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© Les Films du Poisson

Critique & Interview / “Le passe-muraille” (2016) de Dante Desarthe

Dernière mise à jour : avril 9th, 2021 at 12:10 am

Interview de Dante Desarthe, réalisateur et scénariste du téléfilm Le passe-muraille

Bulles de Culture : Quelle est la genèse du téléfilm Le passe-muraille ?

Dante Desarthe : C’est un projet que j’ai depuis longtemps. Moi aussi, j’avais vu le film avec Bourvil qui m’avait aussi fait rêvé. Je m’en rappelle, c’était à la télé, un après-midi, une rediffusion de ce film qui datait du début des années 50.

A l’époque, j’étais passionné par les super-héros mais les super-héros de comics américains tel que Spider-Man. Donc voir que ça existait avant, en noir et blanc et autrement, ça allait totalement avec mon imaginaire d’enfant.

Et ça ne m’a jamais vraiment quitté puisque quand j’ai fait du cinéma, j’ai fait un premier long métrage qui est sorti en 1995 et qui s’appelait Fast. Il avait assez bien marché à l’époque et c’était fait remarquer. Et juste après, je me suis dit que je voulais faire l’adaptation du passe-muraille de nos jours.

Sachant qu’entretemps, j’avais lu la nouvelle qui est très courte et donc qui finalement laisse beaucoup de place à l’imaginaire. Il y avait la possibilité de faire beaucoup de choses avec ce personnage de Dutilleul, ce super-héros introverti et timide, ce petit bonhomme perdu dans l’immensité d’une société broyeuse de rêve.

C’était le point de départ et après c’est un parcours du combattant. Entretemps, j’ai fait d’autres films et finalement, Le passe-muraille n’est pas mon deuxième long métrage. C’est une fiction télévisée et mon sixième film. Un rêve peut durer et finir par voir le jour des années plus tard.

Bulles de Culture : Êtes-vous fidèle à la nouvelle de Marcel Aymé ?

Dante Desarthe : Oui et non. La seule qui est dans la nouvelle et dans le film est le chef de service qui s’appelle Monsieur Lecuyer dans la nouvelle et que j’appelle Franck Lecuyer. Et son humiliation par Dutilleul, même si je ne le montre pas comme dans la nouvelle. Il y a aussi à la fin, le fait qu’il se retrouve enfermé dans un mur après avoir connu une femme.

Mais dans la nouvelle, il n’y a pas de personnage de mère, pas de personnage d’ancienne femme et même le personnage féminin arrive très peu de temps avant la fin. Donc il n’y a pas d’histoire d’amour comme celle du film.

Je crois que je suis fidèle à l’esprit de la nouvelle plus qu’à la nouvelle elle-même. Il y a plein de choses à adapter de la nouvelle qui ne sont plus possibles aujourd’hui, dans un monde moderne.

Dans la nouvelle, par exemple, Émile Dutilleul humilie le directeur de la prison en sortant de la prison quand il veut et en laissant le directeur payer la note du restaurant d’en face pour lui. Mais aujourd’hui, ce ne serait plus possible avec toutes les caméras de surveillance. On verrait tout de suite qu’il n’est plus là.

Je voulais que cela soit crédible de nos jours. Et je me suis dit que si demain, il y a un passe-muraille qui vole demain la Banque de France et que sur toutes les caméras de surveillance, on le voit passer à travers les murs, évidemment, personne n’y croirait. Et tout le monde se dirait que c’est quelqu’un qui se fiche de nous et qui falsifie les vidéos. Et c’est ce que les pouvoirs publiques pensent jusqu’au moment où quelqu’un dit que si on se pose encore la question de comment il fait pour truquer les vidéos, on ne l’attrapera pas.

C’est très intéressant sur le monde moderne dans lequel on vit et où les gens finissent par se surveiller eux-mêmes avec toutes les applications qu’on a sur nos téléphones comme celles qui mesurent les battements du cœur. Alors qu’en réalité, on est toujours autant démuni face à l’irrationnel. C’est une façon de poétiser le monde trivial dans lequel on vit.

Denis Podalydès et Marie Dompnier au casting

Bulles de Culture : Est-ce que Denis Podalydès a dit oui tout de suite au projet ?

Dante Desarthe : Oui. Je le lui avais proposé quand je voulais au départ faire ce film pour le cinéma mais pas pour ce rôle-là. À cause du budget, je lui avais proposé un rôle secondaire mais ce n’était pas le scénario tel qu’il est écrit aujourd’hui. Je l’ai beaucoup réécrit entretemps.

Et quand je l’ai rappelé il y a deux ans pour lui dire que le film se faisait mais que je lui proposais le rôle principal, il l’a lu très vite. Il m’a rappelé deux jours après et m’a dit qu’il en était. J’ai construit ensuite toute ma distribution autour de lui. Et pour moi, c’était le rêve, j’avais quasiment écrit Le passe-muraille pour lui. Je pensais à lui en écrivant les dialogues.

Bulles de Culture : Au casting du passe-muraille, il y a aussi Marie Dompnier qui joue la femme dont Emile Dutilleul va tomber amoureux…

Dante Desarthe : Il me fallait une inaccessible étoile. Le petit bonhomme tombe amoureux d’une femme magnifique mais en même temps, il fallait qu’on y croit. Je ne pouvais pas prendre une Marilyn Monroe contemporaine, cela n’aurait pas marché. Il fallait que j’ai une femme moderne, très belle et en même temps très quotidienne.

Et Marie, je la connaissais bien avant Les Témoins puisque je l’ai fait tourné en 2012 dans mon long métrage Je fais feu de tout bois. Je l’avais aussi vu au théâtre avant. C’est une actrice de théâtre avant tout et je suis ravi qu’elle commence à percer dans l’audiovisuel parce qu’elle est faite pour ça.

Les effets spéciaux

Bulles de Culture : Comment avez-vous travaillé les effets spéciaux du film Le passe-muraille, notamment le passage à travers le mur ?

Dante Desarthe : C’est un effet spécial faussement simple de traverser le mur. C’est vrai que si vous regardez le film avec Bourvil aujourd’hui, l’effet spécial n’est pas très bien fait. Aujourd’hui, on a des moyens tellement plus impressionnants qu’il faut faire attention à ce qu’on fait.

Donc l’idée était de savoir ce qu’il se passe quand il traverse le mur : est-ce que c’est lui qui devient immatériel ou est-ce la matière sur laquelle il agit ? Moi, je me suis dit que c’est le passe-muraille, donc il intervient sur la matière. Je me suis donc posé des questions très concrètes. J’ai filmé mon fils en train de mettre la main dans du plâtre à prise rapide pour voir ce que cela faisait. Et après je l’ai montré aux gens des effets spéciaux.

Ensuite, il y a des différences. Quand il passe rapidement à travers le mur, cela ne se passe pas de la même manière que quand il le traverse lentement. Quand il passe un mur épais, ce n’est pas la même chose que quand il passe un mur fin… Toutes ce questions, on se les ait posées et on les a résolues avec les gens des effets spéciaux.

Et sur le tournage, je ne voulais pas qu’on perde du temps à tourner ces scènes. Et donc on a fabriqué les décors. Le décor de l’appartement, par exemple, est celui où il traverse le plus les murs. On y avait donc mis des murs à certains endroits qui s’ouvraient de façon à ce qu’il puisse traverser vraiment le mur, qu’on a ensuite reconstitué avec les effets spéciaux. Et ensuite, il y avait un travail délicat de déformation de la matière à faire. A chaque plan truqué, il y avait un parti pris différent. C’était artisanal et passionnant.

Propos recueillis au Festival des Créations Télévisuelles de Luchon (France) le 6 février 2016.

En savoir plus :

  • Le passe-muraille a été diffusé sur ARTE le vendredi 16 décembre 2016 à 20h55, le jeudi 22 décembre 2016 à 13h35 et le dimanche 8 janvier 2017 à 09h30
Jean-Christophe Nurbel

5 Commentaires

  1. Bonjour, Denis Podalydès joue un très joli morceau au piano. Quel est-il ? Merci !

  2. Je pose la même question concernant la musique et vous remercie pour la réponse. Je serais au rendez-vous des prochaines programmations. Inutile de vs dire que ce moment à été divertissant et bien interprété. Bravo

  3. mireilledegounod

    ce serait bien de remercier Erik Satie pour sa magnifique contribution.
    même pas cité au générique.

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