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Un automne à Great Yarmouth photo film critique (1)
Damned Distribution

Critique / “Un automne à Great Yarmouth” (2023) de Marco Martins

Un automne à Great Yarmouth sort en vidéo le 16 janvier 2024 chez Damned Distribution. Retrouvez la critique de ce thriller puissant sur les bas fonds du capitalisme. 

Synopsis :

Tânia d’origine portugaise accueille des immigré.es portugais.es à Yarmouth en Angleterre dans des hôtels insalubres et dans une grande promiscuité. Cette main d’œuvre est destinée à prendre en charge les travaux les plus éprouvants des abattoirs.

Un automne à Great Yarmouth : dans les bas-fonds de la société actuelle

Dans un quotidien particulièrement sombre et désenchanté où la solidarité humaine ne semble plus avoir sens, une femme d’origine portugaise se fait « marchande d’esclaves » à Yarmouth en envoyant de la main d’œuvre immigrée portugaise dans les activités les plus épouvantables.

C’est bien le monde néolibéral actuel qui permet une exploitation décomplexée des êtres vivants qui est au centre de cette histoire. Avec cette plongée dans les bas-fonds de la société actuelle nourrie par des témoignages réels, Marco Martins navigue dans son film entre dimensions mythico-fantastiques et drame urbain où le chemin de rédemption dans un cheminement de croix catholique convoque l’univers de Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese.

Si l’esclavage moderne permis de manière assez laxiste dans l’Union européenne du Royaume-Uni qui précède le Brexit est la toile de fond de cette expérience cinématographique, l’intrigue est portée en effet par le regard subjectif de la protagoniste qui se voudrait une sainte mère protectrice catholique alors qu’elle est davantage une « marchande d’esclaves » au service de l’économie de marché sans scrupule. Le jour où débute pour elle une histoire d’amour, une nouvelle opportunité d’appréciation du réel s’offre à elle avec une prise de conscience violente dont elle ignore encore la déflagration.

Un récit s’appuyant sur des témoignages

Marco Martins construit son récit en s’enracinant sur les témoignages des personnes locales qu’il a pu recueillir et dont il ne pouvait se contenter de retranscrire froidement la réalité sans un point de vue qui vient interroger plus largement les contradictions humaines successives.

La relation du monde animal au monde humain traverse tout le film comme métaphore d’une incompréhension maladive et hypocrite qui aboutit à l’exploitation de l’un par l’autre. Ainsi, c’est parce que l’un n’a pas la parole que son exploitation sans complexe est rendue possible dans un système économique cruel à l’instar d’une main d’œuvre démunie qui ne connaît pas la langue de ses employeurs pour défendre ses droits en tant que travailleurs et travailleuses qui peuvent prétendre légitimement faire respecter leur dignité humaine. Dès lors, les animaux sont envoyés à l’abattoir de la même manière que celles et ceux qui font tourner la machine de mort.

Une rencontre entre Ken Loach et Martin Scorsese

Cette plongée infernale tricote un récit où les contrastes entre une musique classique et des images éprouvantes viennent régulièrement offrir un écart réflexif sur la cruauté d’un monde pour lequel il est si aisé de fermer les yeux pour le rendre possible.

La mise en scène se concentre étroitement sur le parcours intérieur du personnage principal dont le regard parfois inconfortable est sans cesse partagé comme un cauchemar éveillé au rythme égrené des mois de l’automne. Marco Martins orchestre en virtuose sa mise en scène faisant se rencontrer Ken Loach pour la dénonciation du néolibéralisme en Angleterre, Martin Scorsese pour le chemin de croix de sa protagoniste et Michelangelo Antonioni pour son personnage féminin confronté à un décor urbain désenchanté. Il en résulte un film qui convoque autant la métaphore éthérée que l’appréciation viscérale de la réalité sociale.

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Cédric Lépine

En savoir plus :

  • Date de sortie salle France : 06/09/2023
  • Distribution France : Damned Films
  • Disponible en vidéo à partir du 16/01/2024
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