L’homme d’argile est le premier film d’Anaïs Tellenne. Célébrant le corps atypique, le long métrage avec Emmanuelle Devos et Raphaël Thiéry est disponible en vidéo/ DVD depuis le 16 juillet 2024. La critique et l’avis sur le film.
Synopsis :
Raphaël (Raphaël Thiéry), 60 ans, vit seul avec sa mère près d’un château dont il est le gardien. Son quotidien est soudainement bouleversé par l’artiste contemporaine et propriétaire des lieux qui voit en lui une figure inspiratrice (Emmanuelle Devos).
Cet article vous est proposé par Cédric Lépine
L’homme d’argile : L’histoire d’un corps atypique et unique
L’histoire d’un corps atypique et unique qui inspire une œuvre est à la fois celle du film et celle d’Anaïs Tellenne puisque c’est bien la présence incarnée de Raphaël Thiéry qui irrigue le premier long métrage de la cinéaste. Dès lors, il n’y a pas de hasard à ce que l’acteur joue un personnage qui porte son prénom et joue de la cornemuse qu’il connaît bien en dehors du film.
Comme l’artiste du film joué par Emmanuelle Devos, Anaïs Tellenne fait du corps de Raphaël Thiéry son œuvre dans un rôle quasi mutique qui rend d’autant plus forte sa présence hiératique. Sous les traits d’un puissant cyclope né des forces telluriques originaires, l’acteur incarne aussi tout à la fois une figure mythologique tout droit issue d’un conte de fée sous les traits à la fois de l’ogre mais aussi de la Bête de La Belle et la Bête.
Le tout s’inscrit dans un cadre trivial réaliste où les séquences inattendues viennent sans cesse interroger le réel comme dans l’univers des films d’Alain Guiraudie où Raphaël Thiéry est apparu pour la première fois (Rester vertical, 2016). Le personnage du célibataire endurci et les répliques assassines d’une mère octogénaire, sans oublier une sexualité truculente rabelaisienne portée par une postière décomplexée qui apporte sa dose d’humour au film (inoubliable Marie-Christine Orry!) cultive une zone de capillarité inspiratrice avec l’œuvre de Guiraudie.
Il y est aussi question d’une lutte des classes dans l’opposition entre le gardien et la châtelaine, sans oublier un regard critique quant à la prédation vampirique de l’artiste bourgeois, utilisant et rejetant le prolétaire comme un outil jetable une fois servi.
Curieuse attitude pour une artiste qui a consacré sa vie à utiliser son propre corps comme fulgurance artistique dénonciatrice ? Ou alors altérité singulière et indépassable à sa propre identité ? Du moins l’artiste renaît après avoir trouvé dans son œuvre la singularité d’un corps et peut alors rejoindre le grand monde après sa parenthèse de repli.
Une chronique initiatique
Anaïs Tellenne se joue ainsi autant des paradoxes que des contrastes avec une intrigue minimaliste à l’instar de son casting, le tout tourné dans le décor d’un château. De même le réalisme cru enchanté par ses petites touches d’humour et d’humanisme permet à l’intrigue de s’emparer de la fiction qui transcende la répétition du quotidien.
Il en résulte, comme la forme du conte l’appelle, une chronique initiatique où le personnage éponyme rêve son émancipation vis-à-vis de trois personnages féminins qui ne cessent de lui imposer une assignation identitaire, qu’il s’agisse d’une mère castratrice, d’une amante à la sexualité explosive et d’une artiste qui sublime son désir comme acte créatif egocentré.
Notre avis ?
Anaïs Tellenne avec une brillante inspirante détourne les codes traditionnels des rapports de genre dans un conte moderne aussi singulier que déroutant où gravité et légèreté forment une chorégraphie inédite.
En savoir plus :
L’Homme d’argile
d’Anaïs Tellenne
Fiction
94 minutes. France, 2023.
Couleur
Langue originale : français
Avec : Raphaël Thiéry (Raphaël), Emmanuelle Devos (Garance Chaptel), Marie-Christine Orry (Samia), Mireille Pitot (Lucienne), Alexis Louis Lucas (Patrice), Vincent Thomas (le médecin), Cesare Capitani (Sylvio), Zoran Boukherma (le photographe), Ludovic Boukherma (le journaliste), Natasha Cashman (la guide)
Sortie en salles (France) : 24 janvier 2024
Sortie France du DVD : 16 juillet 2024
Format : 1,85 – Couleur
Langue : français – Sous-titres : français pour sourds et malentendants.
Éditeur : Blaq Out
Bonus :
Court métrage : « Le Mal bleu » d’Anaïs Tellenne et Zoran Boukherma (2018, 15’)
Enregistrement de la musique originale par l’Orchestre Symphonique de Budapest (15’)
Commentaire de séquence par Anaïs Tellenne (6’)