Dernière mise à jour : mai 3rd, 2021 at 04:51 pm
C’est auréolé d’un Golden Globes, d’un Bafta et en grand favori des Oscars que Daniel Kaluuya va s’incruster dans les foyers français. Il incarne Fred Hampton dans Judas and the Black Messiah de Shaka King, un prodige découvert au Festival de Sundance. Au vu de la flopée d’Awards et de nominations raflées, on peut parler de consécration pour l’acteur et de révélation au grand public pour le réalisateur pour ce film qui fait tout, sauf laisser indifférent. La critique et l’avis de Bulles de Culture.
Synopsis :
Bill O’Neal (Lakeith Stanfield) infiltre le Black Panther Party sous la houlette de l’agent Mitchell du FBI (Jesse Plemmons), selon les directives de J. Edgar Hoover (Martin Sheen). Alors que le Président du parti, Fred Hampton (Daniel Kaluuya) prend de l’importance et tombe amoureux de Deborah (Dominique Fishback) qui partage sa cause, une bataille s’engage pour l’âme d’O’Neal.
Judas And The Black Messiah : Âmes sensibles s’abstenir!
C’est le cas de le dire car, surtout dans le climat socio-politique qui secoue le monde de façon générale et les États-Unis en particulier. Judas And The Black Messiah est une leçon d’histoire et ce n’est pas sa face la plus glorieuse. Le film de Shaka King dévoile au grand jour une (de plus) des machinations les plus sordides mises en place pour tuer dans l’œuf l’éveil politique afro-américain. Cette mise en évidence est tellement imparable qu’elle facilite la transposition à d’autres situations, à d’autres leaders, éliminés car tels des messies, ils étaient la promesse d’un monde nouveau. Un monde jugé dangereux pour quelques lignées de fachos.
Mais la puissance du film ne réside pas dans la violence, les coups de feu n’étant guère plus nombreux que dans n’importe quel film d’action dépourvu de substance. Judas and The Black Messiah fait la différence tout d’abord parce que l’histoire est rarement racontée du point de vue de ceux qui ont fait le sale boulot. Il ne s’agit pas ici d’affranchis, de petite vermine ou de grosse balance pour des réseaux de drogue et prostitution, mais d’un malheureux quidam qui a aidé à changer la physionomie d’une nation.
Regarder Judas And The Black Messiah c’est se prendre une grosse claque dans la face. C’est sentir les méandres de l’Histoire nous agripper les tripes. Essayer de s’échapper serait en fait vouloir fuir la triste réalité. Mais Shaka King ne vous laissera pas faire.
Pris dans un étau
L’étau de la sordide vérité. C’est ainsi que se retrouve progressivement Bill O’Neal incarné par le brillant Lakeith Stanfield, mais aussi le spectateur de façon subtilement orchestrée par Shaka King. Les choix de cadrage immergent le spectateur dans chaque scène. C’est ingénieux non pas de faire un focus sur les acteurs mais laisser leurs conversations nous envelopper, créer une ambiance, nous faire participer au moment. Son choix de photographie et la bande son, comme étrangement reliée à notre fréquence cardiaque renforcent le côté étouffant, on a parfois l’impression d’être dans un huis clos. On se retrouve coincé entre la peur du traître et la sordidité de l’instant dont on ne sait plus tout à fait qui attribuer l’entière responsabilité.
Judas and The Black Messiah explore toutes les facettes de cette histoire. Toutes les convictions y sont représentées, réelles ou façonnées mais aussi celles auxquelles on s’accrochent lamentablement pour se justifier. Shaka King n’oublie pas les instants de doute. Il introduit l’amour, la place de la femme révolutionnaire, partagée entre son engagement et son rôle de mère, dans un moment d’une magnifique moment de poésie, nous rappelant que ces combattants pour un meilleur avenir en étaient remplis.
On retiendra des gros plans marquants tels que Martin sheen/ J.Edgard Hoover, inondé par une lumière aussi aveuglante que devaient être ses douteuses opinions, les discours révolutionnaires de Fred Hampton, immense Daniel Kaluuya, de plus en plus fiévreux, comme se solidifie sa conviction, et l’hébétude de Déborah quand arrive la sordide conclusion.
Quand s’achève le film, on sait qu’il est de ceux qui auraient fait une sortie de salle très silencieuse, tant il remue des sentiments mélangés. Oui on le sait, il y a des bons et des méchants, mais où se trouvent-ils finalement? Judas And The Black Messiah raconte un pan peu reluisant de l’histoire. Mais est-ce juste cela qui le rend dérangeant, ou est-ce parce qu’il montre quelque chose qui n’est pas toujours beau à voir, comme le chantait si bien un homme adulé (puis détesté), la nature humaine?
Il est intéressant de noter que Ryan Coogler, autre prodige de Sundance, réalisateur de Black Panther est largement impliqué dans la production de ce film qui parle d’une autre panthère noire…
En savoir plus :
- Disponible sur Canal + Cinéma et en replay sur mycanal.fr à partir du 24 avril 2021
- Diffusion sur Canal+ 27 avril 2021 à 21h