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S.O.S. Fantomes affiche

Critique / “S.O.S. Fantômes” (2016) : un reboot hanté par les studios

Dernière mise à jour : octobre 26th, 2020 at 09:31 pm

L’exorcisme de Paul Feig

Producteur, réalisateur et co-scénariste de ce nouveau S.O.S. Fantômes, Paul Feig avait l’assise idéale pour tenir les studios et défendre l’intégrité de son film face aux quelconques préoccupations démagogiques ou commerciales. Mais cette opposition romantique entre l’avarice des studios et l’intégrité du réalisateur reflète mal une réalité bien plus compliquée.

Car Paul Feig est un réalisateur pragmatique qui comprend et accepte pleinement les enjeux commerciaux d’un tel projet et ses implications. C’est ce qu’il explique dans une interview donné au New York Times en juin 2016 : “Les studios font des films pour faire de l’argent, et les cinéastes essaient de faire quelque chose pour divertir le public tout en rapportant de l’argent aux Studios”.

Paul Feig n’a pas tort de regarder la réalité en face. Mais sa vision du rôle de metteur en scène (divertir en faisant de l’argent) explique la tournure “surenchérisée” que prend le film. Paul Feig joue trop le jeu frileux des studios et le film en pâtit. Car c’est tout de même au réalisateur de se battre pour son film, pour proposer des gags plus osés, pour privilégier la dramaturgie et les personnages sur l’action et le pur divertissement…

La fabrication d’un bon blockbuster doit atteindre un juste équilibre entre l’aspect commercial et l’aspect dramaturgique du film. Et c’est le réalisateur qui doit garder cette balance à travers ses choix de mise en scène qu’il doit souvent défendre bec et ongles face aux studios. Dans cette “bataille”, Paul Feig n’a pas su imposer davantage de choix plus originaux, et donc plus risqués.

L’exemple le plus évident concerne le personnage loufoque et espiègle de Kate McKinnon. L’actrice est une “celesbien” réputée, c’est à dire une célébrité lesbienne — les américains sont décidément forts pour trouver des termes accrocheurs. Et son personnage dans S.O.S. Fantômes exprime une très légère ambiguïté comique en faisant un clin d’œil aguicheur à l’une de ses collègues. Mais cela ne va pas plus loin et le film passe clairement à côté de quelque chose d’original et pertinent avec un fort potentiel comique.

Questionné à ce sujet dans une autre interview donnée à The Daily Beast en juillet 2016, à savoir si le personnage de Kate est homosexuel, Paul Feig répond avec prudence : “A votre avis ?”. La vérité est que les studios ne voulaient pas prendre le risque d’avoir en plus d’un cast féminin, une chasseuse lesbienne. Ce que le réalisateur avance un peu plus franchement : “Je n’aime pas être timide à ce sujet, mais quand on a affaire avec les studios et ce genres de choses…”

Le réalisateur touche là le fond du problème. La spécialité de sa mise en scène est basée sur l’improvisation de ses actrices, aux personnalités toujours proche de leurs alter egos. En privant Kate de jouer avec tout cet aspect de sa personnalité, Paul Feig se tire une balle dans le pied. Cet exemple illustre la position du réalisateur qui cède finalement aux craintes et à la frilosité des studios. La conséquence est imparable : S.O.S. Fantômes ne décollera finalement pas de son statut de reboot commercial.

Emilio M.

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