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© Laurence Henry
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[DOSSIER] Les Audi talents awards et le Week-end des Musiques à l’image 2016

Dernière mise à jour : février 16th, 2018 at 11:01 am

L’esprit du jazz
(Autour de Minuit, 1986)

 

Autour de Minuit (Round Midnight, 1986), le deuxième film du triptyque américain de Bertrand Tavernier, raconte l’histoire d’un musicien de jazz américain à Paris dans les années 50 incarné par Dexter Gordon qui tenait à se différencier des musiciens illettrés de Mississippi Blues : “I’m not a cotton picker”, disait-il pour préciser qu’il savait lire une partition. La musique du film signée Herbie Hancock a été récompensée doublement par un Oscar et un César, chose rarissime.

Audacieux, Autour de Minuit est non seulement le premier film qui met en scène un musicien de jazz incarné d’un bout à l’autre du film par un acteur noir, mais aussi le premier film à avoir enregistré la musique en direct, excepté le générique qui l’a été aux Studios Davout.

Lors de la masterclass qui s’est tenue à la Philarmonie de Paris le 4 décembre dernier, Bertrand Tavernier est revenu sur la genèse du film. Tout est parti d’un dîner avec Martin Scorsese et le producteur Irwin Winkler lors duquel ce dernier a demandé aux deux réalisateurs s’ils avaient une idée de film. Martin Scorsese parle alors de La Dernière Tentation du Christ. Bertrand Tavernier parle quant à lui d’une photo de Lester Young  sur laquelle Lester est assis sur un lit dans une chambre de l’hôtel Louisiane à Paris : “Il a un regard perdu et j’aimerais savoir ce qu’il regarde. J’aimerais savoir comment il est arrivé là”.

On invente alors un personnage de fiction, un musicien de jazz comme il y en a eu beaucoup qui sont venus à Paris à la fin des années 50 et dans les années 60… Lester Young était quelqu’un qui avait inventé un langage formidable. Paraît-il, c’est lui qui aurait trouvé le surnom de New York : The Big Apple. Il appelait tout «lady», une table, une chaise, les gens, un homme. Il avait ce sens de l’humour très «hip»… Donc on part à la recherche d’un saxophoniste. Dexter Gordon n’était pas comédien. C’était un risque énorme. Je ne peux pas critiquer Robert De Niro dans ‘New York New York’ mais je vois qu’il n’est pas musicien. Il n’écoute pas les autres. Michael Powell disait que seul un musicien peut jouer un musicien, surtout dans le jazz où tout dépend de ce que tu écoutes autour, du rapport que tu as avec les autres. Dexter donnait l’impression d’être mourant. C’était la peur de beaucoup de gens à la Warner qui pensaient qu’il n’allait pas survivre. Le film a été une prise de risques inouïes que personne dans la presse n’a su analyser lors de sa sortie. Ne serait-ce que l’idée que j’ai imposée que tout allait être enregistré en direct. Tous les 9/10e des films sur le jazz, c’est du playback. Évidemment, ‘Bird’, c’est obligatoire. Mais quand vous faites des films, les gens prennent des disques et jouent sur du playback. Là, c’était très facile. J’avais énormément de disques de Dexter dont je pouvais avoir les droits. Mais il me semblait que c’était trahir l’esprit du jazz. Il fallait que je prenne les même risques que les musiciens, et l’un des risques était que Dexter ne soit pas en forme un soir, qu’il ne joue pas très bien, qu’il ne sache pas refaire les notes qu’il faisait parce qu’il est fatigué et que ça fasse partie de la dramatisation du film. Mais enregistrer en direct, sur un 32 pistes, ça posait un nombre de problèmes inouïes. Winkler m’a dit :« Vous n’y arriverez pas. On n’a jamais pu le faire sur ‘New York New York’ ». Et on l’a fait. La totalité de la musique est enregistré en direct, à l’exception du générique.
— Bertrand Tavernier
Laurence Henry

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