Sorti au cinéma en septembre dernier, Le Gang des Bois du Temple de Rabah Ameur-Zaïmeche est disponible depuis le 6 décembre en vidéo. La critique et l’avis sur ce film de braquage inspiré du car-jacking d’un prince saoudien en Seine-Saint-Denis, en 2014.
Synopsis :
Monsieur Pons, ancien militaire à la retraite estimé et respecté du quartier populaire des Bois du Temple, entre en deuil à la suite du décès de sa mère. Peu de temps après, son voisin Bébé est mêlé à un audacieux braquage touchant à la fortune d’un richissime prince saoudien.
Le Gang des Bois du Temple : une réinvention du film de braquage
Avec une habileté et une rigueur déconcertante, Rabah Ameur-Zaïmeche a su maintenir depuis son premier long métrage Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2002) il y a vingt ans, une exigence hors du commun dans sa mise en scène sur des thématiques qui ne font aucune concession quant aux enjeux de société traités. Il réinvente ici le film de braquage et le film noir, qui a en France une longue tradition avec des hors-la-loi sympathiques lorsqu’ils ont les traits par exemple d’un Jean Gabin mais toujours dans un sens éloigné du réel au profit du spectacle.
Ici, le cinéaste s’affilie davantage à la méticulosité de la mise en scène d’un Jean-Pierre Melville et de son Cercle rouge (1970) notamment avec son goût du tragique. En revanche, Rabah Ameur-Zaïmeche est beaucoup moins abstrait socialement puisque ses personnages sont à la fois inspirés d’un fait divers et ancrés dans un espace géographique précis identifié dès le titre, comme si le lieu devenait le héros éponyme de cette histoire.
Les hors-la-loi sont dépeints d’ailleurs avec un regard humaniste dans une distance brechtienne qui fait également écho à la rigueur d’un Philippe Faucon, avec une volonté de mettre à distance le spectacle propre au film de genre.
Ainsi, aucune musique n’accompagne les séquences et les deux moments musicaux qui s’intègrent à la diégèse prennent dès lors une dimension extatique, qu’il s’agisse du chant d’une femme en mémoire d’une défunte dans une église, comme de la danse d’un prince arabe qui traverse le film sous la forme d’une silhouette et entre sous l’effet de la musique en véritable transe.
un véritable élan de révolte sociale
Le braquage du « gang des Bois du Temple » devient au fil du récit un véritable élan de révolte sociale face à l’impunité d’une classe aisée et à l’usage d’une violence dont la déflagration dépasse l’entendement immédiat. Le sentiment d’impunité est telle que les représentants de l’ordre policier sont plus prompts à arrêter un modeste habitant des cités avec une mobilisation policière conséquente que de mener une enquête sur des massacres de masse.
De manière inattendue, dans une écriture scénaristique qui ne cesse de surprendre, Rabah Ameur-Zaïmeche fait intervenir un ange exterminateur qui pourrait lui aussi venir tout droit d’un film de Melville, notamment du Samouraï (1967) l’humanisme en plus.
La confrontation des classes sociales
Le point de vue politique du film requestionne la confrontation des classes sociales dans le cadre contemporain d’un nouvel ordre du monde qui impose sa violence par le mépris des plus humbles. C’est pourquoi ledit gang devient ici des Robins des Bois redistribuant les richesses fondées sur l’iniquité sociale au profit des oublié.es des enjeux géopolitiques.
En temps que réalisateur, scénariste et producteur, qui pourrait avoir accès aux stars banckables de l’industrie du cinéma français pour financer son film noir, Rabah Ameur-Zaïmeche préfère un film choral à l’approche plus démocratique car non hiérarchique de ses différents personnages, ce qui rend d’autant plus finement politique son approche éclairée du monde.
Cet article vous est proposé par le chroniqueur Cédric Lépine
En savoir plus :
- Le Gang des Bois du Temple
de Rabah Ameur-Zaïmeche
Fiction
112 minutes. France, 2022.
Couleur
Langue originale : françaisAvec : Régis Laroche (Pons), Philippe Petit (Bébé), Marie Loustalot (Linda), Kenji Meunier (Mauss), Salim Ameur-Zaïmeche (Tonton), Kamel Mezdour (Melka), Nassim Zazoui (Nass), Rida Mezdour (Dari), Sylvain Grimal (Sly), Lucius Barre (l’intendant du prince), Mohamed Aroussi (le prince), Slimane Dazi (Jim)
Sortie salles (France) : 6 septembre 2023
Sortie France du DVD : 6 décembre 2023
Couleur
Langue : français – Sous-titres : anglais.
Éditeur :Bonus :
La bande-annonce
Un entretien avec Régis Laroche (4’25)
Une Fin bis (2’12)
La bande originale du film: “La beauté du jour”, Annkrist (4’47), “Manich Mena”, Sofiane Saïdi (4’20), “Abdou”, Sofiane Saïdi (3’6)