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[CRITIQUE] On a vu toute la saison 1 de “La Trêve”

Dernière mise à jour : août 19th, 2019 at 09:56 pm

Succès en Belgique francophone et primé au festival Séries Mania 2016 (Meilleure série francophone), La Trêve de Matthieu Donck, Stéphane Bergmans et Benjamin d’Aoust est diffusé sur France 2 depuis le lundi 29 août 2016. Notre avis sur la première saison de la  série.

 

Synopsis :

Yoann Peeters (Yoann Blanc), 40 ans, est un homme sur le fil. Il ne travaille plus depuis la mort de sa femme, et a décidé de venir s’installer à Heiderfeld, le village de son enfance, avec sa fille Camille (Sophie Breyer). Un poste s’est libéré à la police locale. Yoann y voit l’occasion de se mettre au vert et de prendre un nouveau départ. Mais la réalité fait rapidement irruption. Quelques jours après le carnaval, le corps d’un jeune footballeur togolais, Driss Assani (Jérémie Zagba), est retrouvé dans une rivière. Personne n’a l’expérience de ce genre d’enquête dans le village. Sauf lui. Alors que tout le monde se désintéresse du sort de ce gamin mort à des milliers de kilomètres de chez lui, Yoann Peeters se met à déterrer les secrets de cette petite communauté qu’il connait bien. Mais Yoann n’aurait pas dû reprendre le service si rapidement, pas sur une affaire de ce type, pas à cet endroit-là.

La Trêve :
le True Detective belge

 

La Trêve est la première série francophone belge produite et diffusée à l’initiative d’un appel à projets lancé par la RTBF et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Comme la série Ennemi public qui devrait être diffusée sur TF1, La Trêve fait partie de plusieurs séries réalisées avec un cahier des charges bien précis : dix épisodes de 52 minutes, un tournage d’une soixantaine de jours et un budget de plus d’un millions d’euros minimum. La Trêve a ainsi eu un budget d’environ 2,5 millions d’euros pour le tournage de sa saison 1. Par comparaison, la série américaine True Detective avait un budget de 20 millions de dollars pour sa première saison 1 et la mini-série française Une chance de trop environ 7 millions d’euros.

Ce contexte économique planté, il faut maintenant remarquer qu’après la France, c’est au tour de la Belgique de montrer son intérêt grandissant pour les séries policières noires après les succès critiques et publiques de séries tels que Broadchurch et True Detective. En effet, le générique de ce thriller psychologique qu’est La Trêve (cf. les tâches d’encre du test de Rorschach) fait clairement référence à la série américaine de Nic Pizzolatto avec ses images superposées, ses flashs de lumière et la musique de rock alternatif du groupe belge Balthazar (la chanson The Man Who Owns The Place de l’album Rats).

Va-et-vient dans l’espace
et dans le temps du récit

 

La Trêve, c’est le retour d’un flic de Bruxelles, Yoann Peeters (interprété par Yoann Blanc), avec sa fille adolescente dans le village de son enfance. Mais cette “trêve” dans leur vie après un évènement dramatique (dont on découvrira par bribes la nature) sera de courte durée dès que le jeune et inexpérimenté inspecteur Sébastian Drummer (interprété par Guillaume Kerbusch) va venir toquer à sa porte pour l’emmener sur le lieu où git le corps d’un jeune footballeur retrouvé mort.

Alors que tout le monde veut conclure à un suicide et même éviter le coût d’une autopsie, l’inspecteur Yoann Peeters, plus rôdé à ce type d’affaire que la police locale, va soutenir mordicus la thèse du meurtre quitte à passer outre les ordres de son supérieur, le commissaire Rudy Geeraerts (interprété par Jean-Henri Compère).

Sébastian Drummer : Vous croyez que c’est un meurtre ?
Yoann Peeters : Je crois à rien, moi. Je crois au légiste, c’est tout.

Et s’il s’avérera avoir vu juste, son assurance et ses compétences seront régulièrement remis en question par les va-et-vient dans l’espace et dans le temps que le récit va effectuer (encore l’influence de True Detective) entre cette enquête et l’interrogatoire menée par une psychiatre (interprétée par Jasmina Douieb) dans l’hôpital psychiatrique où Yoann Peeters est enfermé.

La psychiatre : C’était un peu tôt pour vous, non… une affaire de cette envergure ?
Yoann Peeters : Où est-ce que vous voulez en venir ? Je devais faire quoi ? Fermer les yeux comme tout le monde dans ce village ?
La psychiatre : Ce n’est pas ce que j’ai dit.
Yoann Peeters : Personne n’en avait rien à foutre de ce gamin. Sans moi, l’enquête aurait tout de suite été classée. Alors oui, j’ai fait des erreurs mais des erreurs, il y en a toujours. Aucune enquête n’est parfaite.
La psychiatre : Il y a eu plus que des erreurs, inspecteur.

Un catalogue de suspects

 

A côté de ce récit dans le récit, La Trêve va être un vrai catalogue de tout que l’on peut retrouver comme suspects dans ce type de séries :

  • les néo-nazis,
  • le trafic de drogue,
  • les soirées sadomasochistes,
  • les paris clandestins,
  • la mafia,
  • le projet immobilier controversé,
  • les problèmes de voisinage,
  • la victime pas si innocente,
  • les symboles mystiques,
  • le méchant psychopathe,
  • les collègues peu fiables,

De la bourgmestre au marginal vivant dans la forêt, chaque habitant du village passera chacun à leur tour à la moulinette des fausses pistes et des révélations que la série et ses auteurs nous réservent. Même le commissaire Rudy Geeraerts n’échappera pas à la volonté de l’inspecteur Yoann Peeters de trouver le coupable. Il devra même s’excuser de s’être trompé sur des suspects qu’il pensait pourtant bien connaître :

Yoann Peeters : On parle d’un meurtre, commissaire.
Rudy Geeraerts : Oui, je sais, je sais. Tout ce que je voulais, c’était préservé leur vie privée.
Yoann Peeters : Il n’y a plus de vie privée, je dois tout savoir sur ce village, les secrets les plus honteux, les plus enfouis, on va tout déterrer… jusqu’à ce qu’on trouve qui a fait ça.

Ce “Il n’y a plus de vie privée” s’adresse également à l’inspecteur Yoann Peeters lui-même qui est loin d’être parfait. C’est un excellent enquêteur certes mais il est instinctif, impulsif, fonceur et pas du tout diplomate avec ses collègues. Il n’hésite pas aussi à utiliser des méthodes détournées pour arriver à son but comme par exemple, passer par un ami médecin (interprété par Benoît Van Dorslaer) quand on refuse de faire l’autopsie du corps de Driss Assani, considéré à ce moment-là comme suicidé.

Et c’est la même attitude sur le plan personnel. Bourreau de travail, il fait presque systématiquement passer son travail avant sa vie privée (petite amie, fille), au risque d’oublier d’être retourné au village pour faire une “trêve”.

Un casting et une réalisation convaincants

 

Côté casting, le physique de l’acteur Yoann Blanc dans rôle de Yoann Peeters contraste avec sa voix moins imposante mais cela ajoute à son jeu torturé et fuyant. Autour de lui, Guillaume Kerbusch (Oscar et la Dame rose) dans le rôle de son coéquipier, Jean-Henri Compère (Les Chevaliers blancs) dans celui du commissaire, Catherine Salée (La Vie d’Adèle : Chapitres 1 et 2, Deux jours, une nuit) dans celui de la bourgmestre, Anne Coesens (Illégal, Tous les chats sont gris) dans celui de l’ancienne petite amie de Yoann, Sophie Breyer dans le rôle de la fille de l’inspecteur,  Jasmina Douieb dans le rôle de la psychiatre, Philippe Résimont (Un village français, Irresponsable) dans le rôle de son ennemi… proposent une galerie d’adjuvants, de suspects et d’obstacles convaincants à son enquête.

Côté réalisation, malgré le budget relativement serré, le réalisateur et showrunner Matthieu Donck signe une image ambitieuse avec de nombreux plans aériens (drones) au-dessus de la forêt et de la rivière et se joue de l’espace et du temps avec :

  • les flashback sur l’enquête,
  • les flashforward sur l’interrogatoire menée par la psychiatre,
  • les ouvertures de chaque épisode sur un cauchemar associé à Driss Assani et vécu par chacun des protagonistes de l’histoire.

Une série pas vraiment originale
mais un coup d’essai intéressant à confirmer

 

Bien sûr, True Detective, Broadchurch, Luther, les séries scandinaves… les influences ne manquent pas dans La Trêve. Cette partie de Cluedo grandeur nature des scénaristes Matthieu Donck, Stéphane Bergmans et Benjamin d’Aoust propose un passage en revue de tous les suspects possibles dans ce type d’histoires avec une succession de rebondissements jusqu’à la dernière ligne droite. Mais cette compilation de suspects/non-suspects peut lasser et amène une résolution finale plutôt décevante.

Et qu’on ne s’y trompe pas, si les auteurs de La Trêve n’ont pas su faire preuve d’une réelle originalité, ils ont su démontrer avec cette première saison des talents certains dans cette enquête menée aux frontières de la folie qui peut gésir au cœur d’une communauté.

Bref, si La Trêve n’est pas le coup de maître annoncé, cette série est tout de même un bien intéressant coup d’essai à confirmer.

En tout cas, une saison 2 serait d’ailleurs en cours de négociation entre producteurs, auteurs et diffuseurs.

 

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En savoir plus :

  • Le Trêve est diffusé sur France 2 tous les lundis à 20h55 depuis le 29 août 2016
Jean-Christophe Nurbel

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