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© Luigi Lattuca

[INTERVIEW] Bruno Madinier et Davy Sardou : “La pièce ‘Les Vœux du Cœur’ ne donne de leçon à personne !”

Dernière mise à jour : mai 26th, 2020 at 05:01 pm

Bulles de Culture a rencontré Bruno Madinier et Davy Sardou à Bruxelles il y a quelques jours. En cette fin d’année 2016, ils assurent encore quelques dates pour la tournée de la pièce Les Vœux du Cœur, présentée une première fois au Théâtre La Bruyère à Paris d’août à décembre 2015. 

Synopsis :

Dans Les Vœux du Cœur, Brian (Davy Sardou) et Tom (Julien Alluguette) veulent vivre leur amour au sein de leur église, mais se heurtent au refus du Père Raymond (Bruno Madinier). Quand Irène (Julie Debazac), la sœur de Brian, cherche à le convaincre, le prêtre se trouve à son tour confronté à un choix qui bouleverse ses convictions.

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Les Vœux du Cœur :
Rencontre avec Bruno Madinier et Davy Sardou

 

Bulles de Culture : Vous avez d’abord présenté Les Vœux du Cœur à Paris mais commencer par une tournée, ça vous est déjà arrivé ?

Bruno Madinier : Oui, ou par une seule ville de province comme Lyon, oui.

Davy Sardou : Je l’ai déjà testé également. Commencer par une tournée est très confortable. Non pas que Paris est plus difficile que la province mais la création est presque différente. Le public est peut-être plus ouvert… Il y a des régions de France, de Belgique et de Suisse qui sont réellement très accueillantes.

Bruno Madinier : Et puis, il y a beaucoup trop de spectacles à Paris ! (Il se penche vers le dictaphone) Beaucoup, beaucoup trop ! (Rires)

Davy Sardou : Et avec deux spectacles qui se suivent dans certains théâtres, on est dans un formatage terrible alors qu’on touche quasiment à la création absolue sur scène. On formate le cerveau ou c’est le spectacle qui s’adapte au cerveau ? A une époque, on pouvait se concentrer sur un livre très long alors que maintenant les éditeurs dictent la longueur des chapitres !

Bruno Madinier : Si les gens sont passionnés par ce qu’ils font ou ce qu’ils entendent, le temps n’a aucune importance. Par contre, si c’est un peu chiant, le temps a de l’importance.

Davy Sardou : C’est le fameux théorème d’Einstein : « Asseyez-vous à côté de la femme que vous aimez pendant une heure et ça vous paraîtra une minute. Mais si vous mettez une main sur une poêle à frire, ça vous paraîtra une heure ».

Bulles de Culture : Davy, dans Les Vœux du Cœur, vous incarnez un homosexuel et la pièce a été lancée juste après le vote sur la loi autorisant les personnes de même sexe à se marier en France. Ça a fait du bruit ? Des comités anti-mariage gay sont venus ?

Davy Sardou : On les a invités pour faire avancer le débat ! Les Vœux du Cœur est arrivée après le vote de la loi et l’animosité urbaine avait déjà eu lieu. A l’époque où ça a démarré à Paris, ça s’était calmé après le très grand débat de société organisé. Des hauts membres de l’Église catholique se sont déplacés, des associations d’homosexuels catholiques, des associations qui étaient contre le mariage… La pièce n’est pas là pour donner des leçons et désigner qui a tort et qui a raison. Elle est plus sur l’engagement – tous les personnages sont tiraillés – que sur l’autorisation de se marier quand on aime quelqu’un du même sexe que soi.

Bruno Madinier : L’argument de départ, c’est le mariage pour tous mais la question centrale est de savoir ce qu’on va faire pour respecter son engagement et à quoi doit-on faire face pour le maintenir vis-à-vis de quelqu’un ou vis-à-vis de sa religion ? Doit-on sans cesse persister dans ses choix ou les adapter ?

Davy Sardou : Dans Les Vœux du Cœur, une femme indépendante et courageuse réalise un certain choix de vie et tombe amoureuse de quelqu’un à l’opposé de ses convictions. Et un curé ayant choisi Dieu s’interroge lui aussi.

“Je ne sais pas si je suis croyant”

 

Bulles de Culture : Êtes-vous croyants ?

Davy Sardou : Oui, je le suis. Croyant mais pas pratiquant, ou du moins à ma manière.

Bruno Madinier : Moi, je ne sais pas…

Davy Sardou : C’est une belle réponse. (Rires)

Bruno Madinier : Mais on aimerait tous que ça marche derrière. (Rires)

Davy Sardou : Pas mal de personnes sont assez pragmatiques et vivent très bien avec ça.

Bruno Madinier : Mais, en même temps, même s’il n’y a rien après, la religion a un rôle dans la société qui est de transmettre théoriquement des valeurs positives, même si pas mal d’entre elles ont été détournées au cours du temps et de l’histoire. Elles sont mêmes devenues des engagements politiques ! Si elles arrivent déjà à diffuser des valeurs dans la société, pourquoi pas. Ça a un impact positif.

Lorsqu’on a joué Les Vœux du Cœur au Théâtre La Bruyère en 2015, des gens de tous horizons sont venus nous voir et la pièce a provoqué pas mal de discussions animées après. Pas mal de gens catholiques m’ont confié qu’elle avait amené pas mal de sujets sur la table lors de dîners et qu’elle les avait animés ! La pièce est divertissante mais fait réfléchir une fois sorti de la salle. Lors de la dernière scène, je prononce un sermon. Des gens m’ont avoué avoir pleuré à ce moment-là !

Davy Sardou : Et puis, beaucoup de gens peuvent se dire : « Je ne suis pas concerné car pas croyant et pas homosexuel donc pourquoi j’irais ? » Mais la réalité de la pièce fait qu’on s’y retrouve. On parle surtout du sentiment humain de s’engager dans quoi que ce soit. Les Vœux du Cœur va cueillir les spectateurs qui viendront : ils vont se retrouver et être touchés par des personnages qui, au naturel, ne seraient pas proches d’eux.

Bruno Madinier : La pièce ne tranche pas et représente tous les points de vue à travers ses quatre personnages. Par exemple, un homosexuel est totalement en rébellion et l’autre s’interroge sur son abstinence très mal comprise par son compagnon.

Bulles de Culture : En regardant la liste des villes par lesquelles vous êtes passés ou par lesquelles vous allez passer avec Les Vœux du Cœur, certaines sont-elles aux mains du Front National qui a du mal avec ces sujets ?

Bruno Madinier : Ce n’est pas une énorme tournée alors que c’est un spectacle avec une très bonne presse. Je pense que le sujet a fait peur à plein de villes. Les directeurs de théâtre ont eu peur pour de mauvaises raisons. Tout en ayant aimé la pièce, ils se sont demandé ce qu’allaient penser les habitants de leur ville. Or, le spectacle n’est pas pesant et fait beaucoup rire.

Davy Sardou : C’est pour ça qu’il faut rendre hommage à André Baccichet, le directeur du Centre Culturel d’Auderghem, à Bruxelles. Il prend des spectacles engagés qui font peur à beaucoup de villes. Dans n’importe quel parti politique, on ne sait pas quoi faire avec certaines thématiques importantes.

Bruno Madinier : C’est pour ça que le théâtre est important, c’est un endroit d’engagement avec des paroles d’auteurs importants. Si on ne laisse partir en tournée que du vaudeville, on rabaisse le niveau général de l’offre théâtrale.

Davy Sardou : Qui est important aussi. On a beaucoup besoin de ça aussi, se divertir grâce à des pièces légères mais il faut faire la part des choses : proposer du divertissement et de la réflexion… comme André Baccichet à Bruxelles.

“C’est important de conserver
de la qualité dans le théâtre privé”

 

Bulles de Culture : Vous jouez Les Vœux du Cœur à Bruxelles en décembre et beaucoup de théâtres bruxellois ont opté pour une saison humoristique cette saison après les attentats à Paris et Bruxelles.

Davy Sardou : Bien sûr et on comprend car on constate, nous aussi, à Paris que les spectacles comiques sont ceux qui fonctionnent le plus.

Bruno Madinier : Pas que ! Je suis allé voir Edmond au Palais Royal d’Alexis Michalik qui n’est pas une comédie pur jus et qui cartonne quand même.

Davy Sardou : Mais en tournée, on voit beaucoup de comédies pures…

Bruno Madinier : Elles ne sont pas dangereuses. J’ai un discours militant par rapport à la qualité qu’on offre. C’est important de conserver de la qualité dans le théâtre privé, il ne faut pas toujours aller vers la facilité. On peut rencontrer le succès avec un spectacle à un niveau un peu plus épais.

Bulles de Culture : Et à propos de votre public, allez-vous parfois lire la presse du net qui compte de plus en plus ?

Davy Sardou : On fait très attention à cela car il y en a beaucoup et puis, c’est un excellent moyen de faire du bouche-à-oreille plus que les critiques. Les gens parlent de nous à une tablée ou vont déposer un petit mot gentil ou méchant sur internet s’ils n’ont pas aimé. Pour moi, ça s’apparente plus à une espèce de livre d’or qu’à une critique artistique. Mais il faut aussi se préserver de cela…

Bruno Madinier : On a eu des billets sur des blogs.

Davy Sardou : Et puis, eux ont l’espace et peuvent s’épancher. La place du théâtre dans la presse est assez restreinte. Les gens ne viennent pas vous dire qu’ils n’ont pas aimé après le spectacle mais on a les bons retours directement après une pièce donc, finalement, à quoi bon aller sur le net ? Et il y a un contact avec les comédiens que les gens apprécient… A Auderghem, j’ai vécu des rencontres formidables.

“C’est compliqué le rapport au public,
on ne peut pas être accessible tout le temps”

 

Bulles de Culture : Pousser les comédiens à aller voir le public après une pièce, c’est tendance à l’heure des réseaux sociaux ?

Bruno Madinier : Chacun fait comme il veut et c’est pareil pour les réseaux sociaux. Le cinéma créé de l’appétence par la distance alors que la télé essaie de créer de la proximité tout le temps alors que ça ne sert à rien. Il faut aussi créer un peu de distance pour que les gens aient envie. Je suis très partagé là-dessus.

Davy Sardou : Tout va très vite. Ce qui marque le plus les gens sont les artistes qui font partie des meubles et qui ont donné beaucoup pour créer des souvenirs. Ils ont marqué les gens, ces derniers ont tellement de souvenirs par rapport à leur carrière et pas par rapport à leurs images personnelles sur le net. Et il y avait moins d’occasions de rencontrer les vedettes !

Bruno Madinier : C’est compliqué le rapport au public, on ne peut pas être accessible tout le temps. Comme tout le monde a désormais un smartphone, vous êtes en représentation permanente et c’est chiant. C’est une dictature. Je vous donne un exemple : j’ai croisé un mec l’autre jour et il était accompagné de sa famille. En parlant très fort, il leur a dit : « Vous avez vu, c’est l‘acteur de machin ! ». Je me retourne pour dire bonjour et, presque offusqué, il leur dit : « On voit qu’il n’aime pas nouer contact rapidement. »

Davy Sardou : On vient de donner une interview radio et on s’interrogeait sur le fait de se faire filmer pendant qu’on parle dans un micro. A 8h du matin, on doit donc se faire maquiller pour se faire filmer afin de retransmettre cela à la télé ou sur le net.

Bulles de Culture : Après toutes ces réflexions, que pouvez-vous nous dire sur vos projets ?

Davy Sardou : Après les ultimes représentations des Vœux du Cœur, je suis à l’affiche d’une nouvelle pièce pour laquelle je démarre mi-novembre les répétitions : Hôtel des deux mondes, une pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt avec sept autres comédiens. Elle arrive en janvier 2017 au Théâtre Rive Gauche.

Bruno Madinier : J’ai aussi un projet théâtral mais non signé donc j’en parlerai plus tard. Rien à l’horizon concernant la télévision ou le cinéma mais ça pourrait arriver à tout moment.

Bulles de Culture : La question qui vous a poursuivi, c’est « à quand ‘Dolmen 2′ » ?

Bruno Madinier : Ce fut une erreur de ne pas le faire. Les auteures ont sorti un autre bouquin et il y avait donc matière.

Bulles de Culture : On dit que TF1 a fait réécrire plusieurs fois avant de l’éponge au bout de la 4ème fois.

Bruno Madinier : Ah bon ? C’est bien dommage…

Propos recueillis dans les locaux des radios Nostalgie, Chérie FM et NRJ Belgique à Evere (Bruxelles, Belgique).

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En savoir plus :

  • Les Vœux du Cœur » se jouera à Plaisir (France) le jeudi 10 novembre 2016, à Salon de Provence (France)le jeudi 1er décembre, à Douai (France)le lundi 5 décembre, à Cannes (France) le samedi 10 décembre et à Bruxelles (Belgique) au Centre Culturel d’Auderghem, les mardi 13, mercredi 14, jeudi 15, vendredi 16, samedi 17 et dimanche 18 décembre
  • Avec Davy Sardou, Julien Alluguette, Bruno Madinier et Julie Debazac
Luigi Lattuca
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