Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
Ouistreham d'Emmanuel Carrère affiche film cinéma
Affiche du film "Ouistreham"

Critique Cannes 2021 / “Ouistreham” : Juliette Binoche dans la peau de Florence Aubenas

Dernière mise à jour : juillet 3rd, 2023 at 10:54 pm

Ouistreham a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 2021. Le film d’Emmanuel Carrère avec Juliette Binoche est l’adaptation du livre Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas, dans lequel la journaliste suit le quotidien d’agents d’entretien travaillant dans la ville de Normandie. La critique et l’avis film Bulles de Culture.

Synopsis :

Marianne Winckler (Juliette Binoche), écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.

Une immersion dans la précarité de Ouistreham

Ouistreham d'Emmanuel Carrère photo film cinéma
Hélène Lambert, Juliette Binoche dans le film “Ouistreham” © Christine Tamalet

Le romancier Emmanuel Carrère revient donc à la réalisation 16 ans après La Moustache. Pour son nouveau film Ouistreham, l’écrivain, lui-même adapté quatre fois au cinéma, a dû convaincre Florence Aubenas de céder les droits sur son livre Le Quai de Ouistreham.

La journaliste, d’abord réticente, de peur qu’on déforme la relation qu’elle avait eu avec les personnes rencontrées pour son livre, a finalement cédé aux multiples sollicitations de Juliette Binoche. L’actrice souhaitait vraiment que le film puisse se faire.

Une fois les droits obtenus, Emmanuel Carrère construit son long métrage non comme un documentaire mais comme une fiction de la réalité dans laquelle les états d’âme de sa protagoniste sont mis en avant, alors qu’ils étaient absents du livre original.

Juliette Binoche interprète sans artifice et sans maquillage cette écrivaine en immersion dans une équipe de femmes de ménage avec lesquelles elle se lie d’amitié.

En rentrant dans leurs vies, son personnage de Marianne s’enferme dans un mensonge et une culpabilité desquels elle ne peut plus sortir. Le sentiment de trahison devient palpable. Pour ne pas se faire démasquer, la protagoniste est en effet obligée de jouer un jeu, partageant, par exemple, un plein d’essence avec sa collègue et la privant ainsi de 23 euros, somme dérisoire pour la journaliste.

Un casting de non professionnelles époustouflantes

Ouistreham image film cinéma
Juliette Binoche, Hélène Lambert, Didier Pupin, Léa Carne, Patricia Prieur, Evelyne Porée, Emily Madeleine dans le film “Ouistreham” © Christine Tamalet

Si Juliette Binoche est comme toujours étonnante de justesse, elle se fait voler la vedette par un casting d’actrices non professionnelles.

Parmi ces comédiennes novices, évoluant réellement dans ces milieux précaires, il y a l’épatante Hélène Lambert, qui met toute sa fougue dès sa première scène où elle fait une esclandre dans un centre de Pôle Emploi, parce qu’elle n’a pas reçu les aides escomptées pour nourrir ses trois enfants.

Certaines actrices, qui prennent part à l’aventure cinématographique, ont même participé au livre de Florence Aubenas, comme Emily Madeleine (Justine) et Evelyne Porée (Nadège).

Dans la construction de Ouistreham, on pense forcément à l’univers de Ken Loach. Mais Emmanuel Carrère ne se concentre pas uniquement sur ces instants de labeurs où les filles doivent nettoyer tout un ferry en l’espace d’à peine une heure trente. Le réalisateur choisit aussi d’insérer beaucoup de positivité à travers des moments de complicité démontrant que derrière cette précarité, le rapport humain prédomine et que des liens forts se créent dans cette équipe. Les moments de rigolades sont bien présents, notamment quand l’une d’entre elles organise son pot de départ.

Notre avis ?

Ouistreham est une fiction à l’orée du documentaire, avec une veine réaliste. Son côté classique un peu trop prégnant est contrebalancé par le sujet qui permet une véritable prise de conscience.

Grâce à Emmanuel Carrère, le regard porté sur ces agents d’entretien ne sera plus jamais le même. On en connait désormais le mérite et les sacrifices qu’ils sont obligés de faire.

Si la proposition cinématographique ne reste pas forcément, le message de bienveillance est, quant à lui, désormais bien ancré.

En savoir plus :

Antoine Corte

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.