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Thierry de Peretti, le réalisateur corse, revient, avec Bulles de Culture, sur le processus de création de son nouveau long métrage, A son image, qui a été présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2024.
Synopsis :
Fragments de la vie d’Antonia, jeune photographe de Corse-Matin à Ajaccio. Son engagement, ses amis, ses amours se mélangent aux grands événements de l’histoire politique de l’île, des années 1980 à l’aube du XXIe siècle. C’est la fresque d’une génération.
Thierry de Peretti revient sur son film A son image
Bulles de Culture : Avec ce film, vous vous prêtez pour la première fois à l’exercice de l’adaptation, en l’occurrence celle du livre éponyme de Jérôme Ferrari. Comment s’est déroulé ce procédé ?
Thierry de Peretti : La question de la structure du récit s’est posée d’emblée car ce dernier se déroule sur 30 ans. Il fallait que cette notion du temps qui passe soit lisible, tout en concentrant les moments clés. Ensuite, le travail le plus important a été la composition des personnages, qui ne peuvent pas être définis identiquement en littérature et au cinéma. J’avais besoin de savoir où ils vivent, ce que font leurs parents, et comment ils fonctionnent intérieurement. En littérature, l’expérience que le lecteur se fait du personnage se confond avec son expérience de la lecture. Au cinéma, cette expérience doit être plus directe et plus incarnée. Le défi était donc de faire émerger des personnages multidimensionnels.
Bulles de Culture : Qu’est-ce qui a résonné en vous à la lecture du roman original ?
Thierry de Peretti : Cela s’est fait en plusieurs temps. Jérôme Ferrari est mon contemporain. Le centre de ses récits, c’est la Corse. Nous avons traversé les années 80-90 en étant percutés par les mêmes événements sur ce territoire. De fait, ce livre m’a touché, notamment en raison du personnage d’Antonia, assez inédit dans la fiction contemporaine. Il offre un contrepoint à mon film Une vie violente qui racontait l’expérience politique totale d’un jeune homme, jusqu’à la mort. À son image raconte une expérience plus intérieure, plus métaphysique, plus intime et plus poétique grâce à la pratique de la photographie par Antonia. Cela soulève des questions, comme celles de la représentation ou de la morale liée à l’image. Ce personnage me permettait de questionner ce qu’est la mise en scène, tout en m’ancrant profondément dans la réalité politique et sociale de la Corse de ces années-là.
Bulles de Culture : Comment avez-vous abordé la mise en scène pour lui apporter cet aspect aussi réaliste ?
Thierry de Peretti : Le réalisme vient avant tout des acteurs et des actrices qui ont un rapport contemporain au jeu et une justesse d’écoute. Ils rendent leurs personnages très définis, très vivants, tout en leur conférant une stature de tragédie antique. Ils sont plus grands que nature. Concernant la mise en scène, je travaille beaucoup en plan-séquence car il m’importe que le spectateur soit relié à la durée dans laquelle le plan se déroule. Le public s’inscrit dans la même temporalité que les personnages. Cela confère à la scène une impression forte de présent et le public a le droit de regarder, en toute liberté, ce qu’il a envie de voir. Mais cela reste un travail de préparation et de scénographie important, même si les plans ne sont pas découpés.
“Tant que nous n’aurons pas dressé un bilan du passé, nous rejouerons ces drames à l’infini” – Thierry de Peretti
Bulles de Culture : Vous parliez de vos comédiens, comment avez-vous mis en place cette troupe ?
Thierry de Peretti : Cela a été un long processus. Nous avons travaillé par ateliers, en menant des entretiens et en jouant des scènes. J’avais besoin de construire un groupe dont chaque membre soit connecté à la réalité politique de la Corse et aux événements narrés dans le film. Cela m’a aussi permis d’enrichir le scénario pendant le tournage, en améliorant certains dialogues grâce aux propositions des acteurs. Ils sont également les auteurs du film.
Bulles de Culture : En voyant votre film, on a l’impression que cette lutte pour l’indépendance de la Corse ne finira jamais. C’est votre crainte ?
Thierry de Peretti : Au contraire, nous pouvons sortir de cette situation. Le problème, c’est que lorsque les questions politiques ne sont pas réglées, notamment celles liées à des territoires ou à des peuples, nous sommes condamnés à revivre la même violence. On le voit en Nouvelle-Calédonie aujourd’hui. Tant que nous n’aurons pas dressé un bilan du passé, nous rejouerons ces drames à l’infini. Nous nous en sortirons en réglant les choses politiquement, et pas idéologiquement. Aujourd’hui, la grande question politique en Corse est celle de l’autonomie via un projet porté par la majorité territoriale qui s’intitule l’autonomie de plein droit et de plein exercice. Le gouvernement d’Emmanuel Macron ne l’a pas considéré pendant longtemps alors que c’est un fait démocratique et il a fallu que la jeunesse corse embrase à nouveau les rues, suite à l’assassinat en prison d’Yvan Colonna, pour que ce projet politique porté depuis des décennies soit enfin considéré. Désormais, il y a un échange entre le gouvernement et la collectivité de Corse pour que le statut institutionnel du territoire change et que l’île accède enfin à un vrai statut d’autonomie.
En savoir plus :
- Date de sortie France : 4 septembre 2024
- Distribution France : Pyramide Distribution
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