Après 10 ans passés loin du monde du cinéma, l’actrice et réalisatrice française Judith Godrèche revient sur la scène médiatique et présente au Festival du Film américain de Deauville sa nouvelle série « Icon of French Cinema ». Dans cette série composée de 6 épisodes, elle incarne son alter ego fictif, une actrice qui revient à Paris après dix ans d’exil à Hollywood. Hantée par son passé, elle doit jongler entre ambition personnelle, angoisses maternelles et démons intérieurs. La série sera diffusée sur Arte en 2024.
Judith Godrèche : « Je voulais une prise de distance pour me préserver, me reconnecter à moi-même »
Bulles de Culture : En lisant votre note d’intention de la série, vous évoquez votre prise de distance avec le cinéma que vous décrivez tout de suite comme un monde d’hommes. Est-ce la raison de cette pause dans votre carrière d’actrice ?
Judith Godrèche : Oui, tout à fait. Je ne dis pas cela de façon négative. En tout cas, j’ai beaucoup d’estime et j’aime les films dans lesquels j’ai joué. Ça n’a rien à voir avec un rejet du travail ou des gens avec qui j’ai travaillé. C’est plutôt le sentiment qu’en fait, comme je travaille depuis que je suis toute petite, je voulais une prise de distance pour me préserver, me reconnecter à moi-même. Ma vie et le cinéma étaient intimement liés. J’ai quitté l’école très jeune. Je suis devenue actrice. J’ai évolué dans un milieu de cinéma. Ma vie était entièrement faite de ça. J’ai toujours été dans une forme de peur de ne pas savoir si j’étais à la bonne place. J’avais l’impression qu’il fallait constamment se battre. Or, je n’avais plus envie de me battre.
Bulles de Culture : Avec “Icon of French Cinema“, vous semblez une femme plus réfléchie qui veut exorciser les fantômes du passé. Revenez-vous abolie de tous vos ressentis vis-à-vis de ce milieu du cinéma ?
Judith Godrèche : Oui, je crois que le fait d’avoir écrit, d’avoir vécu aux États-Unis, d’avoir perdu “mon statut” de comédienne m’a fait beaucoup de bien. J’ai vécu un anonymat intérieur, c’est-à-dire recommencer à partir d’une page blanche pour se poser les bonnes questions. Le fait d’écrire en anglais et d’être dans un pays étranger m’ont complètement désinhibée. J’ai d’ailleurs écrit “Icon of French Cinema” en pensant que la série ne serait jamais réalisée. La vraie prise de conscience, elle est maintenant puisque la série est réalisée et qu’elle va sortir. Je vais devoir faire des interviews, répondre aux questions, expliquer ma démarche d’autrice.
Bulles de Culture : Vous avez fait le choix d’accentuer le côté autofiction en prenant votre fille, Tess Barthélémy, pour jouer son propre rôle dans la série. Est-ce une forme d’encouragement pour pousser votre fille à faire ce métier ?
Judith Godrèche : Non, pas du tout. Évidemment que je l’encourage. Tess est dans une école d’art aux États-Unis. Son rapport à l’art n’est pas du tout celui que j’avais étant jeune. Elle est danseuse professionnelle, mais elle est aussi chanteuse, a pris des classes de scénario… En fait, elle a une approche très générale. Elle est dans un environnement de travail que je n’ai pas eu puisque je n’ai pas appris à être actrice. J’ai été jetée dans la jungle du cinéma à 10 ans. J’ai écrit cette série dans le but de montrer l’effet miroir entre deux générations de jeunes femmes, ma fille et moi-même. Tess a auditionné pour le rôle. Il était important qu’il n’y ait pas un passe-droit.
Bulles de Culture : En tant que réalisatrice de la série, redoutez-vous de vous filmer en tant qu’actrice ?
Judith Godrèche : Les moments que j’appréciais le plus étaient quand je n’étais pas devant la caméra. Ça n’avait rien à voir avec le fait de multiplier les casquettes sur le projet. C’était plutôt parce que dans le fond, j’adore diriger. Après, on peut très bien diriger un acteur en jouant avec lui. Je n’avais d’ailleurs jamais ressenti à quel point un acteur a du pouvoir sur la mise en scène.
Bulles de Culture : Avoir pu monter, produire, réaliser cette série, vous donne-t-il la perspective que le monde du cinéma a changé entre l’instant où vous l’avez « quitté » et aujourd’hui ?
Judith Godrèche : Je ne sais pas vraiment. En tout cas, l’exemple le plus fort et « radical », c’est d’avoir une jeune fille qui joue mon personnage à 14 ans, Alma Struve, sur le plateau avec une coach qui est tout le temps là pour elle. Quelqu’un qui, si Alma n’arrive pas à dire « non » à un réalisateur sur une scène à tourner, peut être sa porte-parole auprès de l’équipe. Ça a été une découverte pour moi. J’ai même été fascinée. J’aurais adoré pouvoir avoir quelqu’un pour m’aider sur les tournages quand j’étais une jeune fille…
En savoir plus :
- Le programme complet du festival de Deauville 2023 est disponible sur le site internet de l’événement.
- Site officiel d’Arte