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[Critique] “J’appelle mes frères” par la Compagnie Les Entichés : Mais qui suis-je ?

Dernière mise à jour : avril 5th, 2019 at 01:06 am

Sous la direction de Mélanie Charvy, la Compagnie Les Entichés s’approprie la pièce de Jonas Hassen Khemiri, J’appelle mes frères. Une brillante réflexion sur la quête d’identité d’un jeune homme issu de l’immigration dans une ville venant d’être frappée par le terrorisme.

Synopsis :

“J’appelle mes frères et je dis : Il vient de se passer un truc complètement fou. Vous avez entendu ? Un homme. Une voiture. Deux explosions. En plein centre”. L’intrigue se situe à Stockholm. Amor (Aurélien Pawloff), jeune étudiant d’origine étrangère apprend que sa ville vient de subir un attentat terroriste. Entouré de ses proches (Paul-Antoine Veillon, Yasmine Boujjat, Millie Duyé), aux avis contradictoires, Amor est hanté par cette question : doit-il rester dans l’ombre, ou assumer pleinement d’être un fils de l’immigration ?

J’appelle mes frères : Tempête sur scène

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©‎ Aurore Bourgois Demachy

À l’instar de la ville plongée dans le chaos, le personnage d’Amor est tourmenté, agité, déchiré. L’attaque terroriste qui frappe Stockholm entraîne chez lui une véritable crise identitaire, qui, peu à peu, devient obsédante.

Le texte de J’appelle mes frères oscille sans cesse entre fiction et réalité, instant présent et mise en abyme, à l’image du cerveau torturé d’Amor. On le devine pourtant brillant dans ses études, on l’imagine bien intégré dans la société suédoise. Mais le regard d’autrui, porteur de suspicion, du seul fait de ses origines, déclenche chez Amor une vague de folie. Sur scène, le personnage perd doucement pied et sombre dangereusement vers la schizophrénie.

Qui est-il ? Qu’a-t-il de commun avec les terroristes ? Qu’a-t-il de différent ? Est-il traqué par la police ? Comment interpréter les regards dans la rue ? Finalement, est-ce lui l’assassin ?

Une mise en scène percutante

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©‎ Aurore Bourgois Demachy

La mise en scène de Mélanie Charvy restitue parfaitement l’atmosphère inquiétante et brumeuse qui entoure la ville et le personnage principal dans J’appelle mes frères : décors très sobres, pas d’effusion de couleurs.

Mélanie Charvy utilise la vidéo qui prolonge l’imprécision voulue entre la réalité crue et les questionnements erratiques d’Amor. Un parti-pris moderne donc qui convient parfaitement au thème et à l’ambiance de la pièce.

Le texte fiévreux de Jonas Hassen Khemiri est ainsi sublimé par les choix artistiques de Mélanie Charvy.

Une œuvre engagée ?

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©‎ Aurore Bourgois Demachy

Face à une telle pièce se pose nécessairement la question du message qu’a voulu transmettre, ou du moins suggérer, l’auteur. Amor appelle ses frères mais qui sont-ils précisément ? Plus encore, qui est-il, lui ?

Le texte de Jonas Hassen Khemiri met en lumière le malaise d’un jeune homme issu de l’immigration, sans cesse renvoyé à ses origines, dans un contexte délétère et tragique. La pièce dénonce en creux les amalgames, la défiance d’une société face à certains de ses membres et les rapprochements trop rapides aux conséquences dramatiques.

J’appelle mes frères donne à voir l’effondrement psychologique d’un homme, servi par un jeu d’acteur énergique, voire exubérant, mais qui paraît toujours très juste.

Cette jeune compagnie réalise là un travail audacieux.

Une réussite.

En savoir plus :

  • J’appelle mes frères au Centre Paris Anim’ Les Halles – le Marais (Paris, France) les 15 et 16 octobre 2015 à 20h
Agathe M.

Un commentaire

  1. Madame,

    J’ai eu la chance de découvrir ce texte lors de sa publication par le journal Dagens Nyheter. Il a été traduit et réécrit pour Libération après les attentats de Charlie Hebdo (http://www.liberation.fr/planete/2015/01/19/j-appelle-mes-freres_1184047) et surtout, publié aux éditions Actes Sud.
    Je crains un peu la mise en scène d’un texte aussi fracassant mais votre description me pousse à essayer tout de même. J’espère simplement qu’il n’y a pas que votre critique qui soit à la hauteur de ce texte.

    Jean Goldstein.

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