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Demolition-affiche

Demolition (2015), Jake Gyllenhaal démolit tout !

Dernière mise à jour : mars 25th, 2019 at 02:46 pm

Demolition-afficheAprès Dallas Buyers Club (2013) et Wild (2014), Jean-Marc Vallée continue dans sa lancée vers le triplé avec Demolition. Cette fois c’est au tour de Jake Gyllenhaal et Naomi Watts de passer entre les mains du réalisateur canadien et de son savoir-faire manifeste pour la direction d’acteurs. L’occasion pour Jake de briller en toute liberté !
   

Synopsis :

Banquier d’affaires ayant brillamment réussi, Davis (Jake Gyllenhaal) a perdu le goût de vivre depuis que sa femme est décédée dans un tragique accident de voiture. Malgré son beau-père (Chris Cooper) qui le pousse à se ressaisir, il sombre de plus en plus. Un jour, il envoie une lettre de réclamation à une société de distributeurs automatiques puis lui adresse d’autres courriers où il livre des souvenirs personnels. Jusqu’au moment où sa correspondance attire l’attention de Karen (Naomi Watts), la responsable du service clients. Peu à peu, une relation se noue entre eux. Entre Karen et son fils de 15 ans (Judah Lewis), Davis se reconstruit, commençant d’abord par faire table rase de sa vie passée…

La genèse du film

 

Le scénario de Demolition circule à Hollywood depuis presque une dizaine d’année. C’est seulement vers 2010 qu’il arrive dans les mains de Jean-Marc Vallée qui en tombe amoureux et s’embarque dans le projet. Le réalisateur québécois est surtout séduit par l’originalité et le complexité des protagonistes du scénario avec en tête son personnage principal, Davis Mitchell, un jeune trentenaire amorphe et aliéné qui va apprendre à renouer avec ses sentiments et reprendre sa vie en main à travers le deuil de sa femme.

Un scénario qui tombe parfaitement dans les cordes de Jean-Marc Vallée, habitué à filmer les destins sensibles de personnages en crise d’introspection. Avec Jake Gyllenhaal à bord, le metteur en scène va pouvoir appliquer au récit de Demolition son style si particulier qu’il continue de peaufiner film après film.
    

Le Style JMV

 

Toute la mise en scène de Jean-Marc Vallée repose sur les personnages du film et ses interprètes.  Au tournage, pas de story-board ni de découpage : le réalisateur préfère une caméra épaule improvisée et laisse aux acteurs la liberté d’explorer la scène avec lui.

Techniquement, il lui faut donc pouvoir filmer ses comédiens sur le décor dans tous les axes, à 360°, pour pouvoir laisser libre court à leur jeu. L’éclairage est nécessairement plus sobre et naturaliste et les effets de mise-en-scène par le découpage quasi inexistant. Tout doit passer par les prestations des acteurs, élevées sur un piédestal.

Ce n’est donc pas un hasard si Jean-Marc Vallée a flashé sur le scénario de Demolition, totalement guidé par son personnage principal qui déambule dans son deuil avec une certaine irrévérence originale. En reprenant le projet en main, le réalisateur a collaboré étroitement avec Bryan Sipe, le scénariste du film, pour ajuster le récit à sa vision plus que jamais centrée sur le point de vue des protagonistes.

Par exemple, la femme du personnage principal n’apparaissait pas dans le script original. On entendait juste sa voix dans la scène d’ouverture pour quelques lignes de dialogues hors champ. Mais dans le film, elle apparait dans de nombreuses scènes ajoutées par le réalisateur au fur et à mesure du tournage pour souligner à quel point le personnage de Davis Mitchell est hanté par son souvenir.

Jean-Marc Vallée choisit donc de ne pas suivre un parti pris scénaristique original pour plonger davantage le spectateur dans la tête de Davis et mieux illustrer son psyché. De la même manière, plusieurs incongruités rafraîchissantes du récit — comme l’échange épistolaire en voix off entre Davis et le service clientèle d’un distributeur de friandises dysfonctionnel ou encore les crises saugrenues de démolition de Davis — semblent peu à peu délaissées (ou tout au moins appauvries) par la mise en scène du canadien, entièrement focalisée sur les personnages et leurs émotions.

Le style de Jean-Marc Vallée accapare donc le récit et la profondeur du film se limite finalement à celle des personnages. De nombreux thèmes bien présents dans le scénario mériteraient d’être approfondis mais ne sont ainsi qu’effleurés : la finance, l’aliénation du travail et de la métropole new-yorkaise, les diktats de la société moderne, etc. Tant de pistes de réflexions potentielles qui auraient pu résonner à travers le film…

L’approche de la mise en scène de Jean-Marc Vallées est peut-être en soi limitée, mais au moins elle est maîtrisée et accomplie : le réalisateur sait parfaitement ce qu’il fait et ce qu’il recherche — avec un film par an, forcément, ça aide. 

Surtout qu’au final tout repose sur Jake Gyllenhaal…

Le chouchou des cinéphiles

 

Après MatthewMc Conaughey et Reese Witherspoon, Jean-Marc Vallée a choisi de faire équipe avec l’un des acteurs les plus en vogue du moment : Jake Gyllenhaal. Tranquillement au sommet de sa carrière, celui-ci enchaîne des premiers rôles aussi riches que variés. Et tout cela sans effort apparent, en toute simplicité. Pourtant, Jake est un bosseur acharné. Chaque nouveau rôle est pour lui un investissement personnel, total et sincère. Demolition ne fait pas exception, bien au contraire.

Mais cette fois, pas de grimage ni de transformation physique. On a le droit au Jake version naturelle (pas le temps de se maquiller dans la méthode Vallée). Fini aussi les accents, les tics, les regards sociopathes… Le rôle est ici plus sobre, dans le moule, frôlant dangereusement avec la normalité du terrifiant Monsieur Tout-le-Monde.

Jake en fait donc beaucoup moins et se retient sous la baguette vigilante du réalisateur québécois. Le tandem marche à la perfection : Vallée laisse la place et le temps à son acteur et Jake s’en empare, profite et explore sans retenue. Propositions, improvisations, il cherche sans complexe avec une spontanéité attachante, à l’image de cette scène de danse en freestyle complet au cœur de son Manhattan natal. Jake ne se rend même pas compte qu’il passe des barrières de travaux et se lâche dans la poussière sous les regards hébétés des passants. Magique.

La méthode Vallée réussit donc merveilleusement bien à l’acteur qui, une nouvelle fois, s’investit corps et âme dans un rôle plus personnel. Jake Gyllenhaal a ainsi profiter de son travail sur ce personnage pour comprendre à quel point il est possible d’être déconnecté de ses véritables sentiments et qu’il est important d’apprendre à y être attentif au quotidien. C’est là tout le message du film, et l’acteur le prend à son compte personnellement pour mieux le transmettre ensuite par son jeu.

Un film d’acteurs

 

C’est donc sans grande surprise que Jake Gyllenhaal démolit tout sur son passage, au grand bonheur du spectateur, du réalisateur mais aussi de ses confrères. Car la tête d’affiche de Demolition est très bien épaulée.

Pour leur toute première collaboration, Jake Gyllenhaal et Naomi Watts donnent l’impression de se connaître depuis plusieurs films tellement leur complicité transparaît à l’écran. Le point de vue du personnage de Naomi court-circuite presque par moment celui de Jake. Mais entre le charisme de l’acteur et la justesse de jeu de Naomi dans son rôle de mère célibataire un peu paumée, l’intégration de son personnage au récit se fait naturellement.

Jake Gyllenhaal retrouve aussi Chris Cooper, son père dans Ciel d’octobre (1999) et son lieutenant dans Jarhead (2005). L’occasion pour le jeune trentenaire de partager avec son aîné l’épanouissement de son talent dans des scènes subtiles et délicates. Un plaisir que de retrouver Chris Cooper, l’un de ces grands acteurs à la carrière discrète mais pas moins impressionnante.

Et last but not least, le tout jeune Judah Lewis crève l’écran pour son premier long métrage dans le rôle d’un ado qui pourrait sortir tout droit de C.R.A.Z.Y. (le premier succès de Jean-Marc Vallée). Les scènes de tête-à-tête entre lui et Jake rappellent celles de La Rage au ventre (2014) avec la tout aussi talentueuse Oona Laurence. Jake, gendre idéal, sait décidément y faire avec les enfants.

Demolition bénéficie donc d’un casting multi-générationnel de choix pour un ballet libre de comédiens en parfaite connivence, le tout orchestré avec savoir-faire et fluidité par Jean-Marc Vallée.

Demolition est donc résolument un film d’acteurs, mené par un Jake Gyllenhaal au top de son talent. Une prestation surélevée par une mise en scène et un scénario entièrement consacrés aux personnages… et rien d’autre. Ce n’est donc pas le meilleur film de Jean-Marc Vallée, même si le réalisateur continue de mettre à l’épreuve la légèreté particulière de son style qui se précise de film en film.

On profite ici surtout de Jake Gyllenhaal en attendant le prochain projet du réalisateur canadien qui semble beaucoup plus intéressant : Big Little Liars, une mini-série HBO de sept épisodes avec un casting cinq étoiles : Nicole Kidman, Reese Witherspoon, Laura Dern, Alexander Skarsgård, Shailene Woodley et… Adam Scott !

On est très curieux de suivre ça… 

 

 

En savoir plus :

  • Date de sortie France : 06/04/2016
  • Distributeur France : Twentieth Century Fox France
Emilio M.

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