A l’occasion de la disparition de Laurent Cantet le 25 avril dernier à l’âge de 63 ans, ARTE a mis en ligne trois oeuvres de ce cinéaste français, dont son second long métrage L’Emploi du temps (2021), avec Aurélien Recoing, Karin Viard et Serge Livrozet. L’analyse, l’avis et la critique film de Bulles de Culture sur ce drame primé et inspiré d’une histoire vraie.
Synopsis :
Honteux d’avoir perdu son travail, Vincent (Aurélien Recoing), un père de famille respectable, s’invente une vie factice et se transforme en arnaqueur.
L’Emploi du temps : le long métrage de Laurent Cantet primé à la Mostra de Venise
Récompensé à la Mostra de Venise 2001 par un Lion d’or dans la section “Cinéma du Présent”, le long métrage L’Emploi du temps dépeint un homme, interprété par Aurélien Recoing, qui de mensonge en mensonge, va tenter vainement d’échapper à son nouveau statut de chômeur.
Bien qu’il traite, comme dans le premier long métrage de Laurent Cantet, Ressources humaines (2000), d’un thème social (le chômage), L’Emploi du temps s’intéresse avant tout à la description de la double vie d’un personnage qui tente de perpétuer l’homme qu’il a toujours été aux yeux de sa famille.
Décryptage Bulles de Culture de la mise en scène subtile de Laurent Cantet à travers quelques séquences représentatives de cette oeuvre.
L’innocence du jeu
Dans les premiers plans du film L’Emploi du temps, on peut remarquer, en arrière-plan de l’action, des enfants qui jouent à chaque fois que l’on voit Vincent (Aurélien Recoing) parler avec sa femme, Muriel (Karin Viard), au téléphone. Ainsi, à l’image de ces gamins, Vincent joue innocemment à sa femme le rôle d’un homme au travail.
Première scène du film : occupant le côté droit de l’écran, Vincent dort à poing fermé sur le siège du passager — le siège du mort qui plus est ! Son téléphone portable, placé au centre de l’écran pour attirer le regard et ne pas surprendre le spectateur au moment de la sonnerie — ce qui n’est pas le but du film ici ! —, sonne. Vincent se réveille et décroche : c’est Muriel, sa femme. Apparaît alors sur la gauche de l’image, un bus qui s’arrête et déverse des enfants se ruant sur l’asphalte pour jouer.
Plus tard : sur une aire d’autoroute, d’autres enfants accourent et jouent sur une aire de jeux extérieurs quand Vincent est à nouveau au bout du fil avec sa moitié. De plus, dans cette scène, Vincent tourne en rond en conversant, tout comme les enfants, à l’arrière-plan, qui tourne en rond sur leur manège.
Enfin, une autre scène de ce type est répété, mais cette fois sans enfant, quand Vincent qui chante à tue-tête dans sa voiture une chanson de variété française passant à la radio.
Le père et le fils aîné
Des trois enfants de Vincent, seul le fils aîné, Julien (Nicolas Kalsch), suit une direction parallèle à son père. Cette proximité est soulignée par une scène où après le combat de karaté remporté par Julien, la famille est scindée en deux groupes à l’image : d’un côté, le père et le fils aîné ; de l’autre, la mère et les deux autres enfants.
Autre scène emblématique dans L’Emploi du temps : Vincent rentre chez lui tard le soir avec son 4×4 nouvellement acheté et rencontre sur le chemin son fils. A chaque conversation entre eux, l’un et l’autre refusent de dire ce qu’ils font réellement quand ils sont seuls.
Le social chez Laurent Cantet
Clin d’œil du réalisateur Laurent Cantet, tout au début du film L’Emploi du temps, sur ses opinions citoyennes : à un moment, Vincent achète quelques babioles à une station service et dans le plan, on peut voir sur le présentoir à journaux : Charlie Hebdo, Le Canard enchaîné, L’Humanité et Le Nouvel Économiste — ce dernier se justifiant par le rôle social du héros.
La transparence
Vitres, il y a un jeu de vitres assez important dans L’Emploi du temps. Ainsi, dès l’ouverture du film, c’est le pare-brise de la voiture de Vincent qui occupe tout l’écran. Un pare-brise embué comme pour dire que même transparent, rien n’est clair.
C’est ensuite une porte vitrée qui s’ouvre à Vincent quand il rentre la première fois chez lui et que sa femme ne se doute encore de rien. Porte qu’il referme ensuite lui-même.
Plus tard, c’est cette même porte vitrée qu’il est obligé d’ouvrir le soir pour rentrer chez lui quand sa femme connaît la vérité.
Enfin, sans emploi, c’est par des vitres qu’il verra les gens travailler : à l’ONU et quand il ira s’expliquer avec son ancien collègue (Nigel Palmer).
Notre avis ?
En s’inspirant librement de “l’affaire Jean-Claude Romand” — l’histoire d’un homme qui a vécu dix-huit ans dans le mensonge avant de massacrer sa famille — pour son second long métrage, L’Emploi du temps, le réalisateur Laurent Cantet signe l’une de ses meilleures mises en scène.
En savoir plus :
- L’Emploi du temps est proposé en streaming sur Arte.tv du vendredi 26 avril 2024 au vendredi 25 octobre 2024
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