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Le Pacte

Angoulême 2024/ David Oelhoffen – ‘Le Quatrième Mur’ : monter Antigone en plein cœur du chaos libanais

Sélectionné dans la catégorie “Les Flamboyants” au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2024, le film Le Quatrième Mur est la nouvelle réalisation de David Oelhoffen (Les derniers hommes). Rencontre en marge de la présentation du film.

Adaptation du roman éponyme de Sorj Chalandon, lauréat du Prix Goncourt des Lycéens 2012, l’œuvre cinématographique avec Laurent Lafitte dans le rôle principal raconte l’histoire de Georges, un jeune idéaliste français qui, en pleine guerre civile libanaise, tente de monter une représentation d’Antigone avec des acteurs issus des différents camps en conflit. À travers ce projet utopique, il espère apporter un message de paix, mais se heurte à la brutalité de la guerre et aux tensions persistantes.

Dans ce film, David Oelhoffen nous offre, avec Le Quatrième Mur, une œuvre qui interroge la puissance de l’art face aux réalités les plus dures, tout en offrant un regard sensible et nuancé sur un Liban des années 80 déchiré.

 

Bulles de Culture : Le Quatrième Mur n’est pas votre première adaptation littéraire. Qu’est-ce qui vous attire dans le travail d’adaptation par rapport à la création de scénarios originaux ?

David Oelhoffen : Pour moi, l’adaptation est un processus aussi créatif que l’écriture d’un scénario original. J’ai eu l’occasion de vivre plusieurs cas de figure : écrire des scénarios de A à Z, comme pour mon premier film, Nos retrouvailles, ou encore adapter des œuvres comme Loin des hommes, qui était tiré d’une nouvelle de Camus et où il a fallu étendre un texte très court. Le plaisir vient toujours de la même chose : à partir d’une idée ou d’un matériau littéraire, trouver une narration qui a du sens, qui soit cohérente et qui porte le ressenti du protagoniste. Dans le cas du Quatrième Mur, le livre de Chalandon est très dense, presque deux histoires en une. J’ai choisi de me concentrer sur l’entreprise théâtrale à Beyrouth, car elle pose une question fascinante sur le pouvoir de transformation de l’art sur le réel.

Ce paradoxe entre la grandeur de l’ambition artistique et sa possible futilité m’a beaucoup intéressé

Bulles de Culture : Vous avez donc choisi de centrer votre film sur le projet théâtral du protagoniste de monter Antigone. Qu’est-ce qui vous a particulièrement touché dans cette partie de l’histoire ?

David Oelhoffen : Ce qui m’a passionné, c’est cette question sur le pouvoir de transformation de l’art. À quel point un projet artistique peut-il réellement changer la réalité ? Le roman soulève cette question de manière puissante, avec des éléments à la fois mégalomanes et humbles. Il y a un désir de transformer les consciences, de changer le monde, mais aussi la réalité plus modeste que tout cela peut être vain. Ce paradoxe entre la grandeur de l’ambition artistique et sa possible futilité m’a beaucoup intéressé. Le travail d’adaptation a consisté à aller vers cette question de la façon la plus convaincante possible.

Bulles de Culture : Vous avez tourné le film à Beyrouth, où on remarque peu de changements dans les décors pour représenter le Liban des années 1980. Est-ce que cela signifie, selon vous, que la situation au Liban n’a pas beaucoup changé depuis une trentaine d’années ?

David Oelhoffen : Oui, on a l’impression d’une guerre perpétuelle, d’une situation qui semble sans fin. Le tournage à Beyrouth a été très frappant pour cette raison : on tournait un film censé se dérouler en 1982, mais on voyait des stigmates bien réels de la guerre encore présents. Cela donne une atmosphère très mélancolique, comme un perpétuel recommencement. C’était d’ailleurs l’un des défis de ce tournage : nous avons dû ajuster des éléments comme les voitures ou les vêtements pour reconstituer l’époque, mais les bâtiments eux-mêmes portaient déjà les cicatrices d’un pays en guerre.

Bulles de Culture : L’enceinte du théâtre que l’on voit dans le film, à moitié détruit, a une symbolique forte. Quelle a été votre expérience personnelle en filmant dans un tel lieu ?

David Oelhoffen : J’ai adoré filmer dans ce lieu à Beyrouth. Ce théâtre est à la fois réel et symbolique. On sent qu’il a été un endroit fastueux, un lieu de représentation et d’élévation, mais qui est aujourd’hui à moitié détruit par la guerre. C’est un lieu qui incarne bien le Liban d’aujourd’hui, à la fois abîmé et d’une richesse culturelle incroyable. On ressent presque une ambiance antique, comme une contradiction vivante entre destruction et beauté. Filmer là-bas, c’était filmer cette contradiction, et ce n’est pas un hasard si le film se focalise beaucoup sur ce lieu.

J’avais l’impression de vivre une mise en abyme

Bulles de Culture : Aviez-vous déjà une connaissance approfondie de l’histoire du Liban avant de travailler sur le film ?

David Oelhoffen : J’avais une certaine connaissance de la situation libanaise avant, mais c’est vraiment en lisant le livre et en préparant le film que j’ai pu approfondir cette compréhension. Cela reste un conflit très complexe, difficile à saisir entièrement. Les premiers voyages que j’ai faits au Liban ont été marquants. J’avais l’impression de vivre une mise en abyme : un metteur en scène qui vient monter un projet ambitieux et compliqué dans un pays ravagé par la guerre. C’était très proche de l’expérience de Georges dans le film.

Bulles de Culture : Le tournage, avec un film aussi lourd et intense, a-t-il quand même permis de créer une atmosphère de troupe parmi les acteurs ?

David Oelhoffen : Absolument. C’était un aspect très agréable de ce projet. Comme il y a peu de films qui se tournent au Liban, j’ai eu la chance de travailler avec d’excellents acteurs, même pour des rôles secondaires. On a vraiment formé une troupe, comme dans le film. Il y avait parfois des malentendus culturels, mais ils ont enrichi le film et ont permis de renforcer cette cohésion de groupe.

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Antoine Corte

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