[Mise à jour 3/07/2020] Après sa sélection pour l’ouverture du Champs-Élysées Film Festival 2020 avec son édition exclusivement en ligne, Jumbo de Zoé Wittock est dans les salles de cinéma depuis le 1er juillet 2020. Le premier long métrage de la réalisatrice est marqué par la présence au casting des actrices Noémie Merlant et Emmanuelle Bercot. La critique et l’avis film de Bulles de Culture.
Synopsis :
Jeanne (Noémie Merlant), une jeune femme timide, travaille comme gardienne de nuit dans un parc d’attraction. Elle vit une relation fusionnelle avec sa mère, l’extravertie Margarette (Emmanuelle Bercot). Alors qu’aucun homme n’arrive à trouver sa place au sein du duo que tout oppose, Jeanne développe d’étranges sentiments envers Jumbo, l’attraction phare du parc.
Jumbo met en avant le syndrome de l’objectophilie
Le premier long métrage de Zoé Wittock initie le spectateur aux problèmes de l’objectophilie. Cette pathologie méconnue, dérivée de l’autisme, est liée à une difficulté de communication avec les humains. Le malade, ayant très souvent vécu un traumatisme, se réfugie dans une relation intime avec un objet. Pour Jeanne, dont on comprend qu’elle fût marquée par l’absence d’un père très brièvement évoqué au début du film, cette attirance se fait autour d’une attraction phare présente dans le parc de loisir dans lequel elle travaille.
Cette infrastructure, que la protagoniste choisit d’appeler Jumbo, est abordée avec tous les caractères d’un humain : répondant aux questions par des codes couleurs, faisant “s’envoyer en l’air” la jeune femme et ayant même la capacité de faire l’amour à sa bien aimée.
C’est d’ailleurs à travers une scène de sexe très métaphorique que l’on peut voir toute l’empreinte stylistique de la réalisatrice. Noémie Merlant y est filmée nue avec beaucoup de sensualité dans un décor vide à la lumière étincelante. Très suggestif, l’huile de la machine, telle une semence sexuelle, envahit le corps de la jeune femme pour la posséder. Jeanne se confie plus tard à sa mère : elle a vécu un orgasme qu’elle n’a jamais obtenu avec un homme.
Un esthétisme travaillé
Dans Jumbo, Jeanne est un personnage heureux et épanoui au contact de son amour de fer. C’est le regard des autres qui la meurtrie au quotidien à l’instar des jeunes de son âge qui traînent dans le parc et qui se moquent d’elle. L’amour maternel est également étouffant avec cette mère omniprésente qui transfère sur sa fille ses propres blessures d’abandon.
L’ôde à l’amour de Zoé Wittock est ici singulier. Plutôt que dans le jugement de l’anormalité, il est dans l’acceptation la plus totale d’un choix de vie. Cette objectophilie n’est jamais traitée comme une pathologie mais y est dépeint par la réalisatrice comme une quête de bonheur inoffensive qui doit être assumée au grand jour.
Esthétiquement, Jumbo fait penser à Rencontre du 3ème type (Steven Spielberg) à travers ces scènes nocturnes dans lesquelles l’attraction s’illumine de toutes ses ampoules, telle une force extraterrestre qui débarque sur Terre. Dans le regard de Jeanne, on peut y voir le rejaillissement de l’affection d’enfance que chacun vit dans l’enfance avec une peluche. La personnification de ce Jumbo laisse penser à des films mythiques comme Le Géant de fer (Brad Bird) ou Transformers (Michael Bay) où on se prend à avoir de la compassion pour une machine.
Le rythme du long métrage est cependant cassé par les excentricité trop affirmée d’Emmanuelle Bercot qui surjoue le rôle d’une mère instable sentimentalement. On pense alors instantanément à sa prestation mitigée dans Fête de Famille (Cédric Kahn), où la comédienne avait déjà livré une prestation trop démesurée. Noémie Merlant, mise en avant l’année passée pour son interprétation remarquée dans Portrait de la Jeune Fille en Feu, se plonge encore une fois au soutien d’un cinéma d’auteur dans un portrait intime d’une fille passionnée.
Jumbo intéresse donc par son esthétique travaillé empreint de science-fiction. La direction d’acteurs reste cependant à perfectionner.
En savoir plus :
- Date de sortie France : 01/07/2020
- Distribution France : Rezo Films