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Fred Gervais

Critique / “Simple comme Sylvain” (2023) en vidéo le 2 avril 2024

Simple comme Sylvain est disponible en vidéo le 2 avril 2024 après une sortie dans les salles en novembre dernier. Le film de Mona Chokri a notamment obtenu le César du Meilleur film étranger en 2024. La critique et l’avis sur le film. 

Synopsis :

Sophia, conférencière sur la philosophie de l’amour auprès du troisième âge, découvre une relation amoureuse et physique intense auprès de Sylvain qui avait pour charge d’entreprendre les travaux de son chalet à la campagne. Elle est également en couple avec un universitaire avec qui elle ne partage plus de complicité sexuelle.

L’article vous est proposé par l’auteur Cédric Lépine

Simple comme Sylvain : l’amour de la théorie à la pratique

L’amour a maintes fois été le moteur de récits pour le cinéma comme la littérature romanesque ou encore la philosophie mais cela n’empêche pas l’incompréhension profonde de demeurer en fonction des points de vue choisis. Simple comme Sylvain débute avec une discussion à bâton rompu entre ami.es quadragénaires en couple où la thématique de l’amour s’invite spontanément avant de suivre la forme du fil rouge du film, puisque l’héroïne dresse aussi une histoire de la philosophie de l’amour qui part du point de vue des hommes pour aller vers l’ouverture émancipatrice féminine de bell hooks.

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Fred Gervais

Cependant, l’amour n’est pas seulement intellectualisé à la manière des personnages de Rohmer, il est également sensualisé avec une présence physique incarnée dans une rencontre inédite pour l’héroïne. Si le rapprochement amoureux entre l’universitaire libérée et l’homme simple et pragmatique de la campagne pourrait donner lieu à une nouvelle adaptation libre de L’Amant de la Lady Chatterley (Lady Chatterley’s Lover, 1928) de D. H. Lawrence, c’est avant tout une problématique contemporaine que Monia Chokri développe dans son scénario original, notamment autour du conflit de classes sociales qui n’est pas non plus éloigné de l’amour impossible conté dans L’Histoire d’Adèle (2013) d’Abdellatif Kechiche.

La difficulté de la rencontre complice et charnelle s’illustre dans les problématique de Monia Chokri comme un divorce entre la communion physique et intellectuelle. Là où l’alchimie des corps chemine naturellement dans l’épanouissement physique et orgasmique dans une rencontre réciproque et bienveillante, les références et valeurs sociales sont bien plus compliquées car chaque classe sociale possède des a priori sur les autres, malgré le désir théorique d’ouverture sur l’autre.

“un état du monde où la société est divisée par ses hiérarchies sociales”

L’héroïne qui porte un prénom non anodin dont l’étymologie rappelle que l’amour est lié à son histoire voire à son essence, découvre que son compagnon qui partage les mêmes valeurs de classe, déverse sans complexe son mépris pour une autre classe qu’il considère comme inférieure. Quant à Sylvain, dont le prénom renvoie à la nature sylvestre, simple et spontanée, il est fan de Michel Sardou et avoue ses préjugés discriminants sur les étrangers, avec quelques soupçons de misogynie. Est-ce que les rencontres amoureuses comme le rappelle Pierre Bourdieu dans La Distinction (1961) seraient seulement prédéterminées par les origines sociales ? La question nourrit ici l’ensemble du film.

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Fred Gervais

Autour d’une histoire d’amour, Monia Chokri dresse parallèlement un état du monde où la société est divisée par ses hiérarchies sociales qui conduit à diverses polarisations et à l’émergence politique de l’extrême droite dans ses rejets de l’autre. Pour cette raison, l’écriture du scénario est particulièrement étoffée de sous-lectures possibles, le tout accompagné par un choix de mise en scène invitant les années 1970 par la tonalité sépia, les longues focales et les zooms assumés de manière décomplexée à l’image de l’héroïne qui semble retomber dans une certaine jeunesse comme s’il s’agissait de son premier amour adolescente. C’est d’ailleurs l’objet de la première discussion du couple où un transfert semble s’opérer d’un amour du passé au présent.

Au final, ce qui rapproche Sylvain et Sophia, la nature et la culture, c’est le fait qu’aucun des deux ne trouve réellement sa place dans le milieu social qui lui est échu et qui lui impose un rôle inadéquat quant à leur sentiment profond de leur propre identité.

En savoir plus :

Simple comme Sylvain
de Monia Chokri
Fiction
110 minutes. Canada, France, 2023.
Couleur
Langue originale : français

Avec : Magalie Lépine Blondeau (Sophia), Pierre-Yves Cardinal (Sylvain Tanguay), Francis-William Rhéaume (Xavier), Monia Chokri (Françoise), Steve Laplante (Philippe), Marie-Ginette Guay (Sylvie), Micheline Lanctôt (Madeleine), Guillaume Laurin (Olivier), Linda Sorgini (Guylaine), Mathieu Baron (Kevin), Christine Beaulieu (Karine), Lubna Playoust (Joséphine), Johanna Toretto (Vanessa), Jordan Arseneault (Drew), Guy Thauvette (Pierre), Ève Aubert (la serveuse du bar), Lila Sofia Houle (Carolane), Zack Charbonneau (Jayden), Jade De Bruto (Sun), Kenny Dorvil (Harry), Karelle Tremblay (Camélia), Phil Lauzon (le chanteur local), Léa Caron (Gisèle), Clara David (Paloma), Noam Desbiens-Lépine (Victor), Dominick Landry (le redneck), Victoria Leblanc (une jeune femme qui embrasse), Xavier Bergeron (un jeune homme embrassé), Frédéric Poneau (Michel), Monique Michaud (la dame à la petite sucrerie), Samuel Bernard (un ami de Sylvain), Emmanuel Côté (un ami de Sylvain), Vannyda Mom (la professeure de danse), Gabriel Lemire (l’employé du supermarché), Emmanuelle Graton (la femme des Laurentides), Félix de la Rochelière (un homme des Laurentides), Steeven Fortin (un musicien), Samuel Jalbert Raymond (un musicien), Jean-François Fortin (un musicien), Pierre Duclos (un étudiant), Marc Blondeau (l’homme célibataire à l’université), Manon Lépine (la femme célibataire à l’université)

Sortie en salles (France) : 8 novembre 2023
Sortie France du Blu-ray : 2 avril 2024
Format : 1,37 – Couleur
Langue : français (québecois)
Éditeur : Memento Films

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