Sur Bulles de Culture, art, cinéma, littérature, musique, spectacles, télévision... chaque jour, la culture sort de sa bulle.
Potiki critique avis livre

Critique / “Pōtiki” (2021) de Patricia Grace

Très remarqué pour son dernier livre Chappy, en 2018, les éditions Au vent des îles  font reparaître le premier roman de Patricia Grace, Pōtiki, publié en France en 1993. Trente cinq ans ont passé depuis l’édition originale de 1986, mais le livre demeure d’une totale actualité. Tous ses autres romans reprennent la structure chorale de Pōtiki, véritable marque de fabrique de cette auteure néo zélandaise, d’origine maorie par son père et irlandaise par sa mère, âgée à l’époque de quarante neuf ans. La critique et l’avis. 

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Chris L..

Une culture ancestrale riche

Roimata vit à Te Ope au bord de la mer, avec Hemi Tahamina son mari et leurs quatre enfants. Trois seulement, James, Tangimoana, la fille, et Manu sont nés de leur union. Le quatrième est l’enfant de Mary, simple d’esprit, la sœur de Hemi, et d’un vagabond appelé Joe-Billy. Sauvé des eaux, tout cabossé et biscornu, cet enfant se nomme Tokowaru-i-te-Marama, couramment nommé Pōtiki (benjamin en maori, petit dernier), ou Toko, qui toute sa vie eut deux mères, Mary et Roimata. À côté vivent d’autres familles Tahamina, d’autres membres plus éloignés.

Ces personnes solidaires, porteurs d’une culture ancestrale très riche, fidèles à leurs traditions, s’opposent courageusement aux envahisseurs, aux profiteurs, attirés par l’appât du gain, qui ne respectent aucune valeur liée à une culture autre que la leur. Ces hommes veulent, coûte que coûte, implanter un parc de vacances haut de gamme, un terrain de golf, et un centre aquatique, nécessitant la construction d’une route sur leurs terres pour accéder à la mer. Toutes les offres de Dollarman, surnom du négociateur, l’homme blanc, sont rejetées les unes après les autres. Rien n’est négociable, sur ces terres vénérées et sacrées. La présence écrasante de Pākehā (non maori, blanc, européen) contraint les populations autochtones à de longues luttes, violentes pour certaines, pour faire respecter leurs droits et le respect de leurs coutumes.

En nettoyant et en cirant inlassablement les sculptures du wharenui (maison de réunion), Mary chante à voix basse ou haute. Bonté incarnée, elle a rencontré Roimata à l’âge de cinq ans chez les Sœurs qu’elle a quitté définitivement au départ de Sœur Anne. Manu, à ses cinq ans, a préféré rester à la maison et écouter sa mère, ancienne maîtresse, lui raconter des histoires de son enfance, des histoires d’avant la vie et la mort. Il y avait aussi les histoires que son frère et sa sœur ramenaient de l’école, celles de son père au retour du travail. Et il y avait encore celles de Mamie Tahamina, « tissages de chagrin et de joie, de terre et de marées, de maladies, de mort, de faim et de travail». Et il y avait celles de Mary, des journaux, de la télévision, et celles des membres du whānau (famille étendue). Toko assistait à tout, bien qu’il aurait pu aller à l’école « malgré ses handicaps physiques et ses séjours à l’hôpital ». Il était doué, comprenait vite, était aimé de tous. Il était un véritable initié, aux dons exceptionnels.

Pōtiki, un livre enchanteur, au charme indéniable

Cette petite communauté a tout de qu’il faut. La mer et la terre suffisent à combler leurs besoins, souvent au strict minimum, leur permettant d’accueillir ou de retrouver ceux rejetés des villes, sans travail. L’essentiel, c’est qu’ensemble ils demeurent sur la terre de leurs ancêtres, encore présents dans l’urupā (cimetière) où les jeunes entretiennent quotidiennement leurs tombes. Les sculptures de la maison de réunion rappellent leur souvenir. Leurs prénoms sont transmis aux nouvelles générations, ainsi Pōtiki a hérité du nom du frère de sa grand-mère, décédé dans sa prime jeunesse.

Ce livre est véritablement envoutant, par la poésie qu’il dégage, les mythes qu’il véhicule, les traditions vivaces qui animent les communautés maories, la solidarité qui continue d’unir ces hommes et femmes. Grâce à la traduction de Jean Anderson et Marie-Laure Vuaille-Barcan, cette culture peu connue est rendue accessible. Pōtiki est un livre enchanteur, au charme indéniable, né de la plume talentueuse de Patricia Grace.

En savoir plus :

  • Pōtiki, Patricia Grace, Éditions Au vent des îles, septembre 2021, 240 pages, 19 euros
Bulles de Culture - Les rédacteur.rice.s invité.e.s

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.