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Critique / “Le grand saut” (2021) de Renaud Dély

Dernière mise à jour : août 24th, 2021 at 11:42 pm

Bien connu du grand public comme journaliste de presse écrite, chroniqueur et animateur télé, coauteur de bandes dessinées, auteur d’ouvrages politiques, Renaud Dély, change de registre avec un récit très personnel, mêlant des moments de sa vie d’adolescent avec sa mère, à celle du champion olympique à la perche, Pierre Quinon, dans Le grand saut chez JC Lattès. La critique et l’avis sur ce livre de la rentrée littéraire 2021.

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L..

Le grand saut : Pierre Quinon, champion olympique à la perche

Détenteur éphémère du record du monde à la perche, trois jours seulement en 1983, détrôné pour un centimètre, Pierre Quinon est entré dans la légende le 8 août 1984, lors des Jeux olympiques de Los Angeles boycottés par quatorze nations sous la houlette de l’URSS. Inondé de fraîcheur et de jeunesse, il est champion olympique à 22 ans. Cet athlète longiligne, gracile, aux boucles brunes abondantes, tel un ange, savoure un éphémère instant d’euphorie. Puis commence une interminable dégringolade qui lui interdira de pouvoir défendre son titre à l’olympiade de Séoul en 1988, où triomphera Sergei Bubka, son cadet d’un an, pour son unique médaille d’or olympique, lui le grand absent à Los Angeles.

Très vite le champion français s’est senti illégitime avec un succès au rabais, en l’absence de Sergei. Il estime la médiatisation qui le touche, dérisoire et futile face à ceux qui meurent de faim dans le monde. Il refuse de jouer le jeu de la presse. Il s’isole, se ressource, se repose. Il rejette toute monétisation de sa victoire en ne participant pas aux lucratifs meetings. Il fuit honneurs, compliments, congratulations. Il refoule appels téléphoniques, correspondances. Atypique, en esquivant la célébrité Pierre demeure un solitaire, rempli d’espoirs, de doutes, de valeurs et de faiblesses. Jamais une seule proposition de travail ne lui sera faite, la seule chose qu’il attendait.

En France, il a un jeune fan inconditionnel de quinze ans, Renaud, qui a assisté discrètement à son sacre américain à la télé. Cela lui a permis d’échapper au climat pesant qui règne dans sa famille, certes aimante mais qui se délite progressivement face aux profondes dépressions qui rongent sa mère et aux absences d’un père débordé par le travail. Pour oublier, Renaud vit au milieu de ses idoles sportives, Platoche (notre Platini national), Blanco, Hinault, Fignon, Noah, Dacoury. Dans cette vie par procuration, au dessus de tous, règne Pierre Quinon. Il lui demeure fidèle, même après les meetings et compétitions auxquels il a renoncé, ou les échecs enregistrés lorsqu’il concourt. Blessures, déprimes, s’enchainent, son corps ne supportant pas les régimes qu’il s’inflige en soulevant de la fonte, et encore de la fonte, pour se  muscler comme le font les nouveaux perchistes.

Deux vies qui se croisent

Deux vies se croisent, si éloignées l’une de l’autre, celle de la mère de Renaud et celle de Pierre. Deux parcours pour un seul combat, celui de surmonter une maladie destructrice pour soi même et son entourage, qui attire inexorablement vers des abysses monumentaux, de séjours en milieu hospitalier en traitements. Renaud amorphe, tétanisé, effacé, inquiet, ne sait quoi dire ou quoi faire face à cette mère qui s’étiole. Il se réfugie auprès de son idole, Pierre, même meurtrie. Dans la famille Quinon, Pierre enfant unique, intrépide, était entouré de la protection maternelle et de la constante sollicitation du père pour se surpasser, aiguisant son instinct de compétiteur. Il a vécu toutes ses passions de manière extrême, au delà de la raison, que ce soit moto, vélo, bateau, et peinture, appréciant particulièrement celle de Nicolas de Staël.

Notre avis ?

Renaud Dély dans Le grand saut rend un vibrant hommage à un homme attachant, impulsif, insaisissable, assisté de fidèles amis, de son épouse et de ses fils. Avec pudeur, il envoie un message d’amour à sa mère, regrettant de ne pas avoir pu le faire en temps voulu. Un récit rempli d’une grande sobriété, très émouvant, où les petits de rayons de soleil procurés à un enfant sont venus de sportifs lorsqu’il en avait besoin.

En savoir plus :

  • Le grand saut, Renaud Dély, JC Lattès, août 2021, 220 pages, 19 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

2 Commentaires

  1. Bonjour,

    Je suis désolée mais Pierre Quinon n’était pas un enfant unique.
    Je suis sa sœur. Vérifiez vos sources avant de publier des erreurs.
    Cordialement
    Isabelle Quinon

    • Bonjour Madame,

      L’article sur votre frère Pierre est avant tout un hommage respectueux.

      Dans la phrase “….Pierre enfant unique, intrépide…” le mot unique est pris au sens, exceptionnel, incomparable.

      Cordialement

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