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after yang photo avis film critique 1 2021
© Condor

Critique / “After Yang” (2021) de Kogonada

Après un passage remarqué au Festival de Cannes 2022, dans la sélection Un Certain Regard, After Yang, drame de science fiction signant la deuxième réalisation du réalisateur américain Konogada, sort dans les salles de cinéma le 6 juillet 2022. La critique et l’avis de Bulles de Culture sur le film.

Synopsis :

Dans un futur proche, chaque foyer possède un androïde domestique, appelé « techno-sapiens ». Dans la famille de Jake, il s’appelle Yang, et veille plus particulièrement sur la jeune Mika, assurant pour cette petite fille adoptée d’origine chinoise, un rôle de tuteur, d’ami, de confident. Aussi, le jour où Yang (Justin H. Min) tombe en panne, Jake (Colin Farrell) met toute sa vie en pause pour tenter de le réparer. Mais le parcours va se révéler beaucoup plus compliqué que prévu, et va mettre Jake aux prises avec des questionnements existentiels et intimes vertigineux.

After Yang : l’humanisation de l’androïde

Après avoir travaillé sur des essais critiques vidéos sur le cinéma, Kogonada continue d’explorer le cinéma expérimental avec son premier long métrage, Colombus, présenté au Festival de Sundance en 2017. Avec After Yang, il ouvre son univers cinématographique à de la science-fiction en allant sur la thématique de l’humanisation de l’androïde avec une vision singulière d’une Chine futuriste.

Face à la politique de l’enfant unique, les familles bourgeoises chinoises se sont dotées d’un androïde, considéré comme un “deuxième enfant”, notamment pour que les jeunes galopins ne se sentent pas esseulés. Cette machine est faite pour donner l’illusion d’un véritable être en chair et en os : son apparence humaine, ses réactions et même son état de décomposition lorsqu’il tombe en panne. Lorsque Yang, le “deuxième enfant” de la famille de Jake, ne s’allume plus, le chef de famille va tout faire pour le réparer. En faisant tout pour le remettre en état de marche, celui-ci va extraire un disque dur de son noyau dans lequel est stocké tous les souvenirs de l’androïde. Le personnage joué par Colin Farrell va alors s’interroger sur la capacité de ces machines à ressentir des émotions humaines.

En référence à Blade Runner, dont le long métrage est largement inspiré, Kogonada sait en prendre le contrepied. Là où la machine se pose  la question existentielle de sa condition dans le film de Ridley Scott, celle-ci sait qu’elle n’est pas humaine dans After Yang. En revanche, l’enjeu est de connaitre sa capacité à ressentir de réelles émotions humaines, notamment l’amour lorsque l’humanoïde rencontre une jolie femme blonde sur lequel il fixe son attention.

La machine de Kogonada semble aussi dotée d’une réflexion et de goûts. Lors d’un moment clé du film, en plein débat sur la mort, Kyra, femme de Jack, interprétée par l’intense Joie Turner-Smith questionne Yang sur sa perception de la mort : “ça ne te rend pas triste ?” demande t-elle. L’androïde répond alors, “il n’y a pas d’existence sans le néant“, prouvant ainsi qu’il perçoit cette fin de vie qui lui donne de facto cette condition d’homme, seul être vivant à avoir conscience qu’il va mourir.

Du romantisme dans sa proposition futuriste

Le réalisateur met du romantisme dans sa proposition futuriste, en particulier au moment où le personnage de Colin Farell, vendeur de thé ayant peu d’attraits pour le commerce, décrit à Yang ses sensations en buvant son breuvage. L”acteur vu dans The Lobster de Yórgos Lánthimos (2015) chuchote langoureusement pour donner à l’instant une sensualité magnifique.

Le deuil est également une thématique centrale d’After Yang. Celui de la famille de Jack est singulier car il fixe la potentialité d’un fort attachement à un objet, l’androïde est ainsi comme tout doudou, comparaison d’ailleurs évoquée dans le film. Mais ce deuil est vite mué en nostalgie quand le père de famille découvre, lotis dans les fichiers secrets stockés dans le disque dur de Yang, les moments clés de la construction de sa propre fille adoptée, dont le noyau familial s’est construit en y ramifiant ses membres.

Grâce à une mise en scène en partie nocturne, avec une lumière particulièrement travaillée, Kogonada s’applique à décrire un futur, non comme un cliché pessimiste qui rend le monde impossible à vivre, mais comme un endroit sans aucune démesure où il est plausible de vivre. Le cinéaste critique subtilement les collectes des données personnelles par les grandes industries technologiques, sans en faire le noyau dramatique de son histoire. Ces logiciels espions implantés dans l’androïde sont venus paradoxalement de l’étranger, une façon d’ironiser sur le fait que la Chine est actuellement le pays qui surveille le plus sa population.

Notre avis ?

After Yang est une sublime fable futuriste portant sur le deuil et l’amour, qui cherche à mettre en exergue le sentiment humain à travers l’esprit d’un androïde.

En savoir plus :

Antoine Corte

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