Dernière mise à jour : mars 8th, 2021 at 12:59 am
Les Filles aux mains jaunes raconte l’histoire de quatre munitionnettes pendant la Première Guerre mondiale, et c’est une jolie histoire que cette pièce mise en scène par Johanna Boyé au Festival OFF d’Avignon 2019. L’avis et la critique théâtre de Bulles de Culture sur cette pièce coup de cœur.
Synopsis :
Elles sont quatre, Julie, Rose, Jeanne et Louise (Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard et Élisabeth Ventura). Leurs hommes sont partis ; elles se retrouvent à travailler dans une usine d’armement. Louise, suffragiste, éveille les autres filles aux idées du féminisme. Journaliste, elle tente également d’alarmer des risques de santé que leur travail comporte.
Les Filles aux mains jaunes : une belle histoire de solidarité au Festival OFF d’Avignon 2019
Avec Les Filles aux mains jaunes, pièce de Michel Bellier portée à la scène par Johanna Boyé, c’est un regard intéressant qui nous est offert sur la vie en arrière du front. Ces quatre personnages de femmes, qui ont remplacé les hommes dans une usine d’armement, nous montrent en effet comment s’organisait la vie quotidienne durant le conflit. Jeune maman, fiancée, épouse et mère d’hommes partis sur le front, trois d’entre elles sont venues travailler par nécessité. Le personnage de Louise reste, quant à lui, nettement plus énigmatique.
Si les horizons de ces femmes diffèrent, on les voit se lier dans le partage d’un travail difficile et dangereux. Les épreuves ne manquent pas, et sont même attendues. On voit ainsi arriver les nouvelles du front, celle des morts ou des exécutions pour “lâcheté”. La compréhension de ce qui se passe au front est confuse. Les Filles aux mains jaunes illustre bien la campagne de désinformation menée par la presse, et le peu de vraies nouvelles qui viennent du front.
Reconnaissons ce qui fait la réussite des pièces montées par l’Atelier Théâtre Actuel : un très beau décor et un jeu sans fausse note des comédiennes. On se croirait presque dans un film tant les transitions entre les tableaux sont soignées, tant le romanesque et l’historique sont bien menés, tant on entre dans l’histoire de ces quatre femmes.
La naissance des revendications sociales
Johanna Boyé met brillamment en scène l’effervescence qui se crée autour des premières revendications féministes. La lutte pour le droit de vote est évoquée en arrière-plan. Celle qui vient occuper le devant de la scène, c’est la revendication pour qu’à travail égal, le salaire soit égal entre hommes et femmes. Cet épisode est, somme toute, resté globalement méconnu. Les Filles aux mains jaunes lui rend la lumière qu’il mérite.
À cette problématique féministe se superpose celle des risques encourus pour la santé. Ce qui paraît évident aujourd’hui. L’un des premiers scandales sanitaires certainement : la non protection de ces femmes qui manipulent du TNT, et dont les mains jaunissent. La description de la maladie professionnelle qui les emporte et les tue est précise et glaçante.
Ces deux combats se complètent et se mêlent. Et l’on se sent porté-e-s par le soulèvement qui se dessine, par les revendications scandées, par la naissance du monde moderne en train de se faire. Johanna Boyé parvient à nous faire vivre cette prise de conscience collective de l’intérieur, et cela fonctionne bien !
Les Filles aux mains jaunes : un plaidoyer pour l’éducation des filles et des femmes
Ce que montre avec pertinence Les Filles aux mains jaunes, c’est le peu d’éducation qu’on offre aux filles, et donc aux femmes, au début du XXe siècle. Le personnage de Louise, dans lequel Pamela Ravassard resplendit, est l’exception : éduquée, engagée et journaliste, elle comprend les événements bien plus que ses camarades. Parmi ses trois amies, l’une ne sait pas lire, l’autre craint tout ce qui ressemble à une contestation, et la dernière ignore qu’elle peut penser par elle-même.
L’on voit ainsi clairement que ne pas instruire est la meilleure solution pour faire taire, pour aliéner et assigner. Les Filles aux mains jaunes est en cela un beau plaidoyer pour une instruction égale entre garçons et filles, femmes et hommes. La pièce en saisit tous les enjeux, toutes les implications. Le personnage de Julie, qui entre dans le sillage de Louise et se libère progressivement, est en cela très émouvant. Élisabeth Ventura excelle d’ailleurs à lui donner corps.
Ce qui sidère, à vrai dire, c’est qu’en plus d’assister à un petit morceau d’Histoire, on se dit que Les Filles aux mains jaunes est une pièce criante d’actualité. L’égalité des salaires, en 2019, plus de cent ans après le combat de ces munitionnettes, nous n’y sommes toujours pas. Les Filles aux mains jaunes donnent l’envie de redoubler d’audace pour revendiquer haut et fort ce qui ne serait que justice. C’est un spectacle coup de cœur de Bulles de Culture.
En savoir plus :
- Les Filles aux mains jaunes se joue au festival Avignon Le Off 2019, au Théâtre Actuel, du 5 au 28 juillet à 12h05. Relâche le 22 juillet
- Durée du spectacle : 1h15
- Atelier Théâtre Actuel (site officiel)