L’édition 2023 du Festival “De l’écrit à l’écran” à Montélimar, qui s’est déroulée du 22 au 28 septembre, s’est clôturée hier soir dans un Palais des Congrès comble. A cette occasion, Le Procès Goldman de Cédric Kahn a reçu le Prix du Jury Presse. Nous avons rencontré les deux acteurs principaux du film, Arieh Worthalter, qui incarne Pierre Goldman, et Arthur Harari, qui joue le rôle de Georges Kiejman, l’avocat de la défense.
« Cédric n’est pas quelqu’un qui a “l’envie de” »
Bulles de Culture : Qu’est-ce que Cédric Kahn vous a raconté du film lors des essais ?
Arieh Worthalter : Lorsqu’on a fait une lecture, Cédric a peu parlé. Il a simplement expliqué la simplicité avec laquelle il voulait raconter cette histoire, sans rentrer dans des complications. Pour lui, on faisait un le récit d’un procès et on n’était pas en train de faire un biopic sur des gens qui avaient existé. Ça, c’était très important dans la discussion que j’ai eue avec lui.
Arthur Harari : Cédric n’est pas quelqu’un qui a “l’envie de”. C’est un homme d’action, très intelligent. Évidemment, moi, je connaissais bien l’histoire de Goldman. Mes parents l’ont connu car ils étaient dans la même organisation politique. Moi, j’avais lu le livre de Pierre Goldman. Ce qui m’a frappé en lisant le scénario, c’est que le point de vue de Cédric était uniquement centré sur le procès. C’était une vision parfaite selon moi car ce moment judiciaire permet une mise à distance avec le personnage de Goldman, et de tout autre considération politique ou religieuse, tout en étant hyper impliqué émotionnellement et thématiquement.

« on est dans une redondance perpétuelle des questions sociétales »
Bulles de Culture : Pour vous, quelles sont les valeurs qui résultent de cette affaire médiatique ?
Arieh Worthalter : L’affaire nous éclaire sur le fait qu’on est dans une redondance perpétuelle des questions sociétales. Que ce soit la violence policière, les crimes antiracistes, on est toujours dans les mêmes débats, les mêmes questions que dans les années 70.
Arthur Harari : J’ai vraiment eu la sensation pendant une grande partie de ma jeunesse que quelque chose au rapport à l’histoire s’était complètement endormie, un peu apaisée. Je parle encore une fois en tant que fils de militants d’extrême gauche qui eux-mêmes avaient vu la possibilité de la révolution s’éloigner. Dans la période actuelle, une partie de la société se sent connectée à la possibilité d’écrire son histoire. Les tensions remontent aujourd’hui. Le film ne montre que des tensions qui ne cessent de s’exprimer. En cela, le film est un dialogue entre le passé et l’aujourd’hui.
LC : En incarnant des personnages existants, allez-vous chercher le mimétisme ou au contraire le détachement ?
Arieh Worthalter : Le mimétisme est impossible puisque la personne n’existe plus.
Arthur Harari : Il n’y a aucun document, même sonore, qui reste de Pierre Goldman ?
Arieh Worthalter : Il y a une ou deux images mais tu ne peux rien construire par rapport à cela. Par contre, j’ai essayé de ne pas inventer n’importe quoi. Je me suis basé sur le scénario et sur le livre de Pierre Goldman. Dans ce dernier, il se raconte de l’intérieur. J’ai essayé de construire mon personnage de la manière dont il se raconte.
Arthur Harari : Moi, c’est un peu différent parce qu’il était vivant au moment du tournage [Kiejman est mort en mai 2023]. Je l’ai rencontré une fois avant le tournage et une fois après. Il y a également des archives générales visibles sur le site de l’INA dans laquelle on le voit plaider. Je suis tombé sur des images de lui à la fin des années 60, donc avant le procès. Il était très jeune. Il n’avait même pas encore de moustache. C’était lors d’un plateau télé où on lui demande de faire semblant de plaider. C’est assez génial parce que j’avais pour le coup la possibilité de voir Kiejman à peu près à l’âge auquel je devais l’interpréter. Je me suis rendu compte par la suite que le mimétisme ne m’intéressait pas beaucoup. Il fallait que je cesse d’avoir conscience que mon personnage était quelqu’un qui avait existé.
Arieh Worthalter : Si tu réalises un biopic sur le personnage de Kiejman, par exemple, alors c’est peut-être plus intéressant d’aller chercher le mimétisme. Mais là, ce n’est ni un film sur Pierre Goldman, ni un film sur Kiejman. C’est un procès.
En savoir plus :
- La critique du film Le Procès Goldman
- Retour sur l’édition 2023 du Festival “De l’écrit à l’écran” de Montélimar