Dernière mise à jour : mai 21st, 2020 at 10:15 am
Diffusé sur ARTE le dimanche 18 février 2018, Drive est le 8e film du réalisateur danois Nicolas Winding Refn et il a reçu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2011. L’avis de Bulles de Culture sur ce thriller coup de cœur avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Bryan Cranston, Ron Perlman, Christina Hendricks, Oscar Isaac et Albert Brooks.
Synopsis :
À Los Angeles, un jeune as du volant solitaire, Driver (Ryan Gosling), partage sa vie entre son emploi de mécanicien dans un garage, des cascades sur des tournages et des cambriolages occasionnels, dans lesquels il fait office de conducteur. Installé dans un nouvel appartement, il fait la connaissance d’Irene (Carey Mulligan), sa voisine, qui élève seule son enfant, Benicio (Kaden Leos), dont le père, Standard Guzman (Oscar Isaac), est en prison, et en tombe peu à peu amoureux. Mais lorsque le prisonnier est libéré, toute la famille se retrouve menacée, car celui-ci ne peut acquitter les dettes qu’il a contractées pour se protéger lors de sa détention. Pour effacer l’ardoise, le pilote accepte alors de jouer les chauffeurs dans un casse dangereux.
Drive : conte de fées et film noir
Histoire d’amour impossible sur fond de polar noir, Drive est une adaptation par le scénariste Hossein Hamini du roman noir éponyme de l’écrivain “hard-boiled” (littéralement “dur à cuire”) James Sallis. C’est aussi le premier film hollywoodien et la première adaptation d’une œuvre littéraire du réalisateur Nicolas Winding Refn. Comme l’acteur américain Lee Marvin qui avait choisi et imposé le réalisateur britannique John Boorman pour le Point de non-retour (1967), l’acteur américain Ryan Gosling a donné carte blanche à Nicolas Winding Refn. Ce qui a permis à celui-ci de réécrire totalement l’histoire avec le scénariste en y supprimant les flash-back du livre au profit d’un récit plus linéaire et en y mettant ses propres thèmes : “Ce projet n’a donc pas été monté de manière hollywoodienne traditionnelle. C’était très égalitaire. Notre idée, en gros, était celle d’un personnage qui est une voiture. Le livre était sous-tendu par un discours iconoclaste sur la mythologie hollywoodienne. Le premier scénario avait éliminé du roman le fait qu’il était cascadeur à Hollywood, que j’ai réintroduit. C’est une espèce d’ange exterminateur, les cadavres s’accumulant autour de lui, tandis qu’il poursuivait sa route – une version moderne du Jour du fléau, un récit populaire sur la mythologie du cinéma”, a ainsi confié Nicolas Winding Refn à Michel Ciment et Yann Tobin dans le magazine mensuel de cinéma Positif d’octobre 2011.
Et le réalisateur de continuer : “Drive est un récit contemporain auquel j’ai imprimé une structure de conte de fées. (…) Mon idée était d’avoir un preux chevalier, un serviteur, une belle dame innocente, un roi et un dragon”.
Une esthétique des années 80
Dans son utilisation de la musique et de la vitesse de défilement du film Drive, le cinéaste Nicolas Winding Refn a abordé de manière originale et marquante le genre très défini du film noir. Ainsi, en choisissant une bande originale — dont les tubes Nightcall de Kavinsky et Lovefoxx et A Real Hero de College feat. Electric Youth sont les fers de lance — et un visuel très années 80 — notamment les lettres roses bonbons des génériques de début et de fin —, Nicolas Winding Refn place son long métrage dans la lignée de films noirs comme Le Solitaire (1981) de Michael Mann, Police fédérale, Los Angeles (1985) de William Friedkin ou Driver (1978) de Walter Hill, voire même de séries télévisées comme Deux Flics à Miami (1984-1989) d’Anthony Yerkovich.
De même, il y a une tension permanente dans le film entre mouvement et durée, entre la rapidité qu’exige un film noir où le personnage doit toujours avoir un temps d’avance sur ses adversaires s’il veut pouvoir s’en sortir et la nécessité d’une lenteur pour créer une histoire d’amour entre deux êtres aux univers éloignés, le solitaire Ryan Gosling et la mère de famille Carey Mulligan. Et c’est notamment la force du prologue du film où le Driver, convoyant des cambrioleurs, accélère, ralentit, s’arrête et repart pour fuir la police. Ce sont ces dilatations/contractions qui créent la tension dramatique. Utilisation toute aussi intéressante de la figure du ralenti dans cette scène où Le Driver ramène pour la seconde fois Irene et Benicio chez eux et que le premier est filmé au ralenti de dos. Il y a en effet à ce moment-là quelque chose de la mélancolie baudelairienne dans ce ralenti dans le couloir. Rien n’est dit et pourtant tout de leur relation est sous-entendu : vivre l’instant avant qu’il ne disparaisse.
Drive : un film coup de cœur
Hommage, film de commande ou film de genre, Drive est un long métrage de fiction que le cinéaste Nicolas Winding Refn a su s’accaparer pour prolonger ses réflexions sur la violence au cinéma. En choisissant de calquer l’adaptation du roman éponyme de James Sallis sur une structure reconnaissable de contes de fées, Nicolas Winding Refn a pu travailler l’espace, le temps et les corps de son film pour construire un personnage protecteur de la veuve et de l’orphelin dans un univers sombre et urbain : “Drive est l’histoire d’un homme au cœur pur qui se transforme en super-héros pour protéger l’innocence, pour les bonnes raisons”, a confié le réalisateur dans un des bonus du DVD du film. En n’hésitant pas à suspendre le récit criminel par des ralentis, il surprend le spectateur et accroît par cette lenteur la sensation de vitesse véhiculée dans le film. Et en prolongeant les plans et en les ralentissant, il se joue de la lenteur pour aller au plus près d’un personnage mélancolique, solitaire et psychotique. Voici pourquoi Drive est un film coup de cœur de Bulles de Culture.
A noter que le romancier James Sallis a publié en 2012 une suite à son roman intitulée Driven. L’histoire est située sept ans après le premier opus.
En savoir plus :
- Drive a été diffusé sur ARTE le dimanche 18 février 2018 à 20h55