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LES Démons critique livre avis

Critique / “Les Démons” (2020) de Simon Liberati

Dernière mise à jour : novembre 18th, 2020 at 01:50 pm

Les Démons, ici présentés, ne sont pas ceux de Dostoïevski (livre également dénommé à tort Les Possédés) mais ceux de Simon Liberati, paru aux Éditions Stock en août 2020. Aucun point commun à priori entre ces deux œuvres distantes de cent cinquante ans, sauf à dire qu’il s’agit de révolutionnaires, ayant voulu transformer l’ordre politique pour les uns, et transgressé les mœurs pour les autres. La critique et l’avis sur ce livre de la rentrée littéraire 2020.

Cet article vous est proposé par un rédacteur-invité, le chroniqueur Chris L..

Synopsis :

Dans la somnolence magique de leur domaine familial, Serge, Alexis et Taïné traînent leur désœuvrement. Taïné a la beauté empoisonnée d’un tableau préraphaélite ; Serge est un prince des ténèbres ; quant à Alexis, le plus jeune et le plus fou, il se jette à corps perdu dans l’amour et la provocation. La séduction de leur jeunesse tourne à la cruauté muette. La tragédie frappe cette fratrie en ce printemps 1967, et accélère la bascule vers une époque nouvelle : celle, pop et sensuelle, de la drogue, du plaisir et de la guerre du Viêt Nam.

Les Démons : décadence et désespoir

Situé entre 1966 et 1967, le roman de Simon Liberati, très connu pour ses frasques télévisuelles, fourmille de petites et grandes célébrités de la littérature, du monde cinématographique, de la peinture, ou la jet set des années 1960. Ainsi sont associés à cette danse éclectique : Aragon,  Morand, Montherlant, Truman Capote, Tennessee Williams, Andy Warhol avec sa Factory et son escadron de la mort, Brigitte Bardot, James Brown, la créatrice d’Emmanuelle et tant d’autres. Ces célébrités, du passé ou de l’instant présent, se révèlent capricieuses, rancunières, dictatoriales, jalouses, prétentieuses. Nombre d’entre elles n’ont comme seules préoccupations que la recherche de produits illicites et la pratique sexuelle la plus libre possible, sans limite.  À ce monde désuet, s’agrègent les membres de la famille Tcherepakine, aristocrates sur le déclin, décadents et désespérés.

Le père, Chouhibou, censeur, accorde les scènes osées de certains films ou les interdit, mais il s’adonne avant tout à faire la cour à de jeunes femmes. Son épouse Nicole, absente tel un fantôme, ses enfants s’élèvent par eux mêmes, sous l’œil bienveillant de Odette, la grand-mère maternelle, dans la propriété des Rochers, très défraichie mais quand même nommée le Château, dans les environs de Fontainebleau, en bord de Seine.

Entre l’ainé, Serge, brillant polytechnicien, et sa sœur, la belle Nathalie, couramment appelée Taïné, déjà mariée à seulement 19 ans avec un homosexuel, se sont instituées des relations incestueuses. Le benjamin, Alexis, quinze ans, se sent déjà attiré par les hommes. A ces jeunes dévoyés, névrosés et oisifs, essaie de s’intégrer Donatien. Les démons sont au complet. Ni ami, ni simple faire valoir, il se bat pour être reconnu. Séducteur, arriviste, profiteur, menteur, voleur, il est celui qui est sans aucun doute le plus inquiétant, avec ses mains d’assassin. Véritable magouilleur, il n’a qu’une seule envie, celle se subtiliser les restes du patrimoine des Valjoie-Tcherepakine. Sa seule bonne action sera de sauver Taïné sans que jamais elle le sache. Rien ne dit si il agit par amour ou intérêt.

Belles descriptions empreintes de poésie

Tous ont envie, hormis Serge, d’écrire un roman ou au mois susciter une source d’inspiration à un auteur. Il y a plus d’intentions que de réalisations. Après un dramatique accident, les survivants, les petits princes des ténèbres comme les quatre compagnons aimaient à s’appeler, se perdent dans des errances encore plus violentes. De Paris à New York, Rome, Bangkok, Les Démons ne sont jamais que eux mêmes, des individus, jouant un rôle, masqués. Perdus dans un monde irréel fait de fêtes arrosées et  de stupéfiants, de voyages, de débauche et d’oisiveté, ils continuent à se chercher, à survivre, en traversant des expériences diverses et variées. Leurs vies dissolues se perpétuent, les plongeant progressivement et irrémédiablement dans un véritable enfer, une dépravation de tous les instants.

Des personnages qui n’inspirent aucune empathie, seulement un peu de sympathie pour la grand-mère. Parfaitement appréhendés, Donatien, Odette, Chouhibou et les descendants Tcherepakine, ont de la consistance grâce à la plume de l’auteur. Par ailleurs la rencontre de célébrités d’hier, de personnages sulfureux, dans un monde tourbillonnant de privilégiés, celui de la Dolce vita, est parfaitement restitué dans Les Démons de Simon Liberati. L’excellente surprise de ce livre est la grande qualité de l’écriture déployée tout au long des pages, avec des très belles descriptions empreintes de poésie pour certaines. Le sujet pourrait rebuter certaines personnes qui manqueraient alors de découvrir le talent de l’auteur.

En savoir plus :

  • Les Démons, Simon Liberati, Stock, août 2020, 342 pages, 20,90 euros
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