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Wild Bunch Distribution

Interview / Morgan Simon et Félix Lefebvre : “Une vie rêvée”

Sorti en salles le 4 septembre 2024, Une vie rêvée est le second long-métrage de Morgan Simon après Compte tes blessures (2016). Inspiré de sa propre mère, ce nouveau film dépeint le portrait d’une femme de cinquante ans (Valeria Bruni-Tedeschi), célibataire, sans emploi, surendettée et rejetée par son fils (Félix Lefebvre). Rencontre avec Morgan Simon et Félix Lefebvre.

« Il y a quelque chose de presque sacré dans la relation mère-enfant » (Morgan Simon)

Bulles de Culture : Morgan, dans votre premier film Compte tes blessures, vous exploriez la relation père-fils. Cette fois-ci, vous mettez l’accent sur la relation mère-fils. Pensez-vous que la dynamique narrative autour de la mère est plus forte ?

Morgan Simon : Oui, il y a quelque chose de presque sacré dans la relation mère-enfant, peut-être encore plus que la relation paternelle. Ma mère, pour moi, c’est la personne que j’aime le plus au monde. Je voulais aborder ce lien avec le plus de vérité possible, car il y a une responsabilité énorme à représenter sa propre mère, même de manière fictionnelle. Mon intention avec ce film était d’une certaine manière de la garder avec moi.

Bulles de Culture: Le film est parsemé de détails qui semblent si authentiques qu’on imagine qu’ils sont inspirés de faits réels. Est-ce le cas ?

Morgan Simon : Absolument, beaucoup de scènes viennent de la réalité. Par exemple, ma mère a vraiment voulu donner son corps à la science pour que je n’aie pas à payer les frais de son enterrement. Ce n’était certes pas comme cadeau de Noël, mais la fiction permet de pousser ces situations à l’extrême. Cette idée de sacrifice à l’extrême est l’un des moteurs du film. Si une mère en arrive à de telles décisions, c’est nécessairement qu’elle est prisonnière d’une relation presque trop fusionnelle avec son fils.

« Ce qui est beau dans le métier d’acteur, c’est cette capacité à mettre notre pudeur de côté » (Félix Lefebvre)

Bulles de Culture : Félix, jouer un fils en conflit avec sa mère demande une certaine mise à nu. Comment avez-vous abordé cette relation très intense à l’écran ?

Félix Lefebvre : Ce qui est beau dans le métier d’acteur, c’est cette capacité à mettre notre pudeur de côté. Il y a une phrase de Bob Dylan qui dit : “Quand on porte un masque, on peut dire la vérité”. En tant qu’acteur, on peut exprimer des émotions et des tensions qu’on garde parfois en nous dans la vie. J’ai une très bonne relation avec ma propre mère, mais la fiction m’a permis d’explorer des émotions extrêmes. C’est une relation très explosive que je n’ai jamais vécue personnellement, mais que j’ai pu rendre crédible grâce à la distance que la fiction permet.

Bulles de Culture : La mère de Morgan a-t-elle été impliquée d’une manière ou d’une autre pendant le tournage ?

Félix Lefebvre : Oui, c’était assez touchant. Le dernier jour de tournage, quand je suis arrivé, sa mère m’a pris pour Morgan. De mon côté, de loin, je pensais que c’était Valeria [Bruni-Tedeschi], qui joue ma mère dans le film. Il y avait un trouble, comme si tout s’était superposé. Et puis on tournait près de chez elle. Elle est même passée dans un plan en tant que figurante. Elle a bien vu l’amour et la sincérité que lui portait Morgan à travers le film.

Morgan Simon : Ca a été inattendu pour elle de voir à quel point tout le monde la regardait avec émotion. Elle y a vu beaucoup d’amour et ça l’a rassuré sur ce que j’étais en train de faire.

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Bulles de Culture : Valeria Bruni-Tedeschi ne vient pas du même milieu social que celui qu’elle interprète dans le film. Comment a-t-elle abordé ce rôle ?

Morgan Simon : Le choix de Valéria pour le rôle était inattendu, même pour moi. Valeria a vraiment incarné ce personnage, elle s’est imprégnée de l’humilité et de la discrétion de ma mère. Sur le plateau, elle s’excusait presque d’être là. Elle a réussi à capter cette énergie, et c’était vraiment touchant.

« Quand une femme sort de son rôle traditionnel, elle est souvent jugée » (Félix Lefebvre)

Bulles de Culture : On retrouve une résonance entre Une vie rêvée et les œuvres littéraires d’Édouard Louis. Connaissez-vous ses écrits ?

Morgan Simon : Oui, j’ai découvert Qui a tué mon père ? grâce à un ami, et cela a été un choc. J’ai envoyé mon premier film à Édouard, et il m’a répondu. Depuis, nous avons travaillé ensemble sur un court-métrage. Nos œuvres se rejoignent sur le plan des thèmes, comme les dynamiques familiales et sociales. Ses livres sur sa mère m’ont particulièrement touché, car ils traitent de sujets similaires.

Félix Lefebvre : C’est vrai que ses écrits résonnent avec le film, surtout sur la question de l’amour et du regard des autres. Une phrase m’a marqué dans l’un de ses livres: “Pourquoi, dès que je suis heureuse, les gens m’en veulent ?” Je crois que c’est très proche de ce que raconte le film de Morgan. Quand une femme sort de son rôle traditionnel, elle est souvent jugée, et c’est exactement ce que l’on explore dans le film.

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Antoine Corte

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