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Colette l'insoumise de Cécile Denjean (c) roche productions image documentaire
© Roche Productions

♥ Critique / “Colette, l’insoumise” (2018) : quand la féminité (s’)épanouit

Dernière mise à jour : mars 8th, 2021 at 12:46 am

Pour ouvrir son cycle Nous, les femmes, la chaîne Histoire TV propose un documentaire de Cécile Denjean sur Colette, pertinemment intitulé Colette, l’insoumise. C’est un portrait tout en finesse de la sulfureuse autrice à succès. L’avis et la critique de Bulles de Culture sur ce documentaire coup de coeur.

Synopsis :

Née en 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, en Bourgogne, Colette est d’abord une jeune femme de province vive et naïve, mariée tôt à un journaliste parisien, M. Willy, connu pour signer des romans libertins qu’il fait écrire à un réseau ténu de petites mains. Rien ne pouvait laisser présager qu’une femme forte, qu’une écrivaine talentueuse naîtrait des cendres de ses illusions perdues. Colette devient pourtant une figure incontournable de la vie littéraire et mondaine de la Belle Époque.

Colette, l’insoumise : une vie sans convention

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Un titre programme que ce Colette, l’insoumise ! Cécile Denjean nous emmène, grâce à ce beau documentaire qu’elle signe, dans la peau de Sidonie-Gabrielle Colette, cette femme que nous connaissons sous le simple nom de Colette porté comme signature. Nous découvrons ainsi ses parents, Sidonie Landoy, la libre-penseuse — chose rare à l’époque — qui va à la messe avec Corneille dans son missel et son chien qu’elle fait rentrer dans l’église, et le capitaine Jules-Joseph Colette, deuxième époux de “Sido”, l’idéaliste écrivain raté qui conduit la famille à la ruine. Nous la voyons grandir comblée par l’amour plutôt que par l’argent.

Nous la retrouvons ensuite quelques années plus tard comme jeune épouse déchantant vite et plume d’un homme, son mari, qui signe les quatre volumes des Claudine de son seul nom. Mais jeune fille fragile, Colette ne le sera que peu. Elle devient vite la brillante élève de cet homme qui a été son maître, le trompe avec ses propres maîtresses, brille dans la vie mondaine, étincelle d’esprit et découvre dans le demi-monde qui s’ouvre à elle une injonction : celle de vivre par les plaisirs, pour les plaisirs et de ses plaisirs.

Avec cette femmes divorcée, plusieurs fois mariée, ouvertement bisexuelle, écrivaine, mime, danseuse nue, directrice d’un institut de beauté, amoureuse jusqu’à sa mort de jeunes hommes de 16 à 31 ans ces cadets ou éminemment voluptueuse malgré la course des années, c’est tout une vie de pieds-de-nez aux injonctions, de parades aux obligations, de fuites perpétuelles des conventions et de refus affirmés de la modération, qui s’ouvre à nous avec ce Colette, l’insoumise. Non sans (grand) plaisir, il faut le dire !

Le scandale comme maître-mot

Ce que montre encore Cécile Denjean avec son documentaire Colette, l’insoumise, c’est le calcul qu’il y a à provoquer, à indigner et à choquer à tout prix. Dans cette promotion par le scandale, c’est d’abord son mari, Willy qui excelle, mettant par exemple en scène un ménage à trois entre Colette, lui, et Polaire, celle qui incarne Claudine au théâtre à partir de 1902. Et Colette a bien retenu la leçon : elle est la première à monter nue sur scène, parfois en compagnie de Missie, cette riche héritière qui la bouleverse. Elle entremêle de plus en plus la fiction et la vie dans des œuvres telles que La Vagabonde, L’Envers du music-hall, puis Chéri et Le Blé en herbe. De ce fait, elle se façonne un visage d’aventurière de la vie, d’absolutiste de l’amour.

Colette a-t-elle mesuré pour autant quels carcans elle faisait sauter, quelles portes elle a entrouvertes pour des générations de femmes ? Rien n’est moins sûr. Elle contribue pourtant, par sa vie et son œuvre, par ses positions et ses écrits, à lever le tabou qui entoure le corps féminin et la sexualité féminine.

Une chair(e) littéraire

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Mais ce en quoi Cécile Denjean diffère des sujets habituellement dédiés à Colette, c’est en rendant hommage à la grande autrice qu’elle a été, qu’elle est restée. Se penchant d’abord sur ce qui a fait la matrice de l’écrivaine — cette enfance idéalisée —, Colette, l’insoumise montre encore comment elle en vient à l’écriture malgré elle. C’est d’abord la marionnette de son mari et maître, Willy, qui signe de son nom les ouvrages de son épouse et qui prend en main le succès des Claudine en créant le col du même nom ainsi que des parfums, des cigarettes et des chapeaux autour de l’univers des romans. C’est ensuite la femme de talent qui s’émancipe et que nous voyons éclore. Celle qui rencontre Paul Valéry, Alfred Jarry, Jules Renard, celle qui se lie à Marcel Proust, celle qui devient une figure incontournable de la scène littéraire française et restera la première femme à entrer à l’Académie Goncourt, la première à la présider, la deuxième après Sarah Bernhardt à obtenir des funérailles nationales.

Mêlant images et vidéos d’archives avec d’élégants dessins d’animation, Colette, l’insoumise est un beau documentaire qui offre un lumineux éclat à toutes les facettes d’un personnage féminin aux diverses mues, aux multiples vies, aux différentes amours et à la plume savoureuse. Bulles de Culture recommande chaudement ce coup de cœur.

En savoir plus :

  • Colette, l’insoumise sera diffusé sur la chaîne Histoire TV le vendredi 3 avril 2020 à 20h40, puis le samedi 4 avril 2020 à 11h10, le vendredi 10 avril 2020 à 22h25, le jeudi 16 avril 2020 à 16h55
  • Durée du documentaire : 53 minutes
Morgane P.

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