gens sont au courant uniquement grâce à Twitter… Il y a beaucoup de choses positives. Mais au final, je pense que ce sont des outils : Twitter, Internet… Et je blague souvent en prenant l’exemple d’un couteau : je peux m’en servir pour te tuer (ça serait un mauvais usage de cet outil) ou pour couper une pomme et la manger (un bien meilleur usage). Donc ce sont juste des outils, c’est un exemple.

Un autre exemple, c’est la modération. Je laisse mon fils de neuf ans jouer aux jeux vidéos. Certains jeux sont des univers imaginaires créatifs, drôles, divertissants… Ce sont de bonnes choses pour faire jouer son petit cerveau. Mais je ne le laisse pas jouer à des jeux de tirs à la première personne où il se baladerait pour massacrer des gens. Donc j’essaie de modérer.

C’est comme l’autre fois, il me questionne sur l’État Islamique. Alors je lui explique, mais je ne lui montre pas des vidéos de décapitations, je décide ce qui est approprié pour son âge ou pas. Je fais pareil avec les jeux vidéos. Mais on vit dans une certaine réalité, dans laquelle on a choisit de vivre, donc il faut savoir modérer et c’est difficile.

Bien sûr qu’il va vouloir jouer aux jeux vidéos toute la journée, mais je dois équilibrer ça. Je veux qu’il soit un lecteur assidu, il fait de l’escrime et il fait du vélo, des arts martiaux, de l’escalade, beaucoup d’activités physiques, et il adore dessiner.

C’est ce qu’on devrait tous faire : faire un peu de tout. S’il passait toutes ses journées à jouer aux jeux vidéos, ça serait un problème. Et si je le coupais du monde en allant vivre en forêt, il ferait toujours le même type d’activités, c’est le même problème.

Donc je ne pense pas que cela soit destructif, le fait qu’il joue un peu aux jeux vidéos. Certaines technologies modernes sont bluffantes…

Certains films ont le même impact aussi parfois, je me souviens d’Avatar de James Cameron inventant de nouvelles technologies et je me rappelle avoir été immergé dans cet univers peint, c’était incroyable ce qu’il a fait technologiquement. Alors pourquoi ne pas exposer les enfants à tout cela ?

Il faut juste savoir faire preuve de discernement, de la même manière qu’on le fait pour nous. Il faut apprendre à ses enfants et c’est dur ! C’est une lutte constante pour moi.

À ma table, quand on prend le repas, il n’y a pas de téléphone. C’est dur, on est tous connecté.. Peut-être en avez-vous besoin pour que votre rédacteur en chef puisse vous communiquer des deadlines, etc. Le smartphone, c’est comme un bureau à présent. On peut skyper, envoyer son article, le corriger. Tout cela avec un seul objet. Mais parfois, j’envoie un sms à ma femme et si elle ne répond pas immédiatement, je vais m’inquiéter et me demander ce qu’elle fait !

Donc la seule réponse sincère, c’est qu’on lutte tous avec ça… Ça nécessite une certaine réflexion sur soi-même, et une forte volonté.

Propos recueillis à Paris, au Pavillon de la Reine, le 8 septembre 2016.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 12/10/2016
  • Distribution France : Mars Films
Emilio M.

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