Dernière mise à jour : mars 8th, 2021 at 12:22 am
Il devait sortir en salles mais le deuxième confinement est passé par là et c’est donc finalement sur Canal+ que Miss Révolution (Misbehaviour) peut être visionné en France. Un film intéressant qui signe un rôle remarquable pour Keira Knightley et offre un bel aperçu de la montée du féminisme dans les années 1970. L’avis et la critique film de Bulles de Culture.
Synopsis :
Nous sommes en 1970, l’élection de Miss Monde doit se tenir au Royal Albert Hall de Londres. Mais les polémiques se multiplient. Une bombe explose devant le bâtiment. Les féministes réussissent un “happening” dans la salle, critiquant la tenue de tels concours. Et enfin, l’Afrique du Sud présente une candidate de couleur en plus de sa candidate blanche. Le racisme et le sexisme s’invitent donc à la table des juges…
Miss Revolution à l’aube des mouvements féministes
1970, l’émergence d’une génération de femmes qui veulent faire craquer le piège du patriarcat qui restreint leurs horizons. Sally Alexander (Keira Knightley) est de celles-ci : jeune maman, jeune divorcée, qui souhaite reprendre ses études et se retrouve dans un groupe d’activistes dont Jo Robinson (Jessie Buckley) est la figure de proue.
Pour ces femmes toutefois, la société n’est pas tendre, et Miss Révolution le rappelle avec pertinence. Keira Knightley campe à merveille cette femme qui n’a pas été élevée pour sortir du cadre et à qui on fait l’amer reproche de vouloir plus que ce à quoi son sexe semble l’assigner. Les freins, les aspirations, les révoltes tacites mais viscérales d’une femme que l’injustice révolte rendent réaliste, sensible et touchant son personnage.
Qu’une fille d’éducation bourgeoise, mais devenue syndicaliste, rencontre la radicalité et la provocation des cercles baba-cool, c’est l’un des intérêts du film, et c’est aussi là que Philippa Lowthorpe fait preuve de tendresse dans sa réalisation. D’autres lui reprocheront la caricature ; on peut plutôt se rappeler que les années 1970 ont fait se rencontrer et se révolter des femmes de tout bord, et que ces rencontres n’ont pas été exemptes d’étincelles.
Un regard acéré sur les concours de Miss
Ce que Miss Révolution offre aussi, et brillamment, c’est un regard critique sur cette institution centenaire que représente le concours de Miss, ici incarné par celui de l’élection de Miss Monde. Sans être jusque-boutiste dans son propos, Miss Révolution montre l’instrumentalisation, la sexualisation du corps féminin, rappelant — à juste titre ! — que l’unique autre concours où l’on pèse et mesure les candidat-e-s sont les marchés aux bestiaux.
La critique de l’institution de ces concours n’est pas polémique, pas radicale. Miss Révolution fait cependant entendre, de la bouche des miss, le non-sens de certains impératifs comme l’obsession de la chasteté, le ridicule des costumes, le sexisme ultime du défilé en maillot de bain, et l’infantilisation de ces femmes que l’on prend joyeusement pour de jolies imbéciles. En ces points, force est de constater que l’institution n’a pas beaucoup changé !
Infantilisation de femmes considérées comme des objets… mais des objets pas tout à fait apolitiques, en tout cas en cette année 1970. Car les années 1970 montrent aussi la dénonciation croissante de l’apartheid en Afrique du Sud et le racisme de l’institution des miss. Preuve en est, en cette année 1970 concourent pour l’Afrique du Sud une candidate blanche et une candidate de couleur. Cette dernière, Pearl Jansen (Loreece Harrison), …
Miss Révolution a cela pour lui qu’il interroge sexisme et racisme de front, montrant que la faille des revendications féministes, de prime abord, est d’être principalement la préoccupation de femmes blanches plus privilégiées qu’elles ne le pensent. Il est vrai que Pearl Jansen vivra, à son retour en Afrique du Sud, les 24 années suivantes sous le régime de l’apartheid… régime qui étouffe dans l’oeuf toute revendication féministe tant le racisme est la priorité d’alors.
Une belle critique du patriarcat
Miss Révolution est finalement moins simple qu’il n’y parait, moins naïf que l’on veut bien croire, moins caricatural qu’il ne semble. Il offre un beau panel de personnages féminins, dont les aspirations compréhensibles et ambitieuses émeuvent encore aujourd’hui.
On se rend compte en visionnant le film que si certains carcans ont cédé, d’autres subsistent, notamment en ce qui concerne les activités domestiques, les jugements durs qui entourent les jeunes mères et les fameux concours de miss…
Une réplique, magnifiquement incarnée par une Keira Knightley extrêmement juste, résonne fort : “Mais nous faire concourir les unes contre les autres en nous jugeant sur notre physique, est-ce que ça ne rend pas le monde plus étroit pour nous toutes en fin de compte ?” Cette question, Miss Révolution la pose avec brio et sous-entend qu’une convergence des luttes est nécessaire.
Face à ces touchants portraits de femmes, un personnage masculin incarne parfaitement le machisme décomplexé, celui de Bob Hope (Greg Kinnear), cinquantenaire blanc à la séduction systématique, à l’adultère facile et à l’humour sexiste par excellence. On l’entend et on se dit que malheureusement, de nos jours, le sexisme a toujours pignon sur rue et dans un humour parfois aussi lourd que contestable…
Alors Miss Révolution choisit l’angle du divertissement grand public, c’est indéniable… Cela ne l’empêche pas d’être pertinent et de viser juste. Ce qu’on lui reproche certainement, sans se l’avouer, c’est de poser des questions toujours actuelles et de rappeler que l’égalité des sexes, cinquante ans plus tard, n’est toujours pas d’actualité. On rêverait, admettons-le, de voir aujourd’hui les femmes jugées sur autre chose que trois chiffres : taille, poids et tour de poitrine. De quoi méditer sur les élections de miss qui perdurent sans réelle remise en question !
En savoir plus :
- Miss Revolution est diffusé sur Canal+ depuis le mercredi 11 novembre 2020 à 21h. Le film est également disponible en streaming et en replay sur myCANAL
- Durée : 1h42