Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
<i>Concerning Violence</i> (2014), au cœur des ténèbres / heart of darkness 1 image

Concerning Violence (2014), au cœur des ténèbres / heart of darkness

Dernière mise à jour : juin 6th, 2015 at 12:04 pm

<i>Concerning Violence</i> (2014), au cœur des ténèbres / heart of darkness 2 image
Concerning Violence est un film coup de poing, dans lequel les mots de Frantz Fanon – psychiatre et écrivain français ayant analysé le processus de colonisation et de décolonisation – résonnent avec modernité, slamés par la chanteuse afro-américaine Lauryn Hill. Les films militants se font rares sur nos écrans et celui-ci retient toute notre attention.

Concerning Violence is a stunning film, in which the words of Frantz Fanon – French writer and psychiatrist who analyzed the process of colonization and decolonization – are still modern as they are slammed by African-American singer Lauryn Hill. Activist movies are now rare in theaters and this one holds our attention.

More in English >> (Translation in progress, come bubble later)

« Le colonialisme n’est pas une machine à penser, n’est pas un corps doué de raison. Il est la violence à l’état de nature et ne peut s’incliner que devant une plus grande violence » (Franz Fanon, Les Damnés de la Terre , 1961).

Au travers des textes de Fanon, Concerning Violence met en image des archives et plusieurs entretiens, retraçant ainsi l’histoire des peuples africains et leurs luttes pour la liberté et l’indépendance.
La modernité du parti pris esthétique de Concerning Violence offre au public une nouvelle analyse des mécanismes du colonialisme, permettant une autre lecture des origines des conflits actuels.

Au cœur des ténèbres

<i>Concerning Violence</i> (2014), au cœur des ténèbres / heart of darkness 3 image
© Happiness Distribution

Un pré, des vaches, quelques arbres… et un hélicoptère. Coups de feu. Les vaches s’écroulent à terre. Une des premières scènes de Concerning Violence fait immédiatement penser à Apocalypse Now, sauf qu’ici la violence est réelle, elle est nue, elle est documentaire. Tournées en Afrique par des cinéastes suédois radicaux pendant la période de la guerre froide, les bobines qu’a utilisées Göran Hugo Olsson redonnent vie à la violence coloniale et à la décolonisation. Leur nature documentaire est habitée par des passages des Damnés de la terre – dernier ouvrage de Frantz Fanon –, magnifiquement dits par la voix de Lauryn Hill.

Redécouvrir ces propos et ces images qui ont plus de 50 ans nous permettent-ils de lire autrement le présent ? C’est l’intention de ce film engagé, où la force des scènes filmées alliées à un texte visionnaire repose les bases de notre monde : si l’opposition entre le colon et l’indigène n’a plus cours, le bras de fer entre les puissantes multinationales et les hommes qui vivent sur les terres qu’elles convoitent pour leurs matières premières dessine toujours le contexte géopolitique actuel.

<i>Concerning Violence</i> (2014), au cœur des ténèbres / heart of darkness 4 image
© Happiness Distribution

Les images et les sons de Concerning Violence restent longtemps en tête et vous serez nombreux à vouloir lire ou relire Les damnés de la terre après avoir vu le film. Et comment ne pas nous replonger dans la pensée d’un homme qui, analysant le processus colonial et les débuts de la décolonisation, supplie les dirigeants des nouvelles nations de ne pas imiter l’Europe ? « Il y a deux siècles, une ancienne colonie européenne s’est mis en tête de rattraper l’Europe. Elle y a tellement réussi que les États-Unis d’Amérique sont devenus un monstre où les tares, les maladies et l’inhumanité de l’Europe ont atteint des dimensions épouvantables ».

Mais le livre de Fanon, tout en étant visionnaire, décrit un monde où les rapports de force sont des rapports masculins. Or, le film d’Olsson s’ouvre sur une préface lue par son auteure, Gayatri Chakravorty Spivak, connue pour son essai Les subalternes peuvent-elles parler ?, texte fondateur de la pensée post-coloniale.

La parole masculine de Frantz Fanon est donc portée par deux voix féminines – celle de Spivak et celle de Lauryn Hill – qui nous accompagnent dans ce voyage dans le temps, pas si lointain, où se préparait notre présent. En cela, le film réincorpore la question du rapport entre les hommes et les femmes à celle des violences humaines et nous met en mouvement : le pont entre hier et aujourd’hui est subtilement renforcé. Concerning violence est un film complexe.

Olivier D.

En savoir plus :
http://www.happinessdistribution.com/catalogue/164-concerning-violence (site officiel du distributeur)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.