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© Khatia (Juda) Psuturi - Maneki Films / Easy Tiger / KAZAK PRODUCTIONS / Films Grand Huit

[Interviews] Vers un cinéma de guerre français ? Entretien avec Sophie Tavert et Gauthier Battoue

Dernière mise à jour : octobre 13th, 2020 at 06:39 pm

“On a des partis pris de mise en scène très tôt, et toute l’écriture est tournée vers la faisabilité du film”

MAD de Sophie Tavert Macian image cinéma film court-métrage
“MAD” de Sophie Tavert Macian © Julien Roche (photo de tournage)

Bulles de Culture : Comment fait-on un film de guerre avec un petit budget ?

Sophie Tavert : On a des partis pris de mise en scène très tôt, et toute l’écriture est tournée vers la faisabilité du film. J’ai écrit MAD en essayant de faire en sorte que chaque situation soit réalisable, ce qui est déjà très contraignant.

Le parti pris était le hors-champ, qui collait parfaitement à ce que j’avais envie de faire. Cela permettait d’être totalement dans l’intimité avec mes personnages, d’être auprès d’eux. Ça raconte aussi ce qu’est la violence, puisqu’on ne la voit jamais arriver, elle vous tombe toujours sur la figure. On ne sait jamais de qui ça vient, d’où ça va arriver. Ce parti pris de faisabilité permet de raconter en très peu de temps ce que peut être la violence dans un conflit armé.

Le film a été tourné à Villeurbanne et au Maroc. À Villeurbanne, on a tourné dans un quartier en destruction et à Casablanca, dans un quartier en construction.

Gauthier Battoue : France 2 nous a dit non au pré-achat car ils trouvaient le projet trop compliqué, trop cher et trop ambitieux. Après avoir vu le film, ils l’ont acheté en disant que le pari était réussi au niveau de la tension. Il y a un long-métrage en préparation dans le prolongement du court-métrage, également avec la productrice Jessica Rosselet de la société de production Easy Tiger.

Bulles de Culture : À quelle étape du long-métrage es-tu ?

Gauthier Battoue : J’en suis au traitement [NDLR : la rédaction du scénario], donc au début. Je suis parti au Liban pour de la documentation, j’y ai rencontré le directeur de l’AFP sur place, des combattants du Hezbollah, des gens de la Croix-Rouge, pour avoir tous les sons de cloche de ceux qui sont au plus près du conflit. À distance serait le début du film et après, comme dans 21 grammes, il y aurait une seule action mais plusieurs points de vue : celui d’un civil, d’un djihadiste et de pilotes de drones.

Dans À distance, l’action n’est volontairement pas située géographiquement. Ça aurait pu se passer en Irak comme en Afghanistan ou en Syrie. Et surtout, c’est basé sur de la documentation américaine, parce que les pilotes français n’ont pas le droit de tirer. Si jamais il doit y avoir une frappe, elle est ordonnée aux troupes au sol. Pour le long-métrage, je vais devoir adapter ça à un vrai sujet politique. L’idée n’est pas de faire une fiction pure comme pour le court, mais de faire un film un peu plus réaliste.

Les Filles du soleil a été le premier long-métrage de guerre français réalisé par une femme”

Les Filles du Soleil critique avis film photo Golshifteh farahani
“Les Filles du soleil” © Maneki Films

Bulles de Culture : Sophie, qu’est-ce que cela change que la réalisatrice ou scénariste soit une femme pour le financement d’un film de guerre ?

Sophie Tavert : Je pense que l’on a rencontré des difficultés à financer MAD en partie à cause de ça : parce qu’il n’y a pas de réalisatrices qui portent ce type de films. Eva Husson est l’une des rares à avoir réussi à le faire. Les Filles du soleil [ NDLR : ce film est sorti le 21 novembre 2018 au cinéma] est le premier long-métrage de guerre français réalisé par une femme. Elle s’est fait allumer par la critique au Festival de Cannes. Parfois, on se dit qu’un projet comme ça, c’est cool, étonnant, ça va accrocher, et parfois on se dit que c’est pour ça qu’on n’arrive pas à le financer. C’est à double tranchant. Cela fait quelques années que le CNC [NDLR : Centre national du cinéma et de l’image animée] est plus ouvert sur le genre mais malgré tout cela reste difficile. 

Juste avant la remise des prix du concours de scénario, j’ai croisé un membre du jury, et au détour de la conversation je lui ai dit : « J’ai participé au marathon, j’ai écrit un scénario, MAD ». Il m’a regardé avec de grands yeux et m’a répondu : « C’est toi qui a écrit MAD ? ». À la remise des prix, l’argument a été : un film qu’on a cru écrit par un homme et qui s’est révélé être écrit par une femme.

Bulles de Culture : MAD est-il un film de guerre ?

Sophie Tavert : Pour moi, ça a toujours été un film entre deux eaux. C’est un contexte de guerre, et dedans, une histoire intimiste entre deux personnages. C’est très immersif, on essaye de chercher ce qui se joue d’humain entre eux. 

Bulles de Culture : En tant que réalisatrice, vous dirigez-vous vers un cinéma de guerre ?

Sophie Tavert : J’écris un long-métrage qui continue de se situer dans un contexte de conflit armé parce que ça me parle. Mais c’est le contexte destructif qui m’intéresse, pas le genre.

Zoé Klein

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