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Copyright L’image d’après

Cinémondes 2023 / Entretien avec Thierno Souleymane Diallo pour son film « Au cimetière de la pellicule »

Après une sortie dans les salles en juillet dernier, Au cimetière de la pellicule est présenté à Cinémondes 2023, festival de cinéma à Berck-sur-mer du 11 au 15 octobre. Le film documentaire suit le parcours en Guinée de Thierno Souleymane Diallo à la recherche d’une pellicule de Mouramani (1953), premier film d’un cinéaste d’Afrique francophone noire. Entretien avec le réalisateur. 

“Mouramani est un prétexte pour revisiter le passé”

Cédric Lépine : Pouvez-vous rappeler à l’heure actuelle où peut-on trouver les films guinéens en Guinée ? Peut-on les trouver en DVD (piratés ou non), sont-ils diffusés à la télévision ?

Thierno Souleymane Diallo : Actuellement, la totalité des films guinéens se trouvent ailleurs. Ils ne sont pas diffusés à la télévision, en revanche on trouve pas mal de théâtre filmé sur des DVD et avec les copies pirates.

La Guinée est un pays où la production cinématographique est inexistante.

C.L. : Comment avez-vous écrit votre scénario ? Aviez-vous dès le début une idée claire des lieux et des personnes que vous alliez rencontrer ou bien cela s’est-il pour une partie décidé au tournage ?

T. S. D. : À la base, je connaissais mon chemin, car la quête de Mouramani est un prétexte pour revisiter le passé du cinéma guinéen et poser une réflexion sur la conservation des films, l’archivage et l’accessibilité. Je voulais raconter quelque chose de simple, naïf mais aussi profond. Je savais où je mettais les pieds, mais j’étais aussi ouvert à ce que le réel me proposait. C’est une écriture avant le tournage et une réécriture pendant le tournage.

Au cimetière de la pellicule photo film 2023 (1)
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C.L. : Qu’est-ce qui a été le déclencheur de votre goût pour le cinéma ?

S. D. : Depuis que j’ai découvert cette salle obscure avec des images sur grand écran, à l’âge de 10 ans, je n’ai cessé d’aller au cinéma. Inconsciemment, je pense que j’ai été bercé par le cinéma en regardant presque tout et rien. J’ai toujours eu une aisance à raconter les films que j’ai vu à mes amis et parfois, je rajoutais des séquences aux films vus.

C.L. : Vous montrez la nouvelle génération guinéenne : voyez-vous en elle comme en vous un regain d’intérêt pour l’affirmation de sa propre histoire nationale ?

T. S. D. : À l’ère du numérique et de la guerre des images, cette nouvelle génération se sent obligée de produire ses propres images. C’est vrai, il y a un réel manque de formation et de financement, mais la nouvelle génération fait des films avec les moyens du bord.

“C’est le film de mes peurs, de mes envies et de mon questionnement”

C.L. : Comment avez-vous imaginé la mise en scène de votre propre personnage à l’écran pour faire avancer l’intrigue ?

T. S. D. : Ce film, au-delà du prétexte de partir à la recherche de Mouramani de Mamadou Touré et du cinéma guinéen, c’est aussi mon histoire, c’est moi qui ai choisi le cinéma comme métier. Est-ce que mes parents ont eu tort de considérer le cinéma comme une perte de temps ? Je fais des films dans un pays où il n’y a pas de salle de cinéma et pas non plus les moyens pour faire des films. C’est le film de mes peurs, de mes envies et de mon questionnement : c’est quoi le cinéma ? Ainsi, je reste un personnage central pour l’évolution du récit.

Au cimetière de la pellicule photo film 2023 (1)
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C.L. : Gardez-vous l’espoir de retrouver un jour le film Mouramani ?

T. S. D. : J’espère qu’un jour, on va retrouver ne serait-ce que la bobine décomposée du film Mouramani.

C.L. : Filmer l’exemple de la salle parisienne La Clef, un cinéma coopératif et en lutte, était-ce aussi un moyen de proposer une alternative en Guinée pour faire revivre les salles laissées à l’abandon ?

T. S. D. : La salle de cinéma de La Clef fait écho à toutes ces salles qui ont fermé en Guinée et ce cinéma qui est en train de disparaître avec l’arrivée du streaming. Évidemment, il faut aussi des individus pour sauver ces lieux culturels et ne pas laisser le vide s’installer.

“Un peuple qui ne se regarde pas est appelé à disparaître”

C.L. : Si les politiques de mémoire cinématographique nationale se révèlent difficiles en Guinée, avez-vous espoir qu’une fédération de plusieurs pays d’Afrique pour défendre cette histoire culturelle puisse exister, comme défendu au Fespaco où votre film a été programmé ?

T. S. D. : Je pense que le Fespaco peut jouer un rôle moteur sur la conservation et l’archivage des films.

Il est plus que nécessaire, dans nos différents États, qu’une vraie politique soit mise en place pour palier à ce trou de mémoire. Notre survie identitaire en dépend. Un peuple qui ne se regarde pas est appelé à disparaître et l’avenir se construit à partir du passé.

Cet article vous est proposé par le chroniqueur Cédric Lépine.

En savoir plus :

  • Au cimetière de la pellicule
    de Thierno Souleymane Diallo
    Documentaire
    93 minutes. France, Sénégal, Arabie saoudite, Guinée, 2023.
    Couleur
    Langues originales : français, malinka, pular
    Scénario : Thierno Souleymane Diallo
    Images : Leïla Chaïbi, Thierno Souleymane Diallo
    Montage : Marianne Haroche, Aurélie Jourdan
    Musique : Dom Peter
    Son : Ophélie Boully, Jean-Marie Salque
    Production : Lagune Productions (Sénégal), Le Grenier des ombres (Guinée), L’Image d’après (France), JPL productions (France)
    Produit par : Alpha Amadou Diallo, Jean-Pierre Lagrange, Maud Martin, Marie-Louise Starr
    Distributeur (France) : Dean Medias
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