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Interview / Katell Quillévéré, réalisatrice du film “Le Temps d’aimer”

Sept ans après Réparer les vivants (2016), Katell Quillévéré revient avec son quatrième film Le temps d’aimer une fresque mélo dramatique où Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste forment un couple à travers les âges. Le film est dans les salles depuis mercredi. Notre rencontre avec la réalisatrice.

« Le temps d’aimer » : Katell Quillévéré parle du couple dans un drame romantique bouleversant

BdC: Pour commencer, pourriez-vous nous parler de la genèse du projet ?

Katell Quillévéré: Le film a émergé de mon histoire personnelle, centrée sur ma grand-mère, une figure très proche de moi. Depuis mon enfance, elle laissait transparaître l’existence d’un secret, mais m’interdisait d’enquêter. Il a fallu du temps et l’intervention de mon compagnon pour confronter cette vérité. Elle avait plus de 80 ans lorsque son histoire a émergé : une relation avec un soldat allemand durant l’Occupation, à 17 ans. C’était sa première histoire, la menant à une maternité précoce et un bouleversement total de sa vie. Le film part de là, puis devient une fiction que nous avons élaborée avec Gilles Taurand, explorant la dynamique du couple à partir de mon histoire familiale.

« la société érigeant des modèles exclusifs, marginalisant ceux qui n’y correspondent pas »

BdC: Vous évoquez un sentiment de honte concernant cette histoire. Comment cela s’est-il forgé ?

Katell Quillévéré: La société, comme le montrent les archives du début du film, a contribué à construire cette honte, amplifiant le traumatisme pour les femmes qui l’ont vécu. C’est un phénomène systémique, la société érigeant des modèles exclusifs, marginalisant ceux qui n’y correspondent pas. Ma grand-mère a vécu une humiliation intense, hantée toute sa vie par cette honte. “Le Temps d’aimer” explore ce cheminement pour dépasser cette culpabilité et s’autoriser à aimer l’enfant dont est issu l’union traumatique.

BdC: Les images d’archives jouent un rôle crucial. Comment les avez-vous sélectionnées ?

Katell Quillévéré: Nous avons mené des recherches approfondies avec des documentalistes, explorant diverses archives françaises, anglaises et américaines. Certaines images, montrant des femmes tondues, sont inédites, jamais révélées au public.

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BdC: Votre choix des acteurs principaux a-t-il été instinctif ?

Katell Quillévéré: L’écriture ne s’est pas faite en pensant aux acteurs, mais Vincent Lacoste et Anaïs Demoustier se sont rapidement imposés grâce à notre directrice de casting. Ils sont des figures puissantes de leur génération, apportant une distance intéressante avec mes personnages. J’aime les propositions inattendues lors du casting, permettant de révéler un potentiel différent chez les acteurs.

BdC: Paul Beaurepaire, qui incarne le jeune protagoniste, est remarquable. Comment l’avez-vous découvert ?

Katell Quillévéré: Paul est exceptionnel, je le considère comme notre Leonardo DiCaprio national. Il a été révélé dans la série Le monde de demain où nous avons été impressionnés par sa performance. Pour ce film, bien qu’inexpérimenté, il a surpassé mes attentes dans son tout premier rôle.

« Pour moi, le couple est une fiction »

BdC: Votre film aborde la notion de couple. Quelle réflexion avez-vous menée à travers cette thématique ?

Katell Quillévéré: Pour moi, le couple est une fiction, une folie à deux, comme le disait le philosophe Roland Barthes. C’est une rencontre inconsciente entre deux personnes cachant des secrets, s’engageant dans une histoire où elles se protègent sans jugement. J’apprécie la notion de durée dans le couple, explorant comment il surmonte les épreuves, évolue et s’adapte.

BdC: La forme du film évolue au fil de la narration, marquant les époques. Comment avez-vous travaillé cette progression ?

Katell Quillévéré: La caméra à l’épaule tout au long du film vise à éviter l’enfermement dans une époque précise, offrant une modernité à l’histoire. La mise en scène varie, reflétant l’évolution des personnages, avec une forme plus posée et classique vers la fin, surtout dans la partie mélodramatique.

BdC: Enfin, la Bretagne est un décor central. Quel lien entretenez-vous avec cette région ?

Katell Quillévéré: En tant que Bretonne, ce décor a une résonance particulière. La rencontre de mes grands-parents s’y est déroulée. Les paysages bretons, romantiques et tourmentés, offraient un cadre idéal. La découverte du restaurant a scellé le choix de ce lieu pour une partie significative du film.

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 29/11/2023
  • Distribution France : Gaumont
Antoine Corte

2 Commentaires

  1. Je suis entré en salle de projection par hasard, à la sortie du récital filmé de Maria Callas en 1958.
    J’ai été pris de suite par cette histoire. Ces personnages plutôt improbables, on y croit.
    Les acteurs sont épatants, tout en sensibilité et retenue.
    Bravo à Quillévéré, c’est une oeuvre qui restera.

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