Maud Wyler a collaboré avec de grands noms du cinéma tels qu’Amos Gitaï, Nobuhiro Suwa, Sébastien Betbeder et Nicolas Klotz, tout en menant une carrière théâtrale impressionnante. Cette année, elle fût très présente au cinéma (“La Voie Royale“, “Toi non plus tu n’as rien vu“) et apparaitra en décembre prochain dans le second film “La fille de son père” d’Erwan Le Duc . Jurée au Festival International du Film de La Roche-sur-Yon, nous avons pu rencontrer cette actrice passionnante.
Interview de Maud Wyler
Bulles de Culture : Vous êtes présente cette année au Festival International du Film de La Roche-sur-Yon dans le jury de la compétition internationale. Comment avez-vous découvert ce festival ?
Maud Wyler : C’est ma première fois à La Roche-sur-Yon, mais je connaissais déjà son excellente réputation. Certains critiques que j’ai rencontrés au fil du temps ont contribué à la programmation ici. Ce sont des individus en qui je place une grande confiance artistique. Pour moi, ce festival est l’un des plus pointus en France. J’ai un profond lien avec La Roche-sur-Yon et certains de ses intervenants. Je suis sincèrement honorée d’y être jurée cette année.
Le cinéma est en pleine introspection sur sa nature même
Bulles de Culture : Avez-vous déjà été jurée dans d’autres festivals ?
Maud Wyler : Oui, notamment au Festival de Namur en Belgique, et au Off Court à Trouville. Ce dernier m’a particulièrement marqué par son engagement envers la culture et l’éducation à l’image. Voir toute une ville s’emparer du cinéma est quelque chose de précieux pour moi. Pour moi, être jury, c’est l’occasion de tisser des liens et d’aller à la rencontre de nouveaux publics.
Bulles de Culture : En tant que jurée, comment percevez-vous votre rôle vis-à-vis des films ?
Maud Wyler : Le cinéma est en pleine introspection sur sa nature même. Pour moi, une grande partie de l’essence du cinéma réside dans la salle de projection. C’est un lieu de communion. Notre mission en tant que jury est d’accueillir une proposition de cinéma, notamment par son geste de mise en scène. Je regrette que, ces dernières années, la mise en scène soit souvent reléguée au second plan par rapport à des intérêts business.
Bulles de Culture : Entre Toi non plus tu n’as rien vu, La Petite, Bernadette… Vous avez été très présente au cinéma cette année. Est-ce une volonté délibérée ?
Maud Wyler : Rien n’est vraiment laissé au hasard dans ma carrière. Je choisis minutieusement les films dans lesquels je m’engage. C’est une chance pour moi de pouvoir mêler théâtre et cinéma. Chacun des films que vous avez vus cette année a été un choix délibéré, et je les chéris tous.
Bulles de Culture : Pouvez-vous nous parler de votre collaboration renouvelée avec le réalisateur Erwan Le Duc avec qui vous avez travaillé pour son premier film, Perdrix, avant de le retrouver sur La Fille de son père à sortir en décembre prochain ?
Maud Wyler : Nous nous sommes rencontrés pour un court-métrage. C’est une bénédiction d’avoir des réalisateurs qui tiennent bon sur leur vision initiale. C’est une autre forme de négociation, mais cela en vaut souvent la peine. Avec Erwan, il y a une confiance qui nous permet d’être particulièrement exigeants l’un envers l’autre, ce qui enrichit notre travail.
Chaque rôle élargit mon horizon
Bulles de Culture : A la présentation du film “La fille de son père” au Festival de La Roche-sur-Yon, votre enthousiasme pour celui-ci était palpable semble-t-il dès la découverte du scénario. Qu’est-ce qui a provoqué cette réaction ? Était-ce l’écriture d’Erwan Le Duc, la thématique ou une combinaison de facteurs ?
Maud Wyler : Le film aborde une tragédie au cœur d’un parcours intime sans être démonstratif. Cela me parle en tant que spectatrice car il ne me dicte pas comment ressentir les choses, faisant confiance à mon intelligence sensible. De plus, travailler sur les plateaux d’Erwan avec une équipe technique fidèle que l’on retrouve de film en film est un vrai bonheur. Il y règne une harmonie qui permet à la magie de naître.
Bulles de Culture : Vous avez également participé à des films avec des thématiques fortes cette année comme “Toi non plus tu n’as rien vu” sur le déni de grossesse ou “La petite” sur la gestation pour autrui. Ces rôles vous amènent-ils à réfléchir plus profondément sur des sujets sociétaux ?
Maud Wyler : Absolument. Pour chaque rôle, je me plonge profondément dans le sujet. C’est une démarche personnelle. Par exemple, “Toi non plus, tu n’as rien vu” reposait en grande partie sur mon personnage. Je sentais le besoin d’incarner sincèrement son trouble intérieur. Tourner en prison pour ce film a aussi bouleversé mon regard sur les prisons et sur le monde. Chaque rôle élargit mon horizon. Même si je tiens à séparer ma vie professionnelle de ma vie privée, certains rôles me touchent profondément et influencent ma vision du monde. Celui que je joue dans “Toi non plus, tu n’as rien vu” est l’un d’eux. Jouer, c’est un exercice d’empathie pour moi. Cela stimule ma conscience et mon engagement politique.
Entretien réalisé à La Roche-sur-Yon, le 20 novembre 2023