Dernière mise à jour : janvier 16th, 2024 at 09:47 pm
Madame Hofmann est le nouveau documentaire de Sébastien Lifshitz. En s’appuyant sur le portrait de Sylvie, cadre infirmière en fin de carrière, le réalisateur d’Adolescentes dresse un portrait chaotique de l’hôpital public. Rencontre avec la protagoniste du film à l’occasion du Festival CitéCiné de Carcassonne.
Rencontre avec Sylvie Hofmann au Festival CitéCiné
Bulles de Culture : Comment vous sentez-vous en présentant le film “Madame Hofmann” de Sébastien Lifshitz dans le cadre du Festival CitéCiné de Carcassonne ?
Sylvie Hofmann : J’adore observer les réactions du public qui découvre le film. Cela me plaît énormément, car entendre les rires de mes infirmières à l’écran ou les voir danser, c’était ma vie quotidienne avant que je prenne ma retraite. Ainsi, il est important de montrer au public non seulement des images tristes, mais aussi de lui faire comprendre que l’hôpital peut être un lieu propice à la joie. Bien que j’aie déjà visionné le film, j’ai délibérément assisté à la projection hier pour ressentir les réactions dans la salle.
Bulles de Culture : Dans le film, on observe que votre mère était déjà infirmière. L’envie d’exercer ce métier émane-t-elle d’elle ?
Sylvie Hofmann : Je ne pourrais pas vous dire comment cette envie est née, mais elle est bien présente. Il est vrai qu’à la maison, ma mère évoquait souvent l’hôpital, même si ce n’était pas toujours de manière positive. Malgré cela, j’ai choisi d’y aller. C’est un chemin de vie.
Bulles de Culture : À quel moment l’aide que vous apportez aux patients devient-elle plus prédominante que les contraintes et les difficultés de l’hôpital ?
Sylvie Hofmann : Nous sommes des êtres humains. Ainsi, l’aspect primordial est d’agir dans l’humanité, la bienveillance et le soutien. Personnellement, j’essaie toujours de me dire que tel patient pourrait être l’un de mes enfants.
“On se retrouve à l’hôpital à éteindre les incendies”
Bulles de Culture : Que pensez-vous des conditions actuelles de l’hôpital public ?
Sylvie Hofmann : Désastreuses ! Quand vous devez faire fonctionner un service, par exemple avec deux infirmières et deux aides soignantes, et que vous enlevez une infirmière, comment voulez-vous que celles qui restent puissent prodiguer des soins de qualité ? Je répète souvent qu’on se retrouve à l’hôpital à éteindre les incendies, c’est-à-dire à administrer les soins d’urgence. Si un patient a besoin que quelqu’un lui tienne la main pendant cinq minutes pour pleurer, on n’a pas le temps. C’est tragique de devoir dire “non” parce qu’on manque de temps, alors qu’au fond de soi, on souhaite offrir ce réconfort. À l’hôpital, il y a une charge physique importante dans les soins pour les soignants, mais également une charge mentale considérable.
Bulle de Culture : Comment avez-vous vécu la période de la COVID, qui est en ouverture au film de Sébastien Lifshitz ?
Sylvie Hofmann : Je l’ai perçue comme une période de guerre. Nous faisions tout ce qui était en notre pouvoir pour sauver des vies. Les mesures visant à éviter les contaminations étaient strictes, mais il était difficile de lutter contre une épidémie d’une telle envergure. À un moment donné, j’ai craint de perdre le service et mes patients. Malgré les précautions avec les tests PCR, le virus se propageait à l’intérieur de l’hôpital. Durant cette période, j’ai constaté des absurdités, une épuisement, et surtout, un manque de reconnaissance.
“Avec ce gêne, ont vit un peu avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête”
Bulle de Culture : Dans le film, il est abordé les avancées de l’oncogénétique ayant permis de déceler un gêne prédisposant à la venue de cancers du sein et des ovaires chez les femmes. Vous êtes porteuse de ce gène. Quel conseil donneriez-vous aux personnes dans la même situation que vous ?
Sylvie Hofmann : Il est difficile de donner un conseil général. Dans le film, quand je pose la question à ma mère, elle exprime sa préférence pour affronter les cancers les uns après les autres plutôt que de subir l’ablation de ces parties du corps. Pour ma part, j’ai choisi de me faire opérer pour les enlever. Ma fille est également porteuse du gène, et je lui conseille de suivre mon exemple. Cependant, elle souhaite avoir d’autres enfants, ce que je comprends et respecte. Dans ce cas, l’élément crucial devient la prévention par des examens réguliers. Avec ce gêne, ont vit un peu avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Néanmoins, je relativise en ayant pris conscience, de par mon métier, que chacun vit un peu avec une telle menace au-dessus de soi.
Bulles de Culture : La retraite que vous décidez de prendre à la fin du documentaire vous a-t-elle laissé un vide ?
Sylvie Hofmann : Mais pas du tout ! C’est là que je me suis dit que ma vie commençait. Se lever le matin sans le réveil, sans stress, c’est le bonheur. Mon seul souci est de prendre mon café sur ma terrasse et de planifier mes voyages. J’ai l’impression de n’avoir pas réellement vécu jusqu’à aujourd’hui.
Bulles de Culture : On remarque que vous avez une relation importante avec votre chef de service. Vous êtes à la fois très respectueuse de son statut, mais vous n’avez pas votre langue dans la poche pour remonter les problématiques du quotidien..
Sylvie Hofmann : C’est ma façon d’être. Je ne peux pas faire preuve d’hypocrisie. Quand quelque chose ne me convient pas, je le dis, et une fois que c’est fait, je me sens mieux. Lorsqu’il m’a demandé de ne pas prendre mes jours de congés avant ma retraite, j’ai immédiatement répondu que j’avais déjà offert ma vie à l’hôpital, et que c’était largement suffisant. Il ne comprenait pas. Il me disait : “Vous allez être en vacances toute votre vie !“. Certes, mais le plus tôt sera le mieux.
Entretien réalisé le 14 janvier 2024 à Carcassonne
En savoir plus :
- Festival CitéCiné de Carcassonne du 11 au 15 janvier
- Date de sortie du Film : 10/04/2024
- Distributeur : Ad Vitam
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