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Martin Provost Bonnard Pierre et Marthe (1)
Guy Vivien

Interview / Martin Provost pour “Bonnard, Pierre et Marthe”

Après « Séraphine » en 2007, Martin Provost revient à la peinture avec son dernier film « Bonnard, Pierre et Marthe », actuellement dans les salles depuis mercredi dernier. Le réalisateur brosse le portrait de ce couple d’artistes, évoquant surtout l’influence méconnue de Marthe dans le parcours artistique de son mari. Rencontre.

Martin Provost : quand l’histoire du couple Bonnard devient une fiction

Bulles de Culture : Votre titre “Bonnard, Pierre et Marthe” révèle l’importance de Marthe dans l’histoire de Pierre Bonnard. Comment est née cette perspective centrée sur Marthe dans le film ?

 Martin Provost : On a beaucoup réfléchi au titre, et “Bonnard, Pierre et Marthe” a émergé. Il met en lumière l’histoire du peintre, mais aussi le mystère entourant Marthe. Cette femme restée dans l’ombre a captivé mon intérêt grâce à Pierrette Vernon, sa petite nièce. Au départ, après Séraphine, je ne voulais pas refaire un autre film sur une artiste. En premier lieu, je me suis dit qu’il n’y avait pas de matière pour  un film sur Marthe Bonnard. J’en ai parlé à Françoise Cloarec, auteure du livre « L’indolente : le mystère Marthe Bonnard », qui m’a incité à faire le film. Avant de partir en production, j’ai eu d’autres projets : Sage-femme, La bonne épouse… Puis, pendant le confinement, j’étais chez moi, au bord de la Seine, près de Breteuil où habitait Monet avant de s’installer à Giverny. Lorsque j’ouvrais mes fenêtres, je me disais : « C’est fou, je suis dans un paysage de Bonnard ». C’était une évidence que c’était le bon moment pour me lancer dans ce projet.

Bulles de Culture : Quel impact a eu le film sur votre vision du couple ?

Martin Provost : Je vis depuis 25 ans avec la même personne. Faire ce film, c’était aussi mieux comprendre ce que je suis, ce que je vis et ce que j’éprouve en vivant dans cette union. L’amour, pour moi, n’est pas seulement une passion initiale, mais une construction au-delà du romanesque. Le sentiment se transforme au fil du temps. C’est en effet l’histoire de Pierre Bonnard. Au fur et à mesure de sa relation avec Marthe, le peintre va se développer. J’ai le sentiment que l’amour qu’il porte à sa femme se transmet dans ses couleurs, sa manière de peindre.

Bulles de Culture : Vous avez fait référence à Séraphine auparavant. Voyez-vous des similitudes entre Séraphine et Marthe ?

Martin Provost : Oui, il y a une parenté dans la matière des tableaux. Cependant, Séraphine a poussé son art à l’extrême, consumée par sa folie, alors que Marthe, malgré la qualité de son œuvre, s’est arrêtée en chemin. Je pense que tout ce qu’elle aurait pu devenir en tant qu’artiste, elle l’a donné à Pierre, se sacrifiant pour que son mari peigne des chefs-d’œuvre.

“Le terme de “muse” nécessite réflexion, surtout dans le contexte actuel”

Martin Provost Bonnard Pierre et Marthe (1)
Guy Vivien

Bulles de Culture: Marthe a-t-elle accepté son rôle de muse pour Pierre au fil du temps ?

Martin Provost : Le terme de “muse” nécessite réflexion, surtout dans le contexte actuel. Marthe n’était pas une égérie typique. Elle était concrète, pas d’une beauté frappante. J’essaye de le suggérer dans le film mais Marthe a usé de supercheries pour séduire Pierre : elle lui a menti sur son âge, sur son identité, se faisant passer pour une princesse italienne ruinée.

Bulles de Culture : La couleur et l’image du film semblent être en harmonie avec les tableaux de Bonnard. Était-ce intentionnel ?

Martin Provost : Nous avons utilisé des tons sépia pour capturer l’époque, mais nous avons également joué avec les couleurs pour refléter la vivacité de la peinture. Je voulais que la représentation soit charnelle et tactile, évitant un aspect figé d’un film d’époque. Il y a beaucoup de moi dans ce film. Comme Pierre et Marthe, j’ai choisi de fuir les distractions urbaines pour partir à la campagne. Dans la nature, on est face à soi-même. C’est cela que je voulais transmettre dans le film.

Bulles de Culture : Pourquoi avoir choisi ces deux acteurs, Vincent Macaigne et Cécile de France, pour incarner respectivement Pierre et Marthe ?

Martin Provost : Pour Vincent, on avait un projet ensemble qui j’espère pourra un jour se faire. Il n’a rien à proprement parlé de Pierre Bonnard. Néanmoins, je ne voyais pas un autre acteur pour incarner le peintre. J’ai une tendresse particulière pour Vincent. Ce dernier s’est transformé pour le rôle, perdant du poids. Notre collaboration s’est construite jour après jour dans une sorte de doux conflit entre nous. Je suis assez directif dans mon travail. Avec moi, il n’y a pas de place à l’improvisation. Je demandais à Vincent une énorme rigueur et un travail acharné. On a fait le film main dans la main et on s’est habitués à travailler ensemble. L’apothéose de notre collaboration a été dans les scènes où Vincent interprète Pierre Bonnard vieux. J’avais une grosse frayeur car il fallait que Vincent soit particulièrement engagé. Il a tout donné. Par la même occasion, il a réussi à m’épater. Cécile m’a impressionné par sa luminosité et son talent. Sa disponibilité et son engagement ont été remarquables, créant une collaboration magique. Cécile est très à l’écoute et comprend très vite ce que je souhaite.”

En savoir plus :

  • Bonnard, Pierre et Marthe : en salle depuis le 10/01/2024
  • Distribution France : Memento
Antoine Corte

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